Le nouveau phénomène de la « culture pop magick  » sur le web  : quand paganisme rime avec sorcellerie

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Une mise à jour  : voilà ce que semble subir le paganisme d’antan. Et si la culture pop remplaçait le panthéon ancien, Batman évinçant Zeus, la Reine des Neiges dégageant la celtique Brigit  ?! Le magazine en ligne « Motherboard » livre une intéressante réflexion sur un phénomène sociétal qui grandit, lié à notre culture moderne et amplifié par les progrès technologiques de l’internet : le développement de la « culture pop magick » qui emprunte au paganisme ses grandes lignes (non sans revisiter ses déités) et à la sorcellerie ses moyens d’action. Le web et ses communautés, en particulier Tumblr, sont le creuset de nouvelles aliénations…
  

Un paganisme assumé mais revisité

  
Nous sommes loin du néo-paganisme qui idéalise les paganismes antiques, s’attache à retrouver les lieux «  sacrés » prédestinés, propices à la célébration des cultes, à comprendre l’existence des cycles cosmiques. Ce dernier est centré sur la nature, la Terre et l’Univers étant perçus comme un grand tout harmonieux auquel l’homme est associé par son être même – dans l’écologie moderne, c’est devenu une arme toute politique. Mais ce néo-paganisme a un public restreint, dans la mesure où il relève encore d’une culture élitiste et d’un héritage souvent européen.
 
Ce nouveau paganisme-là, cette nouvelle mythologie des temps modernes, s’appuie lui sur un héritage tout frais, facile d’accès et éminemment parlant : la culture pop, partagée et appréciée par le commun des mortels. C’est celle qui ressort des multiples supports « artistiques » auxquels sont confrontés les hommes d’aujourd’hui, des séries télé aux jeux vidéos, des tubes musicaux aux films cultes et toute la culture du net. Harry Potter ou Cendrillon, Marvel ou Star Wars, ces nouvelles entités, ces univers factices « parlent à leur âme », désormais mieux que quiconque…
  

Le réservoir de la « culture pop »

  
« Quand j’ai commencé la première fois, j’ai eu du mal à percevoir un lien personnel avec l’idée des quatre éléments traditionnels [issus du paganisme natif], alors je me les suis représentés comme les quatre membres de «  Metallica  » [groupe américain de heavy metal] et ça a résolu mon problème  » dit une praticienne avertie.
 
On puise dans la culture pop créée par la masse et objet d’adulation, pour y greffer sa spiritualité. «  Parce qu’on se sent déconnecté de la nature et que l’on trouve une meilleure connexion dans l’art et les médias ». (Motherboard)
 
Alors bien sûr, et beaucoup n’ont pas manqué de le faire remarquer, ces personnages de fiction manquent furieusement d’épaisseur, les siècles ne les auréolant pas, et leur créateur n’étant souvent même pas mort… Mais cela ne gêne pas les adeptes qui n’adorent pas, au sens littéral du terme, leurs idoles, mais s’en servent.  Et puis fi de la tradition dont la légitimité reste douteuse, la littérature l’emportant souvent sur la réalité  ! On colle à ces « figures  » choisies le reflet d’un autre monde. L’homme crée sa religion, ultra-personnelle, ultra-évolutive, ultra-libre – le nec plus ultra.
  

Le « magick  »  : vraie sorcellerie

  
Autre caractéristique  : ce nouveau phénomène donne tous ses droits à la sorcellerie, plus précisément au « magick ». Selon Scott Cunningham, nous dit «  Motherboard  », – le spécialiste de Paganisme 101 –  le « magick » est l’utilisation du « mouvement des énergies naturelles (mais mal comprises ou inconnues) du corps humain et des objets matériels  » pour générer du changement, par envoûtements, rituels, divination et autres moyens. Le « k » est souvent utilisé, nous dit l’article, pour différencier cette magie de celle de la scène à la Copperfield, ou de celle de la fiction à la Harry Potter – le «  magick  » est bien réel.
 
Personnages divins fictifs et sorcellerie véritable : le paradoxe de cette « culture pop magick païenne  » n’en est un que pour les non-adeptes.
 
En mal de transcendance, insatisfaite du matérialisme ambiant, l’aspiration populaire était là. Des écrivains l’ont mis en mots, comme Taylor Ellwood, auteur des deux textes clés sur la «  culture pop magick », Pop Culture Magick en 2008 et The Pop Culture Grimoire anthology. «  Pendant trois ans, je n’ai fait qu’apprendre les fondamentaux de la magie dans divers livres occultes. » Il s’est mis ensuite à réfléchir comment il pourrait transformer « tous ces intérêts de la culture pop en pratiques magiques  ». Parce que, pour les jeunes en particulier qui veulent se lancer dans la magie, il faut une accroche, quelque chose de familier : la culture pop était tout cela.
  

La puissance des réseaux du web – Tumblr

  
Mais cet engouement n’a pas grandi tout seul. Il lui fallait un support à la puissance qui vaille la promotion impériale du paganisme romain ou le succès de la mythologie portée par les grands auteurs grecs… Les réseaux sociaux la lui ont donnée, et en particulier Tumblr.
 
Tumblr est une plate-forme de micro-blogs qui réunit un peu tout à la fois, les caractéristiques de Facebook et de Twitter. On partage et on suit  : l’esprit communautaire est à son paroxysme. De fait, c’est un vecteur majeur pour ce genre de phénomène – et les blogs sur la culture pop « magick » et païenne pullulent.
 
C’est en cherchant des fans de telle ou telle figure, tel ou tel podcast, telle ou telle série, que les bloggeurs découvrent ces approches paganisantes. C’est léger, c’est attractif, c’est relationnel ; on se sent compris, connecté, relié. La sorcellerie, c’est l’étape suivante.
  

Clémentine Jallais