Davos : un responsable de l’OCDE prévoit une avalanche de faillites, et propose un « jubilé »

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William White, président du Comité de révision des situations économiques de l’OCDE.

 
Pourquoi pas un « jubilé » à la mode sumérienne ou israélite ? C’est ce qu’a suggéré William White, président du Comité de révision des situations économiques de l’OCDE mardi soir dans un entretien avec Ambrose Evans-Pritchard du Daily Telegraph. Ce haut responsable d’une institution internationale prévoit une avalanche de faillites alors que le système financier global est fragilisé par l’endettement. « La situation est pire qu’en 2007. Nos munitions macroéconomiques pour faire face aux récessions sont pour ainsi dire brûlées », a-t-il prévenu.
 
Ancien économiste en chef de la BIS (Bank for International Settlements), la Banque centrale des Banques centrales, White constate que l’endettement n’a cessé de progresser au cours des huit dernières années pour atteindre « partout dans le monde » un niveau qui en fait un facteur potentiel de gros problèmes.
 

William White, économiste de l’OCDE, envisage un jubilé pour effacer les dettes

 
« Il va devenir évident au cours de la prochaine récession qu’un grand nombre de ces dettes ne seront ni servies, ni remboursées, et ce sera une situation inconfortable pour de nombreuses personnes qui pensent détenir des actifs d’une quelconque valeur. La seule question est de savoir si nous pouvons regarder la réalité en face d’une manière ordonnée, ou si cela se fera de manière désordonnée. Les jubilés d’annulation des dettes ont existé depuis 5.000 ans, depuis le temps des Sumériens », a-t-il affirmé.
 
Bref, il faut persuader les créanciers de renoncer à leurs créances sans pour autant déclencher un orage politique : selon Ambrose Evans-Pritchard, commentant les propos de White, c’est là la prochaine tâche qui attend les « autorités globales » en vue d’un « réordonnancement massif des gagnants et des perdants au sein de la société ».
 
En première ligne : les créanciers de l’Europe. Ce sont eux qui sont exposés aux « haircuts » (les décotes) les plus importants alors que les banques européennes avouent déjà posséder mille milliards de dollars de prêts non productifs, exposées qu’elles sont vis-à-vis des marchés émergents. Un chiffre sous-évalué, selon William White.
 

A Davos, on parle de faillites et de ponctions sur les comptes sur fond de crise inévitable

 
La situation est telle que la recapitalisation nécessaire atteindra une échelle sans précédent : selon les nouvelles règles de la recapitalisation interne (« bail-in »), n’importe quel détenteur de compte dont les actifs dépassent le seuil garanti de 100.000 euros devra « aider à payer ».
 
Les propos de White sont à prendre au sérieux dans la mesure où il a été l’une des seules voix au sein de la « fraternité des banques centrales » à avoir clairement annoncé l’écroulement de la finance occidentale dès 2005, mettant en garde contre une crise violente de l’économie mondiale. Quant au « quantitative easing » – l’assouplissement quantitatif ou QE – qui a suivi la crise de Lehman Brothers, il a alimenté les bulles de crédit sur les marchés orientaux et provoqué une envolée des emprunts en dollars qui a attiré les économies asiatiques dans les marécages de l’endettement. « Les marchés émergents faisaient partie de la solution après la crise Lehman. Aujourd’hui ils font eux aussi partie du problème », selon William White.
 

Les faillites sont la conséquence de l’endettement favorisé par l’argent facile

 
Dans une économie mondiale « intrinsèquement exposé à la crise », il prévient du risque de voir la dévaluation chinoise « métastaser » dans un contexte où le QE s’analyse comme une guerre des monnaies. Avec la politique de l’argent facile menée par la Réserve fédérale américaine et bien d’autres Banques centrales a conduit à dépenser par anticipation sur l’avenir au risque de se transformer en « addiction toxique » avec le temps – jusqu’à ce que l’avenir vous rattrape. « Par définition, c’est de l’argent que vous ne pourrez pas dépenser demain », observe White. La technique, employée avec excès dès le crash de 1987, consiste à dépenser tout de suite en comptant sur l’avenir pour éponger les dégâts. En fait, c’est une perpétuelle fuite en avant.
 
L’arrivée sur les marchés de la Chine et de l’Europe de l’Est au cours des années de 1990 avec des masses de produits bon marché, a masqué l’inflation des actifs. Les banques centrales auraient dû permettre à la déflation « bénigne » et temporaire liée à cette phase de la globalisation de suivre son cours, estime White, plutôt que d’alimenter les bulles de crédit qui aboutiront à une déflation maligne comme celle des années 1930.
 

Les solutions socialistes proposées à Davos

 
La Fed, assure-t-il, est devant un dilemme « horrible » : « C’est un piège de la dette. Les choses sont dans un tel état qu’il n’y a pas de bonne réponse. S’ils relèvent les cours ce sera vilain. S’ils ne les relèvent pas, les choses ne pourront qu’empirer. »
 
Aux gouvernements de cesser de refiler le « sale boulot » aux Banques centrales, a-t-il osé. Il faut cesser de leur demander de régler les questions de solvabilité alors qu’elles ne peuvent régler que celles relatives aux liquidités, assure William White. Comme si les Banques centrales ne jouaient pas – sans contrôle souverain ni démocratique – un rôle politique ! White rêve d’un retour à la « primauté fiscale », keynésienne, au travers d’investissements massifs dans de nouvelles infrastructures qui se financent elles-mêmes à travers une plus forte croissance. Avec de l’argent que les Etats n’ont pas et alors qu’ils sont endettés jusqu’au cou ? C’est encore une dose de socialisme qu’il cherche à nous servir !
 

Anne Dolhein