La fin du principe de précaution ? Au Royaume-Uni, les aires de jeux pour enfants abandonnent le risque zéro

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Après des décennies de réglementation de plus en plus tatillonne, les aires de jeux du Royaume-Uni s’ouvrent progressivement au risque pour aider les enfants à grandir. Même si l’opération se fait lentement, on y abandonne délibérément le principe de précaution et l’idée du risque zéro : bonne nouvelle pour les enfants qui peuvent désormais s’y amuser avec des briques, des bouts de bois, et même des marteaux et des scies.
 
C’est le cas dans une école maternelle et primaire, Richmond Avenue Primary School à Shoeburyness, Angleterre, où le corps professoral a pris la mesure de la nocivité de la protection à tout va, organisant des sessions de réflexion pour voir de quelle manière rendre les jeux… plus dangereux. Leur expérience a été lancée il y a quatre ans. Sans catastrophes…
 
Depuis le début de cette marche vers le retour au réel, les enfants de cette école pionnière ont été progressivement encouragés à se familiariser avec le feu et on leur a redonné un bac à sable –longtemps honni parce qu’on y trouve parfois des déjections animales. A l’intérieur, il y a aujourd’hui pléthore de ciseaux et de distributeurs de scotch bien coupants : « En général, les enfants ne se coupent qu’une seule fois », constate avec satisfaction Leah Morris, responsable des petites classes.
 

Les enfants ont besoin de prendre des risques et même de se faire mal

 
Même l’organisme de contrôle des écoles, Ofsted, soutien le mouvement, dénonçant la paranoïa sécuritaire qui conduit les enseignants, lors des sorties de classe, à exigé que tous les gamins portent des vestes réfléchissantes. L’inspectrice principale, Amanda Spielman, a ajouté que son corps d’inspecteurs suivra désormais des formations pour apprendre à valoriser le côté positif du risque, chose bien oubliée ces derniers temps.
 
Bref, il est acceptable et même souhaitable que les enfants risquent chutes et petites blessures : « Ce n’est pas la même chose que la témérité qui conduirait à faire marcher un enfant de deux ans sur le bord d’une falaise sans être accompagné », insiste-t-elle.
 
Le Canada et la Suède envisagent des mesures similaires, alors que la France en est encore à la très coûteuse obligation d’installer des sols de caoutchouc partout où il y a risque de chute. Aux Etats-Unis, où les coûts des procédures en responsabilité civile sont astronomiques, on n’est cependant pas près de modifier la règle : les aires de jeux, dotés de sols amortissants est entouré de barrières sont devenues des « petites prisons de jeux », dénonce Meghan Talarowski, paysagiste américaine qui dénonce la « stérilisation » des parcs pour enfants.
 

Le Royaume-Uni abandonne le principe de précaution et le risque zéro dans les aires de jeux

 
Elle a mené une enquête sur l’utilisation des aires de jeux en fonction du niveau de risque qu’elles présentent : les aires britanniques, avec le bac à sable et leurs escarpolettes bien hautes, attirent 55 % de visiteurs de plus qu’aux Etats-Unis et le taux d’activité des jeunes y est entre 16 et 18 % plus élevé.
 
En Angleterre, on contourne les risques de procédure en installant les éléments plus dangereux à la main, en choisissant des matériaux naturels : on ne peut pas poursuivre en justice le fabricant d’une grosse pierre…
 
C’est le retour du bon sens. Hélas, l’instrumentalisation politique n’est jamais très loin : ainsi, on explique que dans les pays européens où les coûts médicaux sont socialisés, il n’y a pas de raison de multiplier les poursuites en responsabilité des fabricants d’engins pour aires de jeux en cas d’accident. Comme s’il fallait à tout prix impliquer l’Etat, alors que les clauses contractuelles ne manquent pas par lesquelles les parties peuvent limiter les responsabilités d’un commun accord.
 
Mais peut-être des enfants habitués à se faire mal en tombant, à se piquer sur des ajoncs et à grimper 10 mètres au-dessus du sol seront-ils demain plus à même de remettre en cause le socialisme !
 

Anne Dolhein