15 août : l’Assomption de la Vierge Marie et la France

15 août l'Assomption de la Vierge Marie et la France
 

Depuis le vœu de 1638, la Vierge de l’Assomption est la patronne principale de la France. Ce jour-là, dans toutes les paroisses du pays, est faite une procession avec le renouvellement de la consécration faite par Louis XIII : le roi voulait remercier la Reine du Ciel pour la protection accordée à son royaume dans la guerre de Trente ans et pour le don d’un héritier, « Louis Dieudonné », le futur Louis XIV, né en septembre 1638. Depuis, bien d’autres pays se sont consacrés à la Vierge, au Sacré-Cœur ou à ses saints, mais la consécration de 1638 en reste le prototype. Il en est résulté pour conséquence une certaine primauté accordée à la France en matière d’avertissements marials.
 
En effet, il n’est pas possible de ne pas remarquer les multiples visites de la sainte Vierge en France qui s’ensuivirent. Non pas qu’il n’y ait pas eu d’apparitions mariales auparavant – elles sont au contraire très nombreuses, depuis la Vierge du Puy au VIe siècle, jusqu’à Cotignac en 1519, sans compter les statues miraculeuses semées à foison dans toutes les régions de France – mais les messages laissés à la France à partir de cette date regardent toute l’Église. Il n’est pas possible d’en donner une vue d’ensemble, mais une attitude à peu près constante mérite d’être soulignée : les pleurs de Marie.
 

Les pleurs de la sainte Vierge sur la France

 
Lorsque la Vierge Marie pleure, on pense à La Salette bien entendu ; mais depuis deux cent ans, la Vierge Marie est en général plus que sérieuse et très souvent éplorée : à Pontmain, elle saisit le crucifix rouge marqué « Jésus-Christ » avec une expression accablée ; à Lourdes, son regard de bonté se change en tristesse lorsqu’elle prononce trois fois « pénitence », à la rue du Bac, elle ne peut retenir une peine profonde qui l’empêche même de parler.
 
C’est d’ailleurs le cycle des manifestations de la rue du Bac qui marque un tournant dans l’histoire des apparitions mariales. Après 1830 en effet, la Vierge vient avertir le monde de châtiments terribles s’il n’y a pas de conversion et ses accents sont gravement insistants et même presque désespérés.
Sœur Catherine Labourée, jeune sœur au noviciat des filles de la Charité de Paris, est d’abord gratifiée de la vision du cœur de saint Vincent de Paul (25 avril – 2 mai) : trois jours de suite, ce cœur apparaît dans la chapelle du couvent sous trois couleurs différentes. D’abord, témoigne la jeune sœur, « blanc couleur de chair, qui annonçait la paix, le calme, l’innocence et l’union. Puis je l’ai vu rouge de feu ; ce qui doit allumer la charité dans les cœurs (…) Et puis je l’ai vu rouge noir, ce qui me mettait la tristesse dans le cœur ». Cependant la raison de ces changements de couleur échappe à la religieuse…
 
Deuxième manifestation. A la messe, sœur Catherine voit Jésus au très-Saint Sacrement. Si elle doute, Il disparaît ; si elle prie vraiment, Il apparaît. Et le 6 juin, « Notre Seigneur m’apparut comme un Roi, avec la Croix sur sa poitrine, (…) au moment de l’Évangile. Il m’a semblé que la Croix coulait sur les pieds de Notre Seigneur. Et il m’a semblé que Notre Seigneur était dépouillé de tous ses ornements. Tout a coulé à terre. C’est là que j’ai eu les pensées les plus noires et les plus sombres. » Les choses se précisent donc : ces apparitions sont en rapport direct avec le Christ-roi.
 
Il faut attendre la nuit du 18-19 juillet pour que la Vierge Marie donne le sens précis de ces manifestations. La scène est connue : la jeune sœur est réveillée par un ange qui la guide jusqu’à la chapelle où l’attend la Vierge, assise dans un fauteuil. Catherine s’agenouille à ses pieds, les mains sur les genoux de la Dame. Alors, « Elle m’expliqua tout ».
 
La jeune sœur rapporte les paroles entendues : « Les temps sont mauvais. Les malheurs viendront fondre sur la France. Le trône sera renversé. Le monde entier sera renversé par les malheurs de toutes sortes (la Sainte Vierge avait l’air très peinée en disant cela). » Viennent quelques détails : « De grands malheurs arriveront. Le danger sera grand (…) Il y aura des victimes (la Sainte Vierge avait les larmes aux yeux, en disant cela). Pour le clergé de Paris, il y aura des victimes : Mgr l’Archevêque (à ce mot, des larmes à nouveau) mourra. (…) Mon enfant la Croix sera méprisée. On la mettra par terre. Le sang coulera. On ouvrira de nouveau le côté de Notre Seigneur. Les rues seront pleines de sang. Mgr l’Archevêque sera dépouillé de ses vêtements (ici, la Sainte Vierge ne pouvait plus parler, la peine était peinte sur son visage) : mon enfant, le monde entier sera dans la tristesse. »
 
Il s’agit d’une prophétie fort grave. Elle se développe sur deux niveaux : d’abord la Vierge annonce que la Révolution va triompher dans le royaume de Charles X, ensuite s’étendre au monde entier. Jésus-Christ ne régnera plus. En France, les calamités s’ensuivront : la révolution des « trois glorieuses » de l’été 1830 est évidemment annoncée ici, et ce fait décidera Mr. Aladel, confesseur du noviciat, à prendre au sérieux les communications divines. Mais ne faut-il pas y voir plus loin ? 1848 et 1870-1871, avec la Commune, entrent tout aussi bien – et même mieux, avec le sang qui coule dans les rues – dans le schéma donné rue du Bac. Puis viennent les guerres du XXe siècle, l’Épuration de 1944, la menace communiste d’après 1945, les massacres de la guerre d’Algérie, alors partie du territoire national…
 

L’Assomption de la Vierge Marie, la France et le monde

 
Et le monde ? Lui aussi est concerné par ces événements… Les prédictions sont mêlées : ce qui se passe pour la France est l’image réduite de ce qui se passe, ou se passera, pour l’univers entier. De même, dans l’évangile, Notre Seigneur annonçait la fin des temps en décrivant la fin d’Israël (« Apocalypses synoptique » de Mat. 24, Marc 13, Luc 21). Il n’y a pas qu’en France que le Sauveur est rejeté.
 
A ce titre, la prophétie de juillet 1830 s’applique parfaitement au monde global du milieu du siècle précédent où a pris fin le règne officiel du Christ jusque dans les nations catholiques. Le laïcisme triomphe sans partage, parfois avec l’aide des hommes d’Église : c’est pour appliquer la déclaration conciliaire sur la liberté religieuse, Dignitatis humanae, que les concordats furent repris à la baisse en Espagne, Colombie, Valais, Argentine, Italie… sous Paul VI et Jean-Paul II. Alors le catholicisme religion d’Etat a disparu complètement des terres de l’ancienne chrétienté. « Ils l’ont découronné » d’une façon plus efficace encore que ne l’avaient fait les révolutions des XVIIIe et XIXe siècles.
 
Les apparitions ultérieures – en France comme dans le reste du monde, de La Salette à Syracuse en passant par Fatima – ne font que se placer dans le sillage de la rue du Bac, qu’elles explicitent, actualisent et rappellent.
 
Mais il ne s’agit pas que de simples avertissements sans issue : en toute prophétie, même et surtout les plus menaçantes, il y a toujours une demande assortie d’une promesse salvatrice. Ici aussi, l’apparition de 1830 sert de prototype avec le « remède » que rapporte sainte Catherine Labourée. Dans la nuit du 18 au 19 juillet, la Vierge déclara : « Mais venez au pied de cet autel. Là, les grâces seront répandues sur toutes les personnes qui les demanderont avec confiance et ferveur : grands et petits. » Le 27 novembre, et en décembre à la troisième apparition mariale, elle confirma son propos par la révélation du tableau de l’Immaculée Conception : « Il faut faire frapper une médaille sur ce modèle, et les personnes qui la porteront indulgenciée et qui feront avec piété cette courte prière, jouiront d’une protection toute spéciale de la Mère de Dieu. » Depuis, il y a eu le chapelet à Lourdes, la prière à Pontmain, le scapulaire de Pellvoisin, la dévotion au cœur immaculé de Marie à Fatima, incessants rappels de la demande initiale de la rue du Bac : « O Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous. ».
 
La royauté de la Vierge Marie sur la France apparaît donc comme un tremplin pour s’adresser au monde. C’est peut-être ainsi que s’exprime de la façon la plus saisissante le titre de fille aînée de l’Eglise donnée à la France. L’histoire ancienne montre comment Dieu a usé d’une nation choisie pour assurer son plan de salut dans le monde : Israël. Il pourrait en être de même pour la France dans le Nouveau Testament. Il s’agit d’une lourde charge plus que d’un honneur et Marie avertit qu’une grave déficience sera marquée d’un châtiment exemplaire, tel celui infligé aux descendants d’Abraham…