Les BRICS, nouveaux moteurs de la mondialisation selon le Forum économique mondial

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Le Forum économique mondial – organisateur des rencontres annuelles de Davos qui sont sorties de la clandestinité voici une bonne dizaine d’années déjà – prêtait ces derniers jours son site à la diffusion d’une analyse géopolitique réalisée par l’un des directeurs du club de discussion Valadaï, le think tank russe qui a pour objectif de rapprocher la Russie et les « élites intellectuelles internationales ». Yaroslav Lissovolik, le penseur géostratégique au cœur du de cette tribune, est largement cité en ce qu’il a dessiné les contours d’une « nouvelle mondialisation en marche » dont les moteurs seraient les BRICS, les pays émergents du tiers-monde rattaché à l’ancien bloc communiste : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.
 
Sachant que les grands de ce monde expriment régulièrement à Davos leur volonté de voir poursuivre la globalisation, c’est un appel du pied dont le bon accueil sur le site weforum.org mérite d’être souligné. Partant d’un constat récurrent – le déclin de la volonté d’intégration de la part de populations confrontée à toutes les conséquences négatives de la globalisation – l’article salue les initiatives nouvelles en vue de « revitaliser l’intégration régionale ». Insuffisante pourtant, regrette Lissovolik.
 

Les BRICS mis en avant comme moteur de la mondialisation

 
L’article évoque d’abord positivement les initiatives de la Chine, avec la fondation de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, l’AIIB, et la mise en place de la Nouvelle route de la soie accompagnée de nouvelles alliances économiques dans de nombreuses régions du monde. Mais les avancées des BRICS semblent piétiner, assure l’auteur au nom de la Plateforme géostratégique du Forum : il s’agit de trouver de « nouveaux portails ».
 
On suggère donc de se focaliser moins sur la mise en place d’accords de libre-échange ou d’intégration à grande échelle, mais de créer « un cadre plus large d’intégration et de coopération dans le monde en voie de développement ouvrant de nouveaux portails à la coopération entre les BRICS et leur partenaires des différents continents ». Et ce serait à la Chine de construire ce nouveau cercle BRICS+, tel qu’annoncé récemment par le ministre des affaires étrangères Wang Yi, pour améliorer la coopération sud-sud avec des partenariats de plus en plus larges.
 
« Ce sera peut-être l’une des premières initiatives véritablement globales du monde en voie de développement en vue de forger un nouvel ordre économique mieux équilibré. Cela est à son tour rendu possible en raison de la nature unique des BRICS, représentés par une ou plusieurs puissances majeures dans quasiment chaque continent du monde en développement », observe l’article de la plate-forme géostratégique du Forum économique mondial avec satisfaction. Et ce d’autant que chacune de ces grandes puissances est intégrée dans une structure régionale, ouvrant la voie à des « modes de coopération flexibles et multiples, non limitées exclusivement à la libéralisation des échanges, sur une base bilatérale ou régionale ».
 

Le Forum économique mondial se fait l’écho du Club de discussion de Valdaï

 
Une manière de rassembler les « blocs d’intégration régionale » déjà existants… Cela représente 35 pays allant de l’Union eurasiatique (calquée sur l’Union européenne) au Mercorsur.
 
Ces pays pourraient « intégrer » à la fois le commerce et l’investissement, en passant par des accords de libre-échange limités dans le cadre d’accords préférentiels, annonce l’article. Mais l’opération consisterait également à alourdir le poids des BRICS+ en tant que grand bloc de pouvoir dans les institutions dites « Bretton Woods », obtenant de fait un pouvoir de blocage au sein du Fonds monétaire international, et à former des alliances au cœur d’autres organisations internationales comme l’OMC. Bien sûr, la coopération s’étendrait aux banques d’investissement et aux monnaies d’échange afin de réduire la dépendance à l’égard du dollar et de l’euro, favorisant la création d’une monnaie de réserve propre associée notamment aux actifs monétaires et à l’or détenus par les banques centrales des dits pays.
 
Le tout serait renforcé par les alliances bilatérales conclues par chacun des pays membres pour aboutir à ce que l’on pourrait appeler les BRICS++ visant prioritairement les pays en développement, toujours en vue de renforcer leur poids parmi les institutions régionales déjà existantes.
 

Les BRICS au service de la « diversité » et de l’« inclusion » pour un Nouvel Ordre Economique

 
« A cet égard, le paradigme des BRICS+ est plus affaire d’inclusion et de diversité que de choix des poids-lourds. De par leur nature elle-même et de leur présence dans toutes les régions clef et dans tous les continents du monde en voie de développement, les BRICS pourraient jouer le rôle unique de plate-forme générale en vue de la coopération économique à travers le globe », constate le Forum économique mondial d’après les suggestions du Club de discussion Valdaï.
 
La question essentielle serait donc celle-ci : « De quel genre de cadre d’intégration et de globalisations avons-nous besoin en vue du développement durable ? » À quoi l’auteur répond : « Il faut s’éloigner du modèle noyau-périphérie caractérisé par les déséquilibres globaux extrêmes et par une forte inégalité afin d’aller vers un cadre BRICS+ décentralisé “sans noyau-sans périphérie”. » Et ce sans imposer d’emblée des normes universelles, ni fonder les coopérations sur la « communauté de valeurs ».
 
« L’émergence des BRICS offre à l’économie mondiale une occasion unique de remettre en place le processus d’intégration internationale et le rendre véritablement globale, non discriminatoire et plus conforme aux règles globales de l’OMC », conclut l’article.
 
Bref, on préconise un basculement du centre de gravité de la mondialisation en même temps qu’on prévoit un avenir plus « intégré » pour le monde, au profit de ce qu’on appelle le « Sud » contre le Nord développé.
 

Anne Dolhein