Un ami a offert pour 50.000 euros de costumes à François Fillon : qu’en pense le déontologue de l’Assemblée ?

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Le JDD a révélé hier que des costumes ont été offerts à François Fillon depuis 2012 par un « ami » resté anonyme, mais qui l’a dénoncé, pour un montant total d’un peu moins de 50.000 euros. Tollé chez les socialistes qui ont saisi le « déontologue » de l’Assemblée. Que devient l’élection présidentielle ?
 
L’élection présidentielle est comme l’école : elle reflète l’état de notre société. Elle transcrit l’état moral du peuple, elle vaut ce que vaut l’esprit public. Ou du moins l’image qu’en donnent les médias. Luc Châtel, le porte de parole de François Fillon, déplore la « Campagne de caniveau » qui serait menée en ce moment contre son poulain. Sans doute n’a-t-il pas tort. Mais c’est aussi celle que mérite la France, pour avoir laissé s’affaisser ses institutions. La question touche à la fois à la morale personnelle des élites et à un glissement progressif des centres du pouvoir.
 

Près de 50.000 euros de costumes pour François Fillon

 
Les partisans de François Fillon n’aiment pas que Médiapart et le Canard enchaîné, maintenant relayés par le JDD, s’acharnent sur leur grand homme. Ils font valoir à juste titre que les intentions de ceux qui donnent et de ceux qui publient de telles informations n’ont rien de pur. Leurs adversaires remarquent avec un bon sens égal que François Fillon a profité sans trop de délicatesse des facilités de la république, et ce n’est pas l’affaire des costumes qui les fera changer d’avis.
 
X, appelons le X, c’est commode, aurait dépensé quelque 50.000 euros depuis cinq ans pour offrir des costumes à François Fillon. Pas n’importe quels costumes, des costumes taillés sur mesure par un bon faiseur parisien, chez Arnys. Certains par chèques, d’autres en liquide, ce que l’entourage du candidat juge ridicule, mais que le Journal du dimanche maintient.
 

Un ami m’a offert des costumes, et alors ?

 
Quoi qu’il en soit François Fillon ne nie pas les faits dans leur ensemble, puisqu’il a fait pour tout commentaire : « Un ami m’a offert des costumes en février, et alors ? » Mais l’ami en question en est-il vraiment un? Il a en effet dit au JDD avoir offert ces costumes « à la demande » de François Fillon, et n’en avoir reçu « aucun remerciement ».
 
François Fillon, comme dans l’affaire Pénélope, se défend bien mal, puisqu’il tente de limiter la question aux seuls costumes de « février ». Et les socialistes ne le lâcheront pas : depuis une décision de l’Assemblée nationale de 2011, tout député doit en effet déclarer au « déontologue » de l’assemblée, il y a un bureau spécial pour cela, les dons supérieurs à cent cinquante euros qu’il reçoit.
 
« Fillon a-t-il déclaré ces dons au déontologue de l’Assemblée? C’est obligatoire. Sinon Claude Bartolone doit agir », a tweeté le député PS Christophe Castaner, soutien d’Emmanuel Macron. Quant au président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Olivier Faure, il se demande « Que pense le déontologue d’un député qui se fait offrir 50.000 euros de costumes quand la règle est de refuser les cadeaux de plus de 150 euros? »
 

577 députés déclarent 19 dons au déontologue de l’Assemblée en 2016

 
Olivier Faure se trompe ou veut tromper, la règle n’est pas de refuser les cadeaux mais de les déclarer, et le déontologue a même précisé qu’en cas de dons privés entre proches, la déclaration n’est pas obligatoire. On ne peut donc pas donner tort à François Fillon quand il déclare : « J’observe que ma vie privée fait l’objet d’enquêtes en tous sens et que ce traitement m’est réservé. Mes faits et gestes sont scrutés tous les jours dans l’intention évidente de me nuire pour m’écarter de la course à la présidentielle ». Il est certain en effet que ses collègues députés, qui n’ont pas de délai fixe pour déclarer les dons reçus, ne se pressent pas pour le faire : pour 577 députés, il n’y a eu que dix-neuf déclarations au déontologue de juin 2015 à novembre 2016. Dont douze invitations à des événements sportifs. Chacun profite gentiment de la république en bon tartuffe et réserve ses tweets vengeurs pour la campagne présidentielle.
 

François Fillon victime et coupable du coup d’État des juges

 
François Fillon se plaint aujourd’hui, mais lui-même et son parti ont voté ces lois et ces règles dont l’objectif affiché était de « moraliser la vie publique » mais dont l’effet le plus clair est de ligoter le pouvoir politique, qu’il soit législatif ou exécutif, et de ménager des voies d’intrusion pour le judiciaire. Si la campagne présidentielle est tombée au niveau du caniveau, c’est à cause de la loi de moralisation du financement des partis élaborée par Michel Rocard et votée par la majorité socialiste.
 
Et si François Fillon se trouve dénoncé aujourd’hui au déontologue de l’Assemblée pour quelques costumes offerts dont la presse souligne avec complaisance le prix, c’est qu’il a accepté la dérive du légal vers le moral en reconnaissant qu’il n’aurait pas dû salarier sa femme. La confusion du légal et du moral d’une part, la collusion du judiciaire et des médias de l’autre, ligués contre le pouvoir politique, qu’il soit législatif ou exécutif, viole la séparation des pouvoirs, comme l’a fort bien dit Jean-Pierre Chevènement, et signale le coup permanent des juges.
 

Pauline Mille