“ Charlie ”, la laïcité et le blasphème d’Etat

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Les attentats qui ont frappé la France la semaine dernière, perpétrés par des citoyens français « éduqués » par l’école de la République, avaient une double motivation. D’un côté le massacre de plusieurs Juifs dans un supermarché casher, de l’autre l’« exécution » des principaux dessinateurs de Charlie-Hebdo, « punis » pour leurs « blasphèmes » contre Mahomet. Et c’est ce dernier crime qui a le plus retenu l’attention des pouvoirs publics. Ils ont identifié la République au droit de tourner en dérision non seulement la religion d’autrui, mais la religion tout court. Ils ont favorisé le slogan « Je suis Charlie », qui suppose une identification du « peuple » – puisque c’est « l’unité nationale » qui s’exprimerait ainsi – avec un état d’esprit qui moque Dieu, le ridiculise, l’écarte haineusement de la sphère publique en blasphémant, en choisissant la profanation de tout ce que nous avons de plus sacré comme mode d’expression privilégié.
 
Entre protection de la liberté d’expression et adulation des libertaires, l’objectif de l’Etat balance et choisit les deux. La haine de Dieu – la Terreur nous l’a bien appris – est connaturelle à la Révolution ; depuis plus de deux cents ans, avec des pics de violence et des moments de relatif apaisement, la laïcité a justifié persécutions et mises à l’écart des catholiques et de leur foi.
 

Dieu et sa Mère blasphémés

 
Alors que la pratique religieuse ne cesse de baisser chez les Français qui s’affirment catholiques, jusqu’à représenter, peut-être, 5% de la population, le blasphème institutionnel pouvait se contenter d’être diffus. Qui se soucie encore de voir le Christ moqué, sa Sainte Mère avilie, ses ministres calomniés ? Cela se fait, bien sûr, mais à la marge. L’école de la République se charge d’extirper le respect de Dieu des cœurs des enfants, et notre environnement fait le reste. C’est le terreau de la culture de mort, dont nous sommes tous d’une manière ou d’une autre victimes.
 
Charlie, c’est autre chose. Wolinski, Cabu, Charb, Tignous – que Dieu leur pardonne – avaient choisi pour moquer Dieu en dessins l’obscénité, la scatologie, la pornographie, ces manifestations de haine affirmée qui constituent la pire sorte de blasphème. Ils se disaient athées et cela les faisait rire. Ils avaient besoin de l’exprimer de la manière la plus blessante qui soit pour les catholiques – et de manière bien plus exécrable que tout ce qu’ils ont jamais osé pour les musulmans.
 
Les procès intentés par l’AGRIF contre Charlie Hebdo, non pour blasphème car celui-ci n’est pas puni par la loi française, mais pour injure ou incitation à la haine à l’égard des chrétiens et des catholiques, a provoqué les déclarations les plus nettes de l’hebdomadaire sur ce « droit au blasphème » qu’il revendique. Non seulement en tant que journal satirique, mais comme pilier de la République. Fine pointe de la liberté d’expression, le blasphème serait comme le révélateur de la vraie liberté, la preuve d’une laïcité authentique. Au point que le droit au blasphème serait même « constitutif de la démocratie » : pas de démocratie sans blasphème, pas de liberté sans déversement d’ordures et d’immondices sur Dieu, sa Mère, ses saints – et ses ministres qui certes, ne sont que des hommes pécheurs, mais qui sont moqués en tant qu’ils représentent le lien entre Dieu et l’humanité.
 

Je ne suis pas Charlie !

 
C’est dans cette logique qu’il faut comprendre le slogan « Je suis Charlie » – encore que dans l’esprit du plus grand nombre, ces millions de Français qui n’ont jamais ouvert ce journal, il a été adopté dans l’ignorance de ce qu’il signifie et revendique. Suprême manipulation.
 
C’est dans cette logique qu’il faut comprendre les aides en nature et en espèces accordés à Charlie-Hebdo pour sa survie. Libération héberge la rédaction, Le Monde offre du matériel informatique, Le Point gère les nouveaux abonnements. Les médias publics d’Etat sont prêts à aider. Le ministre de la culture, Fleur Pellerin, a annoncé le déblocage d’un million d’euros : ainsi le contribuable sera-t-il contraint de financer le blasphème. La banque publique d’investissement (BPI) a pris 50 abonnements. Presse et pluralisme, l’organisme public de collecte de dons défiscalisés pour les titres en difficultés, a déjà débloqué 250.000 euros sur ses fonds généraux, apportés par le public et les entreprises et promet 200.000 euros sur ses réserves, constitués notamment par la marge qu’il prélève sur tous les dons « fléchés ». Donner à Presse et pluralisme, c’est soutenir http://tempsreel.nouvelobs.com/charlie-hebdo/20150109.OBS9641/solidarite-financiere-pour-charlie.html, contraint et forcé, les obscénités « constitutives de la démocratie »…
 

De la liberté d’expression au blasphème d’Etat

 
Pourquoi est-ce grave ? N’est-ce pas le prix à payer pour la liberté d’expression dont nous bénéficions aussi ?
 
Première précision : la liberté d’expression est un leurre. Dans la France de 2015, comme dans tous les pays totalitaires, elle est sévèrement limitée. Il y a des tabous, il y a des interdits. Les lois antiracistes sont là pour le rappeler : au nom de la protection de certaines minorités, certaines critiques sont proscrites, et certains faits ne doivent pas être rapportés. Au nom des Lumières et de la laïcité, le relativisme est de rigueur, surtout le relativisme religieux et culturel. Au nom de l’égalité, l’homophobie est interdite, les relations homosexuelles sont un mode d’expression amoureuse comme un autre et remettre en cause le « droit » au mariage des couples de même sexe est réputé impossible. Défendre l’honneur de Dieu dans la sphère publique, il ne faut même pas y penser. C’est le mal que le laïcisme ne tolérera jamais, lui qui affirme la tolérance universelle.
 
Et en s’imposant violemment ou sournoisement, il a fait accepter l’idée que le blasphème n’est pas un crime, n’est pas un mal. Il a érigé la liberté en bien suprême, répandu l’idée que la (sa !) liberté d’expression est une « valeur » à rechercher pour elle-même.
 
Pourtant il en va de cette liberté-là comme de toute liberté ; elle est ordonnée à la vérité et au bien. « La vérité vous rendra libres » : c’est donc que la liberté est un fruit, un fruit cueilli par celui qui use bien de sa capacité de choix. La « liberté » au service du mal a sa rançon : l’esclavage propre au péché et pire punition du péché puisqu’il empêche d’en sortir – sauf la grâce de Dieu – et la mort. La liberté, c’est l’amour sans contrainte et le choix non imposé du bien qui s’offre à nous. L’esclavage, sous sa pire forme, est la soumission au mal délibérément commis et définitivement choisi.
 

Le blasphème est un mal

 
Dans notre société imparfaite et dans notre condition d’êtres blessés, le bien ne s’impose pas par système : où serait le choix de l’homme, qui lui permet de choisir, vraiment, la liberté ? Selon les circonstances, tel mal – le blasphème aussi – ne sera pas puni par la justice humaine. Il ne peut l’être dans une société qui ne reconnaît pas de transcendance (ne parlons même pas de reconnaître Dieu) ; tout au plus les droits des croyants blessés au plus profond d’eux-mêmes pas le blasphème qui vise ce qu’ils ont de plus sacré seront-ils reconnus et protégés. Mais cela n’ôte rien à sa gravité.
 
C’est le deuxième commandement de Dieu. Qui s’impose à chacun – et pas seulement au juif, au chrétien, au catholique – au nom de la loi naturelle que résume le Décalogue. Ainsi le trouve-t-on sur le site de la Conférence des évêques de France :
 
Tu n’invoqueras pas le nom du Seigneur ton Dieu pour le mal, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque son nom pour le mal.
 
Le Catéchisme de l’Eglise catholique a retenu la formule plus traditionnelle, plus compréhensible dans ses précisions, mais qui ne rappelle pas la rançon de ce péché qui vise Dieu dans son Etre même :
Son saint nom tu respecteras, fuyant blasphème et faux serment.
 
Et l’Exode (dans la traduction Fillion) dit :
 
Vous ne prendrez point en vain le nom du Seigneur votre Dieu, car le Seigneur ne tiendra point pour innocent celui qui aura pris en vain le nom du Seigneur son Dieu.
 
Offense directe à Dieu, c’est l’un des péchés les plus graves, parce qu’il est une marque du refus de la foi, surtout lorsque, délibérément, par haine délibérément exprimée, il nie à Dieu sa bonté. Saint Thomas d’Aquin écrit sur le blasphème : « Le péché est aggravé s’il s’y ajoute une détestation de la volonté ; et encore plus s’il éclate en paroles, au même titre que la foi est digne d’un plus grand éloge si elle s’épanouit en charité et en confession. En conséquence, puisque l’infidélité est dans son genre le plus grand péché (…), il s’ensuit que le blasphème est aussi le plus grand péché, puisqu’il appartient au même genre et qu’il l’aggrave. »
 

La laïcité contre la vérité

 
Encore faut-il que le blasphème, pour être constitué, vise le vrai Dieu. On ne peut réfléchir à la question de la liberté et de l’abus de la liberté sans poser d’abord la question de la vérité…
 
Les « fous d’Allah » – ce ne sont que des musulmans qui prennent dans leurs propres mains une « justice » que les Etats islamiques exercent publiquement – prennent à la lettre l’interdiction coranique de blasphémer Allah et son Prophète, à qui, curieusement, est attribuée une dignité quasi divine. La loi du Pakistan, mais aussi celle de l’Iran, de l’Arabie Saoudite, la charia strictement observée, punissent de mort le blasphémateur. Les terroristes qui ont criblé de balles des journalistes qui avaient érigé le blasphème en système sont d’abominables criminels, qui ont agi au nom d’une religion fausse et selon ses préceptes les plus barbares : en Islam, au demeurant, le blasphème commence lorsqu’Allah est nié en tant que vrai dieu, dès la moindre critique et même dès la moindre interrogation.
 
Ce n’est pas le moindre des paradoxes que nous vivons : tandis que la République, l’Etat et l’« unité nationale » revendiquent pour Charlie le droit au blasphème, il est en même temps interdit de faire une critique raisonnée de l’islam, de dénoncer certains aspects de la vie du Prophète et de faire un rappel historique de ses sanglantes conquêtes, puisque c’est une religion comme les autres…
 

“ Charlie ”, l’homicide et le blasphème

 
Est-ce à dire qu’il faudrait le poursuivre à la manière des frères Kouachi ? Non, et là encore saint Thomas rappelle nos devoirs d’homme : « Si l’on compare entre eux l’homicide et le blasphème d’après les objets que visent ces péchés, il est évident que le blasphème, péché commis directement contre Dieu, l’emporte sur l’homicide, péché commis contre le prochain. Mais, si on les compare d’après la nocivité qu’ils produisent, l’homicide a la prépondérance, car il fait plus de mal au prochain que le blasphème n’en fait à Dieu. Mais pour mesurer la gravité d’une faute, on s’attache comme nous l’avons dit précédemment, à l’intention de la volonté perverse plus qu’au résultat de l’acte. Aussi, puisque le blasphémateur a l’intention de porter atteinte à l’honneur divin, à parler dans l’absolu, il pèche plus gravement que l’homicide. Pourtant l’homicide tient la première place parmi les péchés commis envers le prochain. »
 
Oui, les journalistes de Charlie sont des victimes : victimes, dans le fond, d’une religion inhumaine, qui tue au nom de l’erreur et qualifie de « blasphème » même la recherche de la vérité. S’ils ont blasphémé, vraiment, c’est contre la Sainte Trinité et contre la Mère de Dieu, avec délectation et constance. Ce blasphème, nous le savons puisque Dieu nous en avertit, comporte sa propre punition, bien pire que la mort.
 
Mais nous savons aussi les paroles du Christ sur la Croix : « Pardonne-leur, Père, car ils ne savent pas ce qu’ils font.  » Et mieux inspirés que les adorateurs du « droit au blasphème », nous pouvons implorer pour eux la Miséricorde, et pour leurs familles cette paix qui dépasse toute compréhension humaine.