Selon la CEDH, les migrants clandestins au Maroc doivent bénéficier du droit de l’UE applicable aux réfugiés

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La décision est tombée il y a quelques jours, et elle est à sa manière historique : selon la Cour européenne des droits de l’homme, les migrants qui parviennent à traverser des barrières sans pour autant pénétrer sur le territoire de l’Union européenne doivent être considéré comme des réfugiés à part entière et bénéficier des droits que l’UE leur octroie. La CEDH examinait le recours de deux migrants africains clandestins contre la décision des autorités espagnoles de les renvoyer au Maroc alors qu’ils venaient de forcer une barrière à la frontière des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Mais sa décision a une portée générale inquiétante.
 
Au moment de leur interpellation, les deux migrants en question étaient techniquement encore en territoire marocain, même s’ils avaient été arrêtés par des gardes-frontières espagnols.
 

La CEDH donne raison à des migrants clandestins contre l’Espagne

 
Dans cette affaire ND et NT contre Espagne, les juges de Strasbourg ont donné raison aux deux migrants qui avaient tenté le passage en 2014 en condamnant l’Espagne pour refus d’accès à un avocat ou un interprète, et pour l’impossibilité où ils s’étaient trouvés de porter plainte en Espagne.
 
Selon la Cour, il n’y a « aucun doute » quant à la nature de ces actes de la part de l’Espagne : il s’agissait de « déportations illégales interdites ». Les deux migrants se sont vus accorder 5.000 euros de dommages.
 
La CEDH n’a rien voulu savoir des arguments de l’Espagne avançant que les deux hommes n’avaient pas atteint le territoire espagnol étant donné que ces barrières se trouvent en dehors de l’enclave. Elle a fait droit, en substance, aux revendications de l’ONG immigrationniste European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) qui, intervenant au secours des deux migrants au cours de la procédure européenne, a qualifié la bande de territoire jouxtant l’enclave espagnole de « zone de non-droit d’expulsion automatique ». Les juges de Strasbourg ont estimé que la police espagnole disposait d’un contrôle de facto sur la zone frontalière, et que par conséquent la Convention européenne des droits de l’homme doit s’y appliquer pleinement.
 

Le droit de l’UE doit bénéficier aux réfugiés… en territoire marocain

 
Deux articles de cette convention ont été violés par l’Espagne, selon la Cour : l’article 4 protocole 4 qui interdit les expulsions collectives et l’article 13 qui garantit le droit au recours effectif.
 
Ce sont toutes les frontières de l’Union européenne qui seront affectées par cet arrêt, et plus précisément toutes les zones où les autorités de l’Union européenne peuvent intervenir dans une zone frontalière externe.
 
Cet arrêt est un véritable appel aux migrants dans ces zones, et notamment au Maroc, à multiplier les tentatives de franchissement en masse et par la force des barrières protégeant les frontières de l’UE. A condition d’être assez forts et assez nombreux, leur action violente peut espérer être couronnée de succès. L’incursion créant ainsi le droit à la protection juridique jusque devant la Cour européenne…
 
Encore un principe qui s’en va. Jadis, nul ne pouvait se prévaloir de sa propre turpitude pour réclamer un droit. Aujourd’hui, des Etats souverains sont désavoués lorsqu’ils l’appliquent.
 

Anne Dolhein