La tentation « impériale » de la Cour européenne de justice au service de la Banque centrale

Cour europeenne de justice Banque centrale tentation imperiale
 
La Cour européenne de justice au Luxembourg, chargée de juger les différends à propos de l’application du droit de l’Union européenne, commence à se comporter en « cour impériale » qui menace les souverainetés des membres de l’UE au-delà même de ce qu’ils ont consenti. Au Royaume-Uni, où l’euroscepticisme est non seulement partagé mais exprimé dans les grands médias, un commentateur du Daily Telegraph le dit ouvertement en commentant une affaire où la Cour européenne de justice cherche à imposer sa « suprématie » sur la Cour constitutionnelle allemande en défendant une décision de la Banque centrale européenne.
 

La tentation « impériale »

 
C’est Ambrose Evans-Pritchard qui évoque ce comportement « impérial » qui combine le gouvernement des juges et la supranationalité. L’affaire en question concerne des décisions de la Banque centrale européenne en 2012 pour alléger la dette italienne et espagnole, contestées par la Cour constitutionnelle allemande. Sans surprise, l’avocat général de l’Union européenne a demandé que la BCE soit blanchie de toute méconnaissance du droit et de tout « excès de pouvoir ».
 

La Banque centrale étend ses pouvoirs

 
La décision vient à point nommé alors que la Banque centrale, justement, entend mettre en œuvre sa politique d’« assouplissement quantitatif » destinée à stimuler l’économie européenne en situation de marasme. Pour la forme, peut-être, la Cour européenne de justice s’est référée à certaines décisions jurisprudentielles de la Cour de Karlsruhe, acceptant de garder la BCE à l’écart de certains montages de sauvetages de banques ou de pays en difficulté.
 
Mais sur le fond, le point de vue du représentant de l’UE soutient une vision de plus en plus fédéraliste de l’Europe, puisqu’il demande que soit reconnue la primauté presque totale du droit européen sur les droits nationaux, la Cour européenne de justice étant posée en garante de cette suprématie. La bataille est « historique », assure le chroniqueur : on a choisi l’affrontement direct contre une institution souveraine qui a farouchement défendu les droits de l’Allemagne au sein de l’UE, la Cour constitutionnelle allemande, pour dire que la CEJ doit avoir le dernier mot en ce qui concerne la définition des pouvoirs et des compétences de l’Union européenne.
 

La Cour européenne de justice au service d’une entité supranationale

 
Gunnar Beck, théoricien allemand du droit de l’Université de Londres, le dit sans détours : « Ce serait une transformation fondamentale de l’Union européenne, une organisation régie par un traité et dépendant de l’assentiment démocratique des nations souveraines, en entité supranationale. »
 
Certes la décision de la Cour européenne de justice n’est pas prise. Mais comme le commissaire du gouvernement devant les juridictions administratives françaises, l’avocat général devant la CEJ représente le point de vue officiel de l’Union européenne et a probablement – assure le chroniqueur – fait l’objet de discussions préalables avec les juges.
Son opinion est contraire à la jurisprudence Pringle de 2012 qui dénonçait l’achat d’obligations d’Etat par la BCE comme relevant d’une politique économique qui exigerait l’arrivée d’une union fiscale, sur laquelle aucun accord de traité n’existe, par la petite porte.
 
Désormais, la Cour européenne pourrait bien renverser sa position en justifiant ce type d’achats par la BCE. Ambrose Evans-Pritchard précise qu’il est personnellement favorable à cette justification parce que la zone euro en a besoin. Mais il ajoute : « Le destin politique de l’Europe ne doit pas se décider de cette manière, en titubant de crise en crise vers une union souveraine qu’aucun citoyen n’a jamais approuvée par son vote. »