Reimer : les origines du drame

Les origines du drame

 

L’histoire de Bruce, élevé comme une petite fille à la suite d’une circoncision ratée, aurait pu être un cas particulier s’il n’avait pas justement été instrumentalisé pour légitimer une théorie. Il est devenu une preuve, celle de l’échec du professeur Money, qui prétendait qu’un enfant pouvait être élevé comme garçon ou fille, sans prendre en compte son sexe biologique.

Le journaliste John Colapinto a regroupé dans son livre As nature made him, the boy who was raised as a girl des témoignages, des recherches sur cette affaire.

Retour sur l’origine de ce drame.

 

Du côté de l’enfant

 

Le 22 août 1965, Janet met au monde Bruce et Brian. Elle et son mari ont respectivement 18 et 20 ans. Lorsque ses fils ont 7 mois, Janet réalise qu’ils souffrent en urinant. Son pédiatre diagnostique la phimosis, une maladie courante et aisément soignée par la circoncision.

Le 27 avril suivant, l’opération a lieu et tourne au drame. Le pénis de Bruce est entièrement brûlé. L’urologiste est formel « la restauration d’un organe fonctionnel est absolument impossible ». Les médecins examinent l’enfant et proposent des solutions mais laissent les parents traumatisés et sceptiques.

Ils craignent de voir grandir leur fils « à part ». Aucune solution ne les rassure.

 

Du côté du professeur

 

Tous les choix professionnels du professeur Money se font en réaction à un père « brutal et agressif » dont le souvenir laissera « un rejet total et pour toute sa vie de la brutalité masculine ». Après la mort prématurée de son père, il subit l’influence d’un environnement féminin où fleurissent les « diatribes anti-hommes » qui le poussent à se demander si « le monde serait réellement meilleur pour les femmes si non seulement les animaux mais également les hommes étaient castrés à la naissance ».

Passionné d’astronomie et d’archéologie, Money se rêvait également un grand musicien. Il se détourne finalement de cette voie, sentant qu’il ne serait jamais plus qu’un amateur qualifié.

Il trouve à l’université un nouveau sujet de prédilection : la psychologie.

Le choix de la psychologie sexuelle n’est pas fait au hasard. C’est une occasion pour lui de réagir à ce qu’il considère comme une « oppression religieuse ».

 

John Money se veut « missionnaire du sexe »

 

Hors de toute morale, il s’émancipe en explorant avec curiosité toutes les pratiques sexuelles afin, affirme-t-il, d’en étudier les fondements psychologiques. Il profite de la révolution sexuelle en cours dans les années 70 pour promouvoir toutes formes de sexualité, aussi bien professionnellement que personnellement.

Il décrit sa vie privée comme « un échange de visites sexuelles ou de compagnonnages amicaux avec des partenaires compatibles, qu’ils soient hommes ou femmes ».

Il refuse qu’une quelconque pratique sexuelle soit appelée perversion mais « paraphilie », citant le sadomasochisme, la coprophilie, l’auto strangulation… allant même jusqu’à légitimer la pédophilie : « Si je voyais le cas d’un garçon de 10 ou 12 ans intensément attiré par un homme de 20 ou 30 ans, que la relation était totalement mutuelle, je ne jugerais pas la relation pathologique ». Il appelle en 1973, dans une interview donnée au New York Times, à « une nouvelle éthique du sexe récréatif ».

 
Généraliser l’anormal

 

En 1948, John Money est confronté à son premier cas de personne hermaphrodite c’est-à-dire dont les organes génitaux sont impossibles à définir comme mâles ou femelles. Rapidement fasciné par ces cas, il en fait son sujet d’étude et affirme, après en avoir examiné 131, que 95% d’entre eux « vont bien », qu’ils aient été élevés comme filles ou garçons. Il y voit la preuve que le genre n’est pas nécessairement lié au sexe biologique : il généralise donc la théorie de neutralité psychologique des hermaphrodites à tous les enfants, même nés sans irrégularités génitales : « Si vous dites à un garçon qu’il est une fille et l’élevez de la sorte alors il voudra agir de manière féminine ».

 

La souffrance contre la gloire

 

La théorie est osée et le cas de Bruce est une chance inespérée pour la légitimer.

Lorsque Janet et Ron entendent le professeur Money expliquer sur un plateau de télévision qu’un enfant peut être élevé indifféremment de son sexe biologique, ils y voit un espoir pour leur bébé et décident de le contacter.

Peu touché par le cri de souffrance et l’inquiétude des jeunes parents, il les presse simplement d’élever Bruce comme une fille.

Le 3 juillet 1967 Bruce est castré. Ni Janet, ni Ron ne réalisent alors que l’aventure est une première et qu’aucune expérience de ce genre n’a été menée sur un enfant né avec un sexe et un système nerveux normaux. « Il n’avait pas été précisé que la procédure était purement expérimentale et Janet et Ron affirment l’avoir réalisé de nombreuses années plus tard » raconte le journaliste.

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Le petit Bruce est devenu le cobaye d’une idéologie mortifère, sacrifié sur l’autel du progrès que veut représenter la théorie du genre.  Le professeur Money l’utilisait comme un exemple concluant de ses découvertes en parlant « d’un inqualifiable succès », alors même que la petite Brenda répétait sans cesse qu’elle était un garçon et que son comportement révélait un profond malaise.

Son mal-être est apaisé le jour où elle apprend la vérité de la bouche de son père à 14 ans et décide immédiatement de redevenir le petit garçon qu’elle est.

Mais la blessure est immense et profonde et se soldera par un suicide.