Catalogne : la rue en conflit

Catalogne rue conflit
 
En Catalogne, on se jette désormais les chiffres à la tête. Si Carles Puigdemont, le président de la région en conflit avec le pouvoir madrilène, peut se prévaloir de millions de voix, et de centaines de milliers de manifestants, qui se sont exprimés en faveur de l’indépendance, le gouvernement espagnol n’est pas peu satisfait des quelque 350.000 Espagnols qui, selon les chiffres de la police, sont descendus dans les rues de Barcelone pour clamer leur attachement à une Espagne unie et grande. Mais chacun campe sur ses positions…
 
De fait, Carles Puigdemont, le président de la région Catalogne, n’a pas hésité à souligner dimanche qu’il était prêt à déclarer l’indépendance, ce mardi, devant le parlement régional, si le gouvernement central espagnol ne répondait pas aux propositions de médiations. « Nous avons ouvert la porte à la médiation, nous avons dit “oui” à toutes les possibilités de médiation qui nous ont été présentées. Les jours passent, et si l’Etat espagnol ne répond pas de manière positive, nous, nous ferons ce que nous sommes venus faire », a-t-il déclaré sur les plateaux télévisés.
 

Catalogne : indépendance annoncée

 
En face, Mariano Rajoy, le chef du gouvernement, entend tenir bon contre l’indépendance. « Je n’écarte rien », affirmait-il dimanche. Rien, c’est-à-dire jusqu’à l’application de l’article 155 de la Constitution qui permet de passer outre l’autonomie régionale. Une idée qui ne fait qu’exacerber la tension, puisque même les Catalans hostiles à l’indépendance se hérissent à la seule pensée qu’on puisse toucher, un tant soit peu, au statut de la Catalogne.
 
Certes, Madrid pense avoir un certain avantage puisque l’Union européenne et la plupart des grands pays voisins, tels la France, lui ont apporté leur soutien. Et surtout parce que les indépendantistes n’ont obtenu que 47,8 % des suffrages lors des dernières élections de 2015. Ce qui, dans l’esprit des autorités, réduit à néant les 90,18 % du referendum interdit. Mais ils sont néanmoins majoritaires au Parlement avec 72 députés sur 135 en raison d’un système de pondération des voix destiné à favoriser les zones rurales.
 
En outre, l’extrême gauche, très engagée dans la mouvance indépendantiste, n’a que peu de raisons et aucune envie d’écouter le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy. Et de faire tout ce qu’elle peut pour obtenir cette indépendance.
 
Mais, selon la Constitution adoptée en 1978, c’est à tout le pays qu’il revient de se prononcer sur l’éventuelle indépendance d’une partie du territoire espagnol. Ce qui n’est, en l’occurrence, pas le cas.
 

La rue en conflit

 
Le problème est sans doute que, entre les indépendantistes extrêmes qui dépassent le cadre légal, et les autorités espagnoles qui n’entendent pas discuter de cette question, il n’y a guère d’espace pour une solution. Le dialogue de sourds est total.
 
Et l’Union européenne ne fait rien pour arranger les choses. Certes, Bruxelles affirme soutenir Madrid dans cet épineux dossier. Mais la fragmentation des Etats demeure une réflexion politique dans l’Union européenne. Certes, face aux difficultés politiques qui traversent actuellement l’Union européenne, on parle moins aujourd’hui d’Europe des régions. Pour autant, la régionalisation, au niveau européen est une réalité, notamment économique. Il y a trente ans, le Parlement européen avait même adopté une charte européenne de la régionalisation, et depuis la réflexion sur la démocratie régionale n’a cessé d’occuper les responsables européens. Certes, à l’heure actuelle, les Etats-membres ne se sont guère penchés sur le sujet, et la régionalisation paraît n’être qu’un vœu irréalisé. Mais l’importance qu’y attache l’Union est suffisamment grande pour qu’on s’interroge sur son appel au dialogue dans lequel Bruxelles pourrait distribuer les bons et les mauvais points – chacun des antagonistes en appelant de fait à l’autorité européenne. L’affaire catalane pourrait cesser d’être espagnole pour devenir européenne, et le remède serait alors pire que le mal.
 

Hubert Cordat