Nouveau Code civil en Chine communiste : interdit d’insulter les héros du Parti

Code civil Chine communiste héros
 
Quitte à élaborer un tout nouveau Code civil, autant bien le remplir ! Et le Parti adapte soigneusement cette « déclaration de droits », comme l’appelle la presse officielle en Chine, à la sauce communiste totalitaire. Il a fait savoir qu’il serait désormais interdit d’insulter ou de critiquer les héros et martyrs de l’histoire du Parti…que ce « révisionnisme historique » serait passible de poursuites.
 
Un amendement qui n’a de « nouveau » que le nom ! Mais qui, inscrit au Code civil, en verra sa symbolique accrue et son application renforcée.
 

La diffamation communiste

 
Dimanche, les législateurs chinois ont introduit de nouveaux amendements au Code civil en formation, qui font de la diffamation à l’égard des « héros et des martyrs » du Parti communiste un délit civil.
 
Depuis le 8 mars, la 12ème Assemblée populaire de la Chine qui réunit quelque 3.000 délégués discute des règles générales du droit civil, règles qui devraient être adoptés ce mercredi. Elle a apporté 126 amendements au projet qui servira de préambule au Code civil prévu pour 2020.
 
Parmi eux, celui-ci : « Porter atteinte au nom, au portrait, à la réputation et à l’honneur des héros et des martyrs dommage l’intérêt public, et devrait engager la responsabilité civile ».
 

Un nouveau Code civil en Chine : pour élargir les libertés civiles ?

 
Depuis 1949, la Chine s’est attelée à plusieurs reprises à ce Code qu’elle ne possède pas… C’est en octobre 2014 que le gouvernement chinois a décidé de le réaliser en bonne et due forme, inscrivant cette volonté dans le mouvement de réformes voulu par Xi Jinping, qui souhaite adapter le cadre juridique du pays à sa modernisation économique et sociale.
 
La presse officielle chinoise le qualifie de « déclaration de droits ». Le Parti veut en effet le présenter comme une réponse aux préoccupations du peuple, soucieux de connaître ses libertés, ses responsabilités et de les voir enfin posées sur le papier… Du cas des enfants abandonnés à celui des personnes âgées, en passant par le problème des « bons samaritains » (ceux qui viennent en aide à des victimes et se font bien souvent poursuivre par les propres familles de ces victimes…). Les media parlent d’un « renforcement de la protection des droits civiques ».
 
Seulement, l’on ne peut guère croire à la seule bonne intention du Parti, qui veut surtout renforcer la capacité de gouvernance du pays et donc accentuer sa mainmise totalitaire. En témoigne cet amendement sur ses héros et ses martyrs, les Saints de cette religion du communisme…
 

Héros et martyrs : les Saints de la religion communiste

 
La direction veut renforcer son emprise sur le contenu et la diffusion de l’histoire de la République populaire. Et les sacrifices, les grandes actions militaires des « héros » et des « martyrs » de la Révolution en sont des éléments capitaux puisqu’ils contribuent à fonder et à garantir la légitimité du Parti.
 
Pour Xi Jinping, c’est une absolue nécessité : il faut que le Parti, et tout le peuple derrière lui, ait foi en sa propre version de l’histoire. Il a même pris comme exemple l’effondrement du grand frère, le bloc soviétique : « Voilà ce qui se passe quand les dirigeants révolutionnaires sont dénoncés ! »
 
« Dans la vie moderne, certaines personnes utilisent pernicieusement la calomnie et l’insulte pour déformer des faits et discréditer l’honneur et la réputation des héros et des martyrs … L’impact social est très mauvais, des règles doivent être imposées en réponse » a déclaré le Comité dimanche.
 

Le document n° 9 et la guerre contre le nihilisme historique

 
Bien sûr, ils ne font en cela que « sacraliser » un état de fait. Les poursuites, les Chinois « déviants » les subissent depuis fort longtemps !
 
Dernier exemple en date : en janvier, un professeur a été contraint à la retraite pour avoir critiqué Mao Zedong (champion « héros », toutes catégories). L’année dernière, l’historien Hong Zhenkuai avait dû se rétracter et présenter des excuses pour avoir contesté un épisode de la seconde guerre mondiale dans lequel cinq soldats chinois se jetaient d’une falaise au lieu de se rendre aux Japonais… Une revue libérale spécialisée dans les critiques historiques qui avait osé reprocher au Parti de vouloir réveiller les « vieux rêves de la Révolution culturelle », a vu, du jour au lendemain, remplacer tous ses éléments.
 
On ne badine pas avec l’idéologie. Et le Parti n’hésite pas à employer les termes de « nihilisme historique » pour désigner cette remise en cause, ce questionnement scientifique malvenu… Si l’expression est en vogue depuis les manifestations de la place Tiananmen en 1989, il est utilisé par le Parti depuis la publication, en avril 2013, du fameux « Document n° 9 » qui renoue précisément avec les idées et tactiques de l’époque de Mao Zedong, mettant en garde contre la vision « nihiliste » de l’histoire qui peut porter atteinte à « la légitimité de la domination politique à long terme du Parti communiste ».
 
Le nihilisme, ce n’est ni plus ni moins la négation de la fatalité historique de la marche de la Chine vers le socialisme… Tout ce qui abîme ou ternit cette certitude doit être banni. Xi Jinping l’a bien compris qui cite un réformiste chinois du XIXe siècle : « Pour anéantir un pays, vous devez d’abord éradiquer son histoire ».
 
Conseil qu’il applique à la lettre.
 

Clémentine Jallais