La Chine « abandonne » sa politique de l’enfant unique – mais la tyrannie communiste continue

Chine abandonne politique enfant unique
 
La nouvelle qui a fait le tour du monde est à classer au titre de la désinformation par omission. La Chine « abandonne » sa politique de l’enfant unique, annoncent les médias, le Comité central du parti communiste ayant pris jeudi une décision pressentie depuis plusieurs mois. Désormais, les couples chinois qui le désirent pourront avoir deux enfants. L’agence d’Etat Xinhua a précisé que l’objectif est « d’améliorer le développement équilibré de la population » chinoise. Serait-ce le retour de la liberté ? Pas du tout : la Chine se contente de remplacer sa politique de l’enfant unique par une politique des deux enfants. Rien, absolument rien ne permet d’espérer que la tyrannie qui a résulté de la première, mise en place il y a 35 ans, cédera la place à un respect des droits des couples de décider eux-mêmes du nombre de leurs enfants.
 
Dès sa mise en œuvre, la politique de l’enfant unique a été fondée sur un principe qui ne disparaît pas avec la modification des règles du jeu. Un jeu macabre où le Parti communiste s’est arrogé le droit de fixer la taille de familles au moyen de politiques coercitives : des stérilisations forcées aux avortements forcés, y compris pour des grossesses très avancées.
 

Le Parti communiste chinois va « autoriser » les Chinois à avoir deux enfants

 
Sur le plan administratif, outre la mise en place d’une armée de fonctionnaires chargés de veiller au grain au nom des autorités de contrôle de la population, la politique de l’enfant unique a institué un système de « permis d’enfanter » qui n’est pas abolie par la modification des règles, et une sorte de « mort administrative ». Les enfants qui passent entre les mailles du programme et qui naissent donc « illégalement » n’obtiennent pas le « Hukou », ou permis de résidence, ce qui les prive à la fois de la scolarisation, des soins de santé, et de l’accès aux transports, et même aux cours de justice et aux bibliothèques. Combien sont-ils aujourd’hui ? Le recensement de 2010 les évalue à 13 millions, mais c’est sans compter les invisibles, les cachés, ceux qu’on occulte pour échapper aux fortes amendes et autres vexations gouvernementales. Ils seraient deux à trois fois plus nombreux, selon The Guardian.
 
Vont-ils être « régularisés » ? Le Parti n’a rien dit à ce sujet…
 
En réalité, tant que la mainmise du Parti communiste chinois sur la procréation durera, l’Etat prétendra fixer le nombre des enfants des familles en s’autorisant – sinon cela ne sert à rien – de recourir à des pratiques criminelles pour éliminer ceux qui sont de trop.
 

La tyrannie des avortements et des stérilisations forcés n’a aucune raison de s’arrêter

 
La seule chose qui change donc, c’est qu’au lieu de permettre à certains couples, qui comptent au moins un membre lui-même enfant unique ou dans des zones géographiques clairement délimitées, d’avoir deux enfants moyennement un permis de procréer, l’autorisation sera désormais universelle en Chine. Comme le souligne Reggie Littlejohn de Women’s Rights without Frontiers, sans ce permis, les femmes seront toujours exposées aux cruels avortements forcés qui passent par l’arrachement des femmes à leurs maisons et à des procédures qui les laissent traumatisées à vie.
 
L’autorisation ne mettra pas davantage fin au « féminicide » associé à la politique de l’enfant unique. C’est encore Reggie Littlejohn qui explique que les bébés filles sont particulièrement exposés au risque de l’avortement sélectif là où la politique de l’enfant unique a été assouplie : elle cite une étude du British Medical Journal qui constate, d’après le recensement de 2005, qu’après la naissance d’une fille au premier rang, il naît 160 garçons pour 100 filles. Dans deux provinces, Jiangsu et Anhui, il en naît même 190 pour 100 filles. Et ces chiffres s’expliquent presque systématiquement par l’avortement sélectif, selon l’étude. On estime aujourd’hui à 37 millions le nombre d’hommes en Chine qui ne trouveront pas de femme en raison de ce déséquilibre qui est source de trafic d’être humains et d’esclavage sexuel aujourd’hui déjà.
 

« La politique de l’enfant unique doit être abolie »

 
« La politique de l’enfant unique ne doit pas être modifiée. Elle doit être abolie », affirme la militante des vrais droits des femmes.
 
Notez que rien, dans la décision du Parti communiste chinois, ne fait référence aux droits humains les plus fondamentaux. La motivation des apparatchiks est purement économique et financière : la réforme a été adoptée au nom du développement économique, de la modernisation financière, et du maintien de la force de travail chinoise.
 
C’est exactement le calcul qui avait donné lieu à la politique de l’enfant unique : il s’agissait de tenir compte de soucis économiques. L’échec est patent. C’est en raison de sa politique que la Chine se trouve désormais face à un vieillissement de sa population d’autant plus dangereux sur le plan social que la « sécurité sociale » repose beaucoup sur le lien entre les générations, et très peu sur des institutions publiques. Loin d’être un passeport pour la prospérité, la politique antifamiliale coercitive aura signé un arrêt de mort auquel les autorités tentent aujourd’hui d’échapper.
 

Abandonner la politique de l’enfant unique ne permettra pas à la Chine de compenser son déficit démographique

 
Mais il est probablement déjà beaucoup trop tard. Alors que la population active de la Chine rétrécit déjà de 3 millions d’individus par an depuis 2012, la modification entreprise depuis jeudi soir ne commencera à produire ses effets que dans vingt ans, au mieux, date à laquelle la pénurie d’hommes (et surtout de femmes !) sera au plus fort. Selon le FMI, le déclin se précipite : il manquera jusqu’à 140 millions de paires de bras – ou de cerveaux – dans l’économie chinoise en 2030. L’espérance de vie se situe aujourd’hui à 75,2 ans en moyenne, et se trouve sur une courbe ascendante et fait vieillir la population « avant que le pays ne soit riche ». The Telegraph rappelle qu’on comptait 6,6 actifs pour 1 retraité en 2000. Les projections annoncent 2,37 actifs pour 1 retraité en 2030, et 1,25 pour 1 retraité en 2060.
 
A cela il faut ajouter le fait que même l’assouplissement des règles ne promet pas un boom de la natalité. Selon l’Académie chinoise des sciences sociales, le taux de fertilité est désormais d’1,4 enfant par femme en Chine, très près du « piège » des 1,3 enfants par femme en deçà duquel, selon des théories démographiques, il devient culturellement impossible d’inverser la tendance. Ainsi à Shanghai, où les règles de l’enfant unique ont été assouplies en 2013 – la ville affiche un taux de fertilité de 0,88 enfant par femme – on n’a pas vu une soudaine hausse de la natalité. Avoir des enfants en Chine coûte cher. Les frais de garde sont faramineux. Et cela fait 35 ans que la propagande vante les vertus des familles avec un seul enfant.
 

La tyrannie communiste au service de Disneyland ?

 
La Chine a choisi il y a 35 ans une politique de mort et elle en paie aujourd’hui le prix. En 2012, elle se vantait encore d’avoir empêché 400 millions de naissances – à rapprocher des 336 millions d’avortements que le pays a connus depuis 1980, date de l’entrée en vigueur des mesures contraignantes dans le domaine de la population.
 
Une marée de sang humain, un massacre d’innocents qui dépasse l’entendement… Qu’en pense le patron de Disney, alors qu’un parc est sur le point d’être ouvert à Shanghai ? Robert Iger y donnait justement une conférence de presse jeudi soir. « Cette décision arrive à point nommé. (…) De toute évidence, les enfants c’est une bonne chose pour Disney », a-t-il commenté. Il paraît que ses propos ont déclenché l’hilarité de l’auditoire…
 
Et pendant ce temps, les titres des entreprises de produits pour nourrissons affichaient des cotes en belle hausse en Bourse.
 
D’un goût amer…
 

Anne Dolhein