Vingt-cinq pays de l’UE adhèrent à la « coopération structurée permanente » (CSP, ou PESCO) dans le domaine de la défense, mais avec des visions divergentes

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« Les Etats membres qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en la matière en vue des missions les plus exigeantes, établissent une coopération structurée permanente dans le cadre de l’Union. » (art. 42, par. 6, du Traité sur l’Union européenne). Puisque tous les pays membres de l’UE, hormis Malte, le Danemark et le Royaume-Uni (qui s’apprête à quitter l’Union), ont signé lundi ce pacte pour une coopération structurée permanente (CSP, ou PESCO selon l’acronyme anglais), doit-on comprendre qu’ils remplissent tous « des critères plus élevés de capacités militaires » et qu’ils ont tous « souscrit des engagements plus contraignants en la matière en vue des missions les plus exigeantes » ? Non, bien entendu. En fait de coopération militaire, il y aura, comme jusqu’ici, des projets réalisés en commun par différents pays européens, à cette différence près que cette coopération sera peut-être effectivement plus structurée et plus permanente.
 
Néanmoins pour Jean-Claude Juncker, le président luxembourgeois de la Commission européenne, « elle est réveillée, la Belle au Bois dormant du Traité de Lisbonne : la coopération structurée permanente est en train de se faire. » Ainsi, même son pays, le Luxembourg, remplit apparemment les « critères plus élevés de capacités militaires » dont il est question dans le traité et il aurait souscrit « des engagements plus contraignants en vue des missions les plus exigeantes ». La bonne blague ! En fait, et Juncker le dit, pour lui il s’agit non pas de se limiter au traité existant, mais de jeter les bases d’une Union européenne de la défense.
 

La France voulait une vraie coopération militaire, mais c’est la vision allemande qui l’a emporté : cette PSC (ou PESCO) servira surtout à faire des économies d’échelle

 
Emmanuel Macron aurait préféré un cercle plus restreint mais une coopération militaire plus efficace. C’est toutefois la vision allemande, axée sur les économies d’échelle, qui l’a emporté. Du coup, même en l’absence du Royaume-Uni, il y a dans cette CSP des pays qui ne croient pas en une Union européenne de la défense, mais en une coopération de pays souverains dont la sécurité est garantie non pas par l’UE mais par l’OTAN, et donc en fait principalement par les Etats-Unis. C’est le cas des pays du flanc oriental de l’OTAN, et notamment de la Pologne qui l’a redit clairement en présentant en novembre ses conditions pour rejoindre la CSP presque au dernier moment : la coopération européenne ne doit pas être un doublon de l’OTAN. Mis à part la France et l’Italie, les autres pays adhérant à cette coopération n’y ont rien trouvé à redire.
 
A la signature de cette coopération structurée permanente lundi, il y avait déjà 17 projets de défense dont la réalisation est programmée, parmi lesquels la création au niveau européen d’un centre de commandement médical, d’une plateforme logistique et d’un centre d’entraînement, la mise au point de drones sous-marins pour la lutte contre les mines, la réponse aux attaques cybernétiques, la simplification et la normalisation des procédures pour le déplacement de troupes entre pays, etc.
 

Fédéralisation de l’UE ? Le président de la Commission européenne voit dans cette coopération structurée permanente les bases d’une Union européenne de la défense

 
Il y aura un budget commun de 5 milliards d’euros qui pourra cofinancer les programmes communs de recherche et d’achats d’armements et certaines opérations, afin d’inciter les Etats signataires à ne plus faire cavalier seul pour les programmes d’armements. Si la CSP est une coopération intergouvernementale, c’est la Commission européenne qui gérera ce fonds européen de la défense, et l’on peut malgré tout lui faire confiance – l’expérience le prouve – pour s’efforcer au moyen de ce fonds d’empiéter sur les prérogatives des gouvernements nationaux plus que ne le lui permet le traité de Lisbonne. Ce qui explique peut-être l’enthousiasme démesuré de Jean-Claude Juncker.
 

Olivier Bault