Merkel désavouée : la Cour de justice de l’UE (CJUE) juge que les dossiers de réfugiés doivent être traités par le pays d’entrée

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Le siège de la Cour de justice de l’Union européenne.

 
La Cour de justice de l’Union européenne vient de rendre deux arrêts à la teneur inattendue : elle a jugé mercredi que les réfugiés doivent voir leurs dossiers traités dans leur pays d’entrée sur le territoire de l’UE. Cela veut dire que s’ils transitent vers un autre pays, fût-ce avec l’accord du pays d’entrée, les autorités de leur pays d’arrivée sont en droit de les renvoyer vers ce dernier. Les décisions de la CJUE constituent en pratique un rejet de la politique d’Angela Merkel.
 
C’est elle qui avait décidé en 2015 de suspendre l’application des règles des accords successifs de Dublin – on en est à Dublin III – rendant le pays d’entrée responsable du traitement des dossiers des demandeurs d’asile. Cette politique des bras ouverts a conduit à l’arrivée de plus d’un million de migrants sur le territoire allemand en 2015, sans compter les dizaines de milliers de « réfugiés » qui se sont éparpillés dans divers pays de lieux, surtout en Europe du Nord, et justifie aujourd’hui les demandes répétées, notamment par Angela Merkel, d’une politique de quotas pour faire assurer l’accueil des réfugiés dans l’ensemble de l’UE.
 

La Cour de justice de l’UE reconnaît que les demandeurs d’asile peuvent être déportés vers leur pays d’entrée

 
La CJUE était saisie de deux affaires impliquant l’Autriche et la Slovénie dans le cadre de questions préjudicielles, ces deux Etats membres de l’UE ayant été poursuivis par plusieurs réfugiés qui contestaient leur renvoi vers la Croatie où ils étaient arrivés depuis la Serbie – pays non membre de l’UE. Il s’agissait d’une part de deux sœurs, Khadija et Zainab Jafari, arrivées en Croatie avec leurs enfants dans le flot de migrants venus depuis l’Afghanistan, à une époque où l’Autriche appliquait la même politique d’accueil que l’Allemagne de Merkel. Les autorités croates avaient assuré leur transport vers l’Autriche. C’est par la suite que celle-ci les a renvoyées vers la Croatie. Dans l’autre dossier, très semblable, c’est un homme syrien qui contestait sa déportation vers la Croatie depuis la Slovénie.
 
Si la décision de la Cour de justice de l’Union européenne est inattendue, c’est parce que, contrairement à ce qui se passe d’habitude, les juges ont refusé de suivre les conclusions de l’avocat général, la Britannique Eleanor Sharpston. Celle-ci a soutenu le mois dernier que l’afflux exceptionnel des migrants permet de passer outre aux accords de Dublin III, étant donné que les pays frontaliers par lesquels arrivent les migrants « ne pourraient pas faire face » s’ils devaient accueillir et gérer les dossiers de tous les nouveaux arrivants.
 

La CJUE désavoue la politique de quotas d’Angela Merkel

 
Les juges de la CJUE ont articulé leur raisonnement en plusieurs temps. Premier point : ils ont refusé de considérer que les migrants étaient entrés en Croatie de manière régulière, leur accueil par les autorités ne pouvant, selon la Cour – deuxième point – être considéré comme équivalent à un visa. Si cela avait été le cas, la situation régulière de ces personnes leur aurait en effet donné le droit de circuler au sein de l’Union européenne et de voir leur dossier traité par un autre pays que leur pays d’arrivée.
 
En répondant ainsi aux questions très précises de l’Autriche et de la Slovénie, la cour a rendu des arrêts qui constituent sans aucun doute un grand soulagement pour des pays rétifs à l’idée d’accueillir des flots de réfugiés dont la source est loin d’être tarie. La Cour a précisé que l’admission d’un ressortissant d’un pays non UE sur le territoire d’un Etat membre ne peut pas être qualifiée de visa, même si cette admission s’explique par la survenance de circonstances extraordinaires caractérisées par un afflux massif de personnes déplacées dans l’UE.
 
Dans tous les cas, le franchissement d’une frontière externe « en violation des conditions exigées par la réglementation applicable dans l’État membre concerné doit nécessairement être considéré irrégulier au sens du règlement Dublin III », précise le communiqué de presse de la CJUE.
 

Les réfugiés peuvent être refoulés vers leur pays d’entrée, malgré l’afflux exceptionnel de migrants

 
Elle a confirmé la responsabilité entière du pays qui autorise l’entrée irrégulière – et qui le demeure – d’un ressortissant d’un pays tiers, même si c’est pour des motifs humanitaires. Elle a précisé, toujours selon le communiqué de presse, « que la circonstance que le franchissement de la frontière ait lieu à l’occasion de l’arrivée d’un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays non UE souhaitant obtenir une protection internationale n’est pas déterminante. »
 
Cela n’empêche pas les Etats membres de l’UE, au nom de leur droit souverain, de traiter tout de même les dossiers des réfugiés arrivés irrégulièrement dans un autre pays de l’Union, a rappelé la Cour, « même si cet examen ne leur incombe pas en vertu des critères du règlement Dublin III » – mais rien ne peut les y obliger, et c’est cela qui est intéressant.
 
Autrement dit, selon les juges de la Cour de justice de l’Union européenne, la mise en place de quotas est contraire au droit de l’UE.
 
Mauvaise nouvelle pour la Grèce et pour l’Italie, qui accueille actuellement le gros du flux des nouveaux arrivants.
 

Anne Dolhein