Levée des sanctions : la Chine en profitera pour asseoir sa présence en Iran

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Le président chinois Xi Jinping avec son homologue iranien, Hassan Rouhani, à Téhéran, samedi 23 janvier.

 
La levée des sanctions contre l’Iran à la suite de l’accord avec l’AIEA sur le nucléaire va faciliter l’emprise de la Chine dans le pays, alors qu’elle œuvre à y asseoir sa présence malgré les mesures internationales depuis de longues années. Le New York Times donne l’exemple d’une aciérie qui a poussé dans les plaines arides du centre de l’Iran pour ouvrir en septembre dernier malgré les sanctions : la Chine, par le truchement de l’homme d’affaires Sheng Kuan Li, y a injecté 200 millions de dollars.
 
Il fait partie des nombreux investisseurs chinois qui ont contourné les sanctions au nom d’un pacte stratégique conclu entre l’Iran et la Chine – pacte dont celle-ci a grand besoin pour s’assurer un chemin d’accès vers les marchés du Proche-Orient et qui a permis à l’Iran d’échapper à l’isolement international, et partant à la ruine économique. L’Iran est le seul pays de la zone sans présence américaine.
 

La Chine veut accentuer sa présence en Iran

 
Samedi dernier, une rencontre entre les leaders de l’Iran et le président chinois Xi Jinping a abouti à un élargissement de ce pacte, les deux pays s’étant mis d’accord pour augmenter leurs échanges réciproques à hauteur de 600 milliards de dollars d’ici à dix ans. Xi aura été le premier chef d’Etat étranger à se rendre en Iran depuis la levée des sanctions : tout un symbole.
 
Il faut dire que la Chine n’a cessé de compter sur le pétrole iranien et que l’Iran est un élément clef de sa stratégie de la « Route de la soie », qui vise à étendre la zone d’influence économique de la Chine vers l’Ouest.
 
« Alors que nous étions contraints de rester sur la touche, les Chinois ont rempli le vide », constate, amer, un diplomate européen qui a préféré rester anonyme. « Ils nous ont dépassés, et de très loin. »
 
Voilà donc l’une des conséquences profondes des sanctions occidentales que la Chine a pu impunément contourner, inondant le marché iranien de voitures bon marché, construisant routes et autoroutes, exploitant des mines et des fonderies d’acier. C’est encore la Chine qui construit les infrastructures routières de Téhéran, y compris le métro créé de toutes pièces en 1995 grâce aux capitaux chinois, avec des ingénieurs chinois et du matériel chinois.
 

La levée des sanctions laisse la Chine plus libre

 
« Les Occidentaux qui rendaient visite à la capitale se demandent souvent comment nous avons réussi à réaliser des projets aussi ambitieux alors que nous subissions le régime de sanctions le plus lourd de l’histoire », commente Mohammad Raza Sabzalipour, représentant du World Trade Center iranien. « Eh bien, c’est grâce à l’aide de nos amis chinois. » Et personne ne s’en doutait, vraiment ?
 
Dans une lettre ouverte au peuple iranien publiée par Xinhua, Xi Jinping expliquait jeudi dernier que la Chine était « le principal partenaire économique de l’Iran depuis six ans, sans interruption » avec des échanges qui atteignent désormais 30 milliards de dollar par an : elle a notamment aidé l’Iran à développer son programme nucléaire, fermant les yeux sur les efforts iraniens pour améliorer sa technologie des missiles. Auparavant, le principal partenaire de l’Iran était l’Allemagne.
 

La Chine a contourné les sanctions pendant que les Etats-Unis regardaient ailleurs

 
Samedi, l’ayatollah Khamenei a indiqué à Xi Jinping que « l’Iran n’a jamais fait confiance à l’Ouest », recherchant plutôt une coopération avec des « pays indépendants ».
 
Commentaire de Sabzalipour : tout s’est certes passé comme si la Chine avait ignoré le cordon économique dressé autour de l’Iran, mais « d’un autre côté, je crois que l’intention n’a jamais été de détruire notre économie, mais seulement de nous faire ressentir notre douleur ». « Peut-être les Américains ont-ils délibérément regardé ailleurs lorsque la Chine nous a lancé cette ligne de sauvetage », dit-il.
 
Et c’est ainsi qu’on modifie l’équilibre économique mondial, au profit d’une Chine dont l’agressivité dans le domaine n’a pas fléchi depuis son « réveil ».
 

Anne Dolhein