Le marché de l’art (contemporain) gangrené par la corruption

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S’adressant au Hay Festival (sponsorisé par le Telegraph de Londres) sur la corruption dans l’art, Kenny Schachter, conservateur de musée et radio-reporter, a déclaré que le marché de l’art est un foyer de corruption où les tractations secrètes, le blanchiment d’argent et les pots de vin ainsi que les artistes corrompus sont légion. Schachter le condamne sans appel, gangréné qu’il est par des collectionneurs célèbres attirés par l’argent et ce qu’il appelle l’immoralité au plus haut niveau. Rien de très anormal, aurait-on envie de dire, pour ce qui est de l’univers de l’« art » contemporain qui est avant tout une gigantesque coterie où l’argent coule à flots.
 
Dans une interview sur scène, il a expliqué que cette corruption à laquelle il a assisté tout au long de sa carrière est liée aux énormes sommes d’argent impliquées. Même les administrateurs des musées sont partie-prenante, d’après lui, car ils utilisent leur connaissance interne des futures expositions pour donner des renseignements concernant les artistes susceptibles de voir leurs œuvres prendre de la valeur.
 

Marché de l’art, blanchiment et planche à billets…

 
Les négociants, explique-t-il, peuvent utiliser le système des enchères pour gonfler artificiellement les prix, se servant d’un complice pour enchérir contre de vrais clients poussés à renchérir toujours davantage. Par ailleurs, des œuvres importantes se vendent parfois pour un montant réel bien moins élevé que le prix officiellement annoncé, qui, lui, sera repris dans les gros titres des médias – au bénéfice de l’artiste concerné qui pourra en tirer argument pour vendre sa production plus cher. Les enchères permettent inévitablement aux négociants corrompus de magouiller, assure Schacter.
 
Parlant de « trafic d’initiés légal dans le monde de l’art », il explique : « Imaginons que je sois membre d’un conseil d’administration… Je constate que le musée va monter en épingle le travail d’un artiste à mi-carrière qui fera l’objet d’une exposition personnelle. Etre au parfum de cette information va m’assurer un bon 25 %. »
 
Le marché de l’art sert aussi à blanchir de l’argent, depuis que les riches se sont rendus compte que l’on ne peut en déposer ou en retirer des banques sans que celles-ci cherchent à contrôler jusqu’à leur linge de corps.
 
« Il y a des tractations dans lesquelles des tableaux passent discrètement de ports francs en avions privés. On voit des gens filmés avec un Picasso sur un bateau, alors qu’ils essayent de le passer d’un pays à l’autre. » Les artistes eux-mêmes « pourraient être corrompus par le marché, en considérant la production d’œuvres à la chaîne comme une licence pour faire fonctionner la planche des billets. »
 

De la corruption à la transgression dans l’art contemporain

 
Regrettant la tendance des collectionneurs à s’intéresser à l’art en fonction de l’argent qu’ils pourront en tirer par la suite, Schachter a également critiqué « l’explosion absurde » de l’intérêt des célébrités, tels les musiciens ou les acteurs pour l’art contemporain considéré comme un bien d’investissement. Un intérêt qui détourne le sens originel de l’art et fait que celui d’aujourd’hui n’a précisément plus grand-chose d’artistique : il sert souvent à une expression transgressive, volontairement choquante, généralement ridicule et parfois obscène, comme l’an dernier à Paris où un « plug anal » géant trônait place Vendôme, pour la plus grande joie des bobos. Corruption des mœurs autant que financière, en quelque sorte.
 

Patrick Neuville