L’Allemagne suspend les accords de Schengen

Allemagne suspend accords Schengen
 
Face à l’afflux massif de réfugiés, l’Allemagne a rétabli – provisoirement – dimanche les contrôles à ses frontières, notamment avec l’Autriche, pour tenter de réduire le nombre de demandeurs d’asile arrivant sur son territoire. Berlin suspend donc, pour un temps, les accords de Schengen sur la libre circulation des personnes, trente ans après les avoir signés.
 
C’est le ministre fédéral de l’Intérieur, Thomas de Maizière, qui en a fait l’annonce : « Actuellement, l’Allemagne introduit à titre provisoire des contrôles le long de ses frontières. En tout premier lieu est concernée celle avec l’Autriche. (…) L’objectif de cette mesure est de limiter l’afflux actuel vers l’Allemagne et d’en revenir à des procédures ordonnées pour l’entrée des personnes dans le pays. » Une mesure qui a eu pour première conséquence de voir s’interrompre les trains en provenance d’Autriche.
 

L’Allemagne suspend Schengen

 
La première observation qu’implique cette décision allemande est que non seulement les accords de Schengen ne sont pas applicables dans le cas présent, mais que, en outre, ils pourraient nuire à l’ordre public.
 
Le ministre allemand des Transports Alexander Dobrindt ne dit rien d’autre lorsqu’il dénonce l’échec complet de l’Union européenne à contrôler ses frontières extérieures.
 
Certes, le cas est prévu par la Convention d’application, à l’article 2, alinéa 2 : « Toutefois, lorsque l’ordre public ou la sécurité nationale l’exigent, une Partie Contractante peut, après consultation des autres Parties Contractantes, décider que, durant une période limitée, des contrôles frontaliers nationaux adaptés à la situation seront effectués aux frontières intérieures. Si l’ordre public ou la sécurité nationale exigent une action immédiate, la Partie Contractante concernée prend les mesures nécessaires et en informe le plus rapidement possible les autres Parties Contractantes. »
 
Mais nos politiques auraient quelque mal à prétendre, comme l’a fait cependant la Commission européenne, que cet article s’applique normalement, puisque ce sont eux-mêmes qui ont pris la décision, en forçant celle de certains Etats-membres peu enclins à les suivre, d’accueillir massivement les migrants et réfugiés.
 
Faudra-t-il, demain, les poursuivre pour atteinte à l’ordre public et à la sureté nationale ?
 

La loi du nombre

 
On comprend bien pourtant la décision de Berlin. Lorsque 16.000 demandeurs d’asile arrivent dans la seule ville de Munich entre samedi matin et dimanche après-midi – 63.000 au total depuis le début du mois –, le système, quel qu’il soit, ne peut être que débordé !
 
En réalité, on comprend tout aussi bien l’affirmation bruxelloise, qui consiste en une récupération de cette situation tragique : « La décision allemande annoncée aujourd’hui souligne l’urgence qu’il y a à s’entendre sur les mesures proposées par la Commission européenne pour gérer la crise des réfugiés. »
 
Bien sûr, les ministres de l’Intérieur des 28 pays de l’Union européenne se retrouvaient ce lundi à Bruxelles pour discuter, une fois encore, de la situation. Et alors ? Il y a, dans la décision allemande, une autre logique possible qui est celle défendue par le premier ministre tchèque, Bohuslav Sobotka, et le ministre slovaque de l’Intérieur, Robert Kalinak, qui ont déclaré dimanche que leurs pays opposeraient leur veto à la mise en place de quotas obligatoires de migrants.
 
Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls. La Roumanie a, elle aussi, manifesté son opposition à ce système impératif, en arguant de l’hostilité de son opinion publique. Invitée à accepter 4.646 migrants, Bucarest invoque en outre sa faible capacité d’accueil, limitée à quelque 1.500 places dans six centres d’asile.
 
De son côté, le premier ministre hongrois Viktor Orban a salué la décision allemande, et estimé que Berlin devait prendre cette mesure pour protéger les valeurs allemandes et européennes.
 

Suivre Bruxelles malgré tout

 
Mais le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel veut quand même soutenir le processus bruxellois lorsqu’il déclare que « l’absence de décisions européennes dans la crise des réfugiés accule l’Allemagne à la limite de ses possibilités ».
 
Mais allez donc l’expliquer aux migrants ! Et puis, lorsque le ministre Thomas de Maizière affirme que « nous ne pouvons pas permettre que les réfugiés choisissent librement où ils veulent rester », il détourne déjà le sens des accords de Schengen. En effet, si tout réfugié doit demander l’asile politique dans le pays par lequel il entre dans l’Union européenne, rien ne l’empêche de s’établir ensuite dans le pays de son choix. Normalement…
 
On ne voit pas dès lors comment la France et l’Allemagne, comme elles le prétendent, pourraient parler d’une même voix. Mais notre ministre de l’Intérieur a trouvé une parade, qui s’aligne effectivement sur les propos de son homologue allemand. Bernard Cazeneuve propose ni plus ni moins que de « transformer Schengen » afin que les contrôles « soient possibles ».
 

Respecter les accords de Schengen

 
Il appelle aussi à un « respect scrupuleux » par chaque pays de l’Union européenne des règles de Schengen – cela dépend donc des critères et des règles, apparemment.
 
Et puis le ministre français accuse : « C’est faute de leur respect que l’Allemagne a décidé d’établir temporairement des contrôles à ses frontières, sans procéder à leur fermeture. »
 
Malheureusement pour lui, malheureusement pour Bruxelles, les récalcitrants, nous l’avons dit, ont réitéré leur opposition à tout système obligatoire et contraignant.
 
Mais peut-être François Hollande, qui s’est découvert chef de guerre, pourrait-il réfléchir à quelque action du côté de la Hongrie, de la Roumanie, de la Tchéquie, de la Slovaquie, etc.
 

François le Luc