FILM EXPERIMENTAL Bella e perduta •


 
Bella e perduta est un film italien singulier, qui entend intéresser le grand public, à commencer par celui de la péninsule, au château de Carditello. Cette ancienne bâtisse, sise à proximité de Caserte, et construite au XVIIIème siècle par les rois de Naples, a été abandonnée durant des décennies, dans la deuxième moitié du vingtième siècle. Le parc a été transformé en décharge sauvage par la mafia napolitaine. Le film entend rendre un vibrant et mérité hommage au courageux et dévoué sauveteur volontaire du site, Tommaso Cestrone, malheureusement décédé brusquement durant le tournage. Il avait entrepris, à lui tout seul, un travail titanesque de sauvetage du château ruiné, sous les menaces concrètes de la Camora.
 
Cet accident malheureux a peut-être, et c’est dommage pour le spectateur, contribué à complètement détourner le film. Sur un tel sujet, le genre du documentaire allait de soi. Nous aurions aimé en apprendre bien davantage sur Carditello, son histoire, probablement riche, découvrir des cartes le situant précisément en Campanie, etc. Or, nous apprenons trop peu de choses sur ce sujet central. Bella e perduta a été probablement reconstruit en urgence comme un film expérimental, ou pseudo fantastique sans moyens… Ainsi, durant les trois quarts du film, Polichinelle se promène dans la campagne de la région de Carditello – que l’on voit assez peu –, en compagnie d’un bufflon mâle, avec lequel il dialogue. Ces échanges, qui se veulent poétiques ou philosophiques, sont en fait surtout aussi prétentieux que creux.
 

Bella e perduta ennuie assez vite

 
Les paysans rencontrés n’arrivent pas à entrer en communication avec le bufflon. Selon eux, il ne vaut rien, car le cours du bufflon mâle est très bas ; en effet, il ne produira jamais de lait contrairement aux femelles, et les mâles reproducteurs ne manquent pas ; l’engraisser pour sa viande ne serait pas rentable non plus. Y aurait-il dans ces réflexions un sens caché ? Par contre, ils demandent à Polichinelle, qui s’exécute volontiers, de réaliser un certain nombre de rituels magiques. Ce type de comportement est peu compatible avec des convictions catholiques strictes. De même, les considérations formulées sur l’âme animale frôle l’hérésie tendant à confondre âme humaine et âme animale. Un bufflon n’est pas un être humain quand même ! En VO, on peut apprécier le fort accent napolitain en italien des protagonistes, agrémenté de quelques régionalismes.
 
Bella e perduta propose de magnifiques paysages ruraux de Campanie, de plaines comme de collines. Mais ils ne suffisent pas à animer un film. Ils forment un arrière-plan magnifique pour le duo mi-comique mi-grinçant de Polichinelle et du bufflon, qui assez vite ennuie même le public le mieux disposé.
 

Hector Jovien

 
Bella perduta Film expérimental