Bataille de brevets en Californie autour de centaines de types de fraisiers…
et pour des millions de dollars

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Après la ruée vers l’or, la guerre de la fraise. La Californie est le théâtre d’un bras de fer autour de sa gigantesque production de cette rosacée, qui culmine à 3 milliards de dollars annuels et fournit 90 % de la consommation en Amérique du Nord. Au centre de cette bataille, les brevets sur de très nombreux plants de fraisiers élaborés pendant une vingtaine d’années à l’Université de Californie à Davis, non loin de Sacramento, par les chercheurs Douglas Shaw et Kirk Larson.
 
Ces brevets rapportent à l’Université quelque sept millions de dollars par an, deux millions revenant aux professeurs. Mais les relations entre l’établissement et les chercheurs se sont envenimées quand ces derniers ont décidé de prendre leur retraite, en 2011, après trois années de préavis. Craignant que les fruits de leur très juteux accord ne s’étiolent, nos deux professeurs se sont alliés à des cultivateurs pour créer une société appelée California Berry Cultivars, destinée à cultiver les plants en question. Ils disent avoir alors cherché un accord pour que ce soit désormais la société qui partage les royalties avec l’université. Laquelle a tourné casaque sous la pression des très gros producteurs et de la Commission de la fraise californienne, organisme de l’Etat dédié à la filière.
 

Une bataille autour de centaines de types de fraisiers, mis au point par Shaw et Kirk

 
L’université publique a présenté une demande de brevet réclamant les droits sur les résultats des recherches que les deux professeurs Shaw et Kirk avaient réalisées à Davis. Une bataille autour de centaines de types de fraisiers s’est donc engagée. L’université affirme que les deux hommes avaient en fait repris un programme remontant aux années 1930, qu’elle leur avait confié « l’immense responsabilité de le développer et de le protéger » car il s’agissait selon elle « d’un diamant sur (sa) couronne ». Or, selon l’Université de Californie à Davis, les deux chercheurs « contrairement à la volonté de l’établissement, ont tout fait pour arrêter le programme de recherche, cela afin de pouvoir l’exploiter pour eux-mêmes et d’en faire une affaire rentable ».
 

Bataille de brevets en Californie : des millions de dollars en jeu

 
Sentence de première instance : le jury du tribunal a tranché en faveur de l’université mais l’affaire va aller en appel. Le juge, Vince Chhabria, qui doit fixer le montant des dommages-intérêts, a été particulièrement acerbe pour chacune des parties : « Je vais quand même vous dire que si vous vous intéressiez vraiment aux fraises, si vous vous intéressiez vraiment au Programme de développement de la fraise en Californie, vous trouveriez le moyen, et vous l’auriez d’ailleurs déjà trouvé, d’éviter d’en faire une bataille judiciaire de brevets ».
 
Michael Cleugh, vice-président d’Eclipse Berry Farms, qui cultive des fraises sur plus de 32 hectares en Californie, a imploré l’Etat de trouver un accord : « La compétition entre les sélectionneurs et leurs entreprises est une bonne chose et il y a de la place dans notre secteur pour California Berry Cultivars, l’Université de Californie à Davis et tous les autres sélectionneurs qui veulent améliorer notre activité. Ce serait une honte de voir les variétés de fraises en question être jetées dans les poubelles de l’histoire ».
 

Matthieu Lenoir