Chine : un nouveau fonds d’or de 16,1 milliards de dollars sur la Route de la soie. Quelle est la stratégie financière chinoise ?

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Accord avec une société minière russe, création d’un nouveau fonds d’or sur la Route de la soie… La Chine poursuit la mise en place d’accords internationaux et d’institutions multilatérales pour accumuler toujours plus de métal jaune. Elle est aujourd’hui à la fois le plus gros importateur et le plus gros producteur d’or au monde : elle accumule et produit sans vendre. Le milieu financier glose sur ses réserves dont personne ne connaît la juste teneur – le dernier chiffre remonte à 2009 et s’élevait à 1.000 tonnes soit un stock inférieur à celle de la Russie. A quel moment communiquera-t-elle sur le sujet ? Et surtout quelle est exactement sa stratégie dans un contexte financier où l’or ne joue pas le seul rôle ? Le dollar pourrait-il être bientôt « un produit du passé », comme l’a dit le président chinois, Hu Jintao… ?
 

La Route de la soie est d’or : la « Belt and Road Initiative » et le fonds d’or

 
Il y a deux semaines, l’agence de presse chinoise Xinhua rapportait que la China National Gold Group Corporation (le plus gros producteur d’or chinois) avait conclu un accord avec la société minière russe Polyus Gold (le plus gros producteur russe) afin de renforcer leur collaboration dans l’exploration des ressources minérales.
 
Et il y a quelques jours, la même agence annonçait qu’un nouveau fonds d’or impliquant les pays situés le long de l’ancienne Route de la soie avait été établi. Ce fonds mené par le Shanghai Stock Exchange (SGE) devrait lever, en plusieurs étapes, environ 100 milliards de yuan, soit 16,1 milliards de dollars.
 
Le but sera de faciliter l’achat d’or pour les banques centrales des états membres qui souhaitent augmenter leurs réserves. Et étant donnée la tendance mondiale à maintenir son cours bas, les tarifs devraient rester attractifs.
 
La Route de la soie était l’infrastructure régionale ad hoc : de nombreux pays asiatiques parmi les 65 que compte la Ceinture terrestre et maritime sont à la fois des bases de réserves et de grands consommateurs d’or. De plus, le fonds investira dans des mines d’or situées le long de cette Route, ce qui augmentera l’exploration minière dans des pays comme l’Afghanistan et le Kazakhstan.
 

La stratégie financière de la Chine

 
« La voix de la Chine n’a pas beaucoup de poids en ce qui concerne la valorisation de l’or car elle ne représente qu’une toute petite partie du commerce international » explique un financier chinois. « Le gouvernement chinois souhaite donc augmenter l’influence du yuan sur la détermination du cours de l’or en ouvrant son marché domestique aux investisseurs internationaux ».
 
Une stratégie que rejoint la récente ouverture du Shanghai Gold Exchange aux investisseurs étrangers, où l’on devrait voir d’ailleurs s’imposer d’ici la fin de l’année un « prix fixé ». Depuis quatre ans, la Chine accumule de l’or, officiellement, mais aussi secrètement – le Parti communiste reste au pouvoir. Le pays veut véritablement devenir la nouvelle plaque tournante mondiale du commerce de l’or, mettant au défi la haute finance américaine.
 

Une attaque en règle du dollar ?

 
A présent, la question se pose de l’objectif de la stratégie chinoise. Rejoindre le groupe des monnaies de référence ? Ou contrer le système mondial basé sur l’argent papier, accumuler d’énormes réserves d’or afin d’y adosser sa monnaie et utiliser l’AIIB (Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures) et la NDB (Nouvelle banque de développement) pour prendre la tête du nouvel ordre financier mondial ? Sans doute l’un, puis l’autre… Adosser maintenant sa monnaie à l’or serait pour la Chine une opération pour le moins délicate, voire impossible. Le yuan a tout juste commencé son internationalisation, il ne représente encore que 2 % des transactions mondiales alors que le dollar en couvre 40 %. Et ses réserves d’or ne sont pas encore suffisantes, même avec les meilleures estimations.
 
Mais l’objectif final chinois semble être là. Et il commencera par l’augmentation de son droit de vote au FMI et surtout l’intégration du yuan dans le panier des quatre devises de réserves du FMI, composant le DTS (droit de tirages spéciaux. Le Fonds monétaire international doit se prononcer à l’automne, et il n’y est pas défavorable – en revanche les États-Unis peuvent opposer leur veto.
 
La Chine pourrait ainsi se baser sur la force d’une monnaie papier de référence. Ce qui ne l’empêchera pas de continuer à amasser de l’or pour sa prochaine étape – l’or, le seul moyen d’échange jamais égalé, dont d’ailleurs de nombreux pays à commencer par l’Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas ou l’Autriche, se pressent de récupérer leurs stocks dispersés ici et là, en particulier derrière les murs bien épais de la FED…
 

Clémentine Jallais