Le coût social du salaire minimum à Seattle, Etats-Unis : 125 dollars en manque à gagner par tête

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Seattle

 
La municipalité de Seattle, dans l’Etat de Washington sur la côte ouest des Etats-Unis, a fait réaliser une étude sur les répercussions de l’augmentation du salaire minimum par la municipalité. Loin de profiter aux employés les plus modestes dans la ville, il leur « coûte » en moyenne 125 dollars par mois en manque à gagner. Confrontés à un salaire horaire passé de 10,50 dollars à 13 dollars de l’heure en 2016, les employeurs n’ont pas réfléchi longtemps : ils sont nombreux à avoir réduit le temps de travail de leurs employés les moins qualifiés. A la fin du mois, le bulletin de paie a baissé pour les plus petits salaires.
 
L’étude, réalisée par une équipe de l’université de Washington (UW), ajoute que du fait de la forte augmentation du salaire minimum, on peut estimer à 5.000 le nombre d’emplois qui n’ont pas été créés alors qu’ils auraient, logiquement, dû l’être.
 

La municipalité de Seattle, Etats-Unis, face aux comptes du salaire minimum

 
« Pour un travailleur peu qualifié ayant un poste au salaire minimum, 125 dollars par mois, c’est une somme non négligeable. Elle peut faire la différence entre être capable de payer son loyer et ne pas pouvoir le faire », observe Mark Long, l’un des auteurs du rapport de l’UW.
 
Loi de l’offre et de la demande… Lorsque le prix augmente, y compris celui du coût du travail, la demande décroît. (Lorsque la demande augmente, les prix augmentent aussi, ma brave dame, l’économie, c’est ça !) Disons que c’est le principe de réalité qui est ici à l’œuvre, comme toujours : la mesure a incité les employeurs à trouver d’autres solutions que d’augmenter leurs employés les moins payés de près de 25 %.
 
Les emplois les moins bien payés (jusqu’à 19 dollars par heure, selon le critère retenu par les auteurs) de Seattle ont connu une petite augmentation sur la moyenne d’ensemble, mais au total, l’étude a constaté une diminution de 9 % du nombre total d’heures travaillées, avec une réduction concomitante de 6 % des sommes effectivement versées en salaires.
 

Un manque à gagner de 125 dollars par mois pour les salariés les plus modestes

 
Une étude publiée quelques jours plutôt par l’université de Californie-Berkeley donnait des résultats nettement moins inquiétants. Mais celle de l’université de Washington est plus précise, puisqu’elle a pris en compte plus de 500 sociétés – celle de Californie se limitait aux restaurants – et en outre, les auteurs de l’UW ont construit un modèle synthétique permettant d’évaluer la situation dans les sociétés limitrophes de Seattle, non concernés par la nouvelle loi sur le salaire minimum. En comparaison, les personnes travaillant dans les entreprises de Seattle dans la catégorie des moins de 19 dollars de l’heure ont eu de moins bons revenus que leurs semblables à l’extérieur de la ville.
 
Autre différence entre les deux études : l’étude d’UW a tenu compte du nombre d’heures travaillées, au contraire de celle de Berkeley. Cela lui a permis de constater qu’une fois toutes les données analysées, il est clair qu’à la fois le nombre d’emplois et le nombre d’heures travaillées pour les employés de Seattle les plus modestes ont diminué plus rapidement que n’importe où ailleurs dans l’Etat de Washington.
 
Pour David Autor, du Massachusetts Institute of Technology qui a évalué l’étude avant sa publication par une revue scientifique, elle pourrait avoir un impact significatif. « Voici une étude qui a le pouvoir de faire évoluer les convictions. Elle aura un impact considérable dans ce débat. Elle suggère que nous devons agir avec prudence dès lors que nous commençons à faire entrer le salaire minimum dans une gamme où il commence à peser de manière assez importante. »
 
Chose confirmée par Jillian Henze, porte-parole d’un syndicat de restaurateurs de Seattle : pour elle, les données du rapport universitaire ne font que refléter l’expérience que le syndicat a pu recueillir à travers de nombreuses anecdotes.
 

Le coût social du salaire minimum : difficulté d’accéder à l’emploi

 
Selon Jacob Vigdor, coauteur de l’étude de l’université de Washington, la mise en place d’un salaire horaire nettement augmenté a des répercussions qui vont bien au-delà des feuilles de paye et des heures travaillées. « Fondamentalement, nous enlevons le barreau qui est au bas de l’échelle », explique-t-il : les personnes qui n’ont pas, ou pas encore, les qualités requises pour justifier le salaire augmenté ont de plus en plus de mal à trouver un emploi, à démarrer leur vie professionnelle. Jeunes ou immigrés de fraîche date, pour eux le salaire minimum est de zéro…
 
L’étude de l’université de Washington ne s’intéressait pas directement aux sociétés avec 500 employés et davantage, ni à celles ayant de nombreux postes de travail en dehors de la ville. Des conversations « anecdotiques » avec les responsables de ces sociétés ont cependant montré aux chercheurs qu’elles ont été nombreuses à diminuer effectivement les salaires et les heures de travail de leurs employés les plus modestes en réaction à la nouvelle loi, ce qui laisse entendre que la perte d’emploi générale est encore plus importante que celle constatée dans les petites entreprises.
 
Est-il nécessaire de préciser que l’idée d’augmenter fortement le salaire minimum à Seattle est venue d’une conseillère socialiste ? Comme toujours, le socialisme fait souffrir d’abord les plus pauvres et les moins qualifiés. Pour le plus grand profit des pays à bas coût de main d’œuvre…
 

Anne Dolhein