Débat présidentiel : Marine Le Pen limitée, Macron, poire pour la soif du système

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Les Français attachés au débat d’idées auront étés frustrés. Avec Macron, le système a bricolé un candidat qui n’est que sa poire pour la soif. Dans un débat présidentiel placé par les journalistes au niveau des secrétaires d’Etat, face à une Marine Le Pen limitée, il s’est contenté d’agiter de vieux épouvantails.
 
Un retour analytique sur le détail du débat ne servirait à rien. Je préfère l’éclairer d’une anecdote culinaire. Elle remonte au dernier dimanche de carême. Mon époux, qui connaît ma dilection pour la poire, fruit français par excellence, délice de finesse que Valéry a chanté dans Le Cimetière marin (« comme le fruit se fond en jouissance »), m’en a offert quelques unes pour fêter l’entrée du Christ à Jérusalem. Elles devaient venir du Chili ou d’Afrique du Sud.
 

La poire, le pouvoir et le cœur

 
Avant que la Chine et les Etats-Unis n’en devinssent les premiers producteurs, la poire est un fruit qui prospéra en France lié au pouvoir. Les Valois en firent cultiver un grand nombre de variétés dans leurs jardins de la Loire. Le maire de Reims recevant pour son sacre le dernier roi de France, Charles X, l’accueillit ainsi : « Nous vous offrons ce que nous avons de meilleur, nos vins, nos poires et nos cœurs ». Il reste de cet amour et de ces soins d’excellents plants, dont l’industrie de masse n’a pas supprimé le souvenir, Louise Bonne, Passe-Crassane, Doyenné du comice, les poires du curé, les Bon-Chrétien et surtout l’incomparable famille des Beurrées, dont ma préférée, la Beurrée Hardy. Des poires, La Quintie, qui n’était pas une andouille, aimait par-dessus tout la « chair beurrée » et le « parfum », je me règle sur lui.
 

Le grand péché du système : vivre contre la nature

 
Les poires des Rameaux étaient dressées à midi sur le compotier, comme une décoration de chapeau d’entre les deux guerres. J’en ai remercié l’acheteur, le pauvre ange, mais à leur seule vue mon cœur fut accablé de tristesse. Les contraintes de la grande distribution font en effet que les variétés d’été et d’automne sont nécessairement mauvaises quand elles arrivent sur notre table. La Quintinie, toujours lui, observait en effet : « En matière de fruits l’expérience nous apprend trois choses : pour les fruits d’été, ils doivent être cueillis à mesure qu’ils sont mûrs ». Cela mène les producteurs soit à éliminer de leurs vergers les poires à chair beurrée, soit à les cueillir, pour qu’elles ne nous parviennent pas trop mâchées, bien avant la maturité que l’expérience nous dit nécessaire. Cela est aussi vrai, bien évidemment, pour les fruits de l’été austral.
 

Le système a soif de néant

 
Mes poires étaient plus rutilantes et brillantes que la faïence qui les portait. Pour la forme, pansue, elles rappelaient les poires que nous avions au fond du jardin et que papa nommait poires pierres parce qu’elles demeuraient vertes et dures tout l’hiver et ne s’adoucissaient un peu que cuites dans le vin rouge. Pour la couleur, entre une Guyot qui aurait chopé une insolation et une Louise Bonne frappée de jaunisse. Pour la consistance, pauvre de moi car il fallut la manger, l’horreur mal croquante du Nashi. Et pour le goût, hélas, trois fois hélas, rien, trois cent fois rien. Une image de poire, mais, quant au concept, entre le faux sens, le contresens et le non sens. De quoi désespérer la langue française et les us et coutumes de notre pays : d’une telle chose, on n’aurait jamais eu l’idée de la garder pour la soif, ni de discuter entre amis, la suçant en attendant le fromage. J’étais bien punie de ma gourmandise et de l’aimable, mais dévoyée, sollicitude qu’elle avait fait naître.
 

Macron, l’idée d’une poire, la possibilité d’une poire

 
Les poètes anciens ont dit ce qu’il fallait de ceux qui vivent contre la nature et ses rythmes, du malheur qu’engendre leur insane avidité. Vouloir de tout en tout temps est l’assurance de n’avoir jamais rien de bon. Il faut vivre avec son terroir et ses saisons, en cueillir les fruits au bon moment. J’ai pensé à ces poires et à Macron, folie à leur image. J’ai pensé à son inconsistance verbeuse, à ce vide constitutif qui le caractérise et le rend insensible, ce fut criant hier soir, tant au principe de non-contradiction qu’au principe d’identité.
 
Sans doute l’imagerie populaire aime-t-elle à comparer l’électeur à la poire, mais en l’espèce, c’est le candidat qui ressemble à ces poires hors sol et hors saison. Qu’elles viennent de Tasmanie ou de Madagascar, elles ne sont que des idées de poire, des poires qui ne ressemblent à aucune poire véritable, mais qui prétendent incarner la possibilité d’une poire, l’idée d’une poire à défaut d’avoir leur identité de poire. Tout est possible dans le monde de l’utopie, y compris manger une poire le dimanche des Rameaux dans le Sud-Ouest de la France. Hélas, la réalité se venge toujours, et ne vient dans la bouche qu’un hologramme de poire, un ectoplasme de poire, un prestige de poire, un faux miracle.
 

L’identité, cœur du débat présidentiel

 
Cette illusion a pour première caractéristique de ne ressembler à rien, elle s’apparente à ces produits qui sont conçus pour ne pas choquer le consommateur par leurs propriétés décelables. Ainsi la bière Heineken, dont la publicité disait qu’elle était la bière qui fait aimer la bière précisément parce qu’elle n’a aucun des caractères qui peuvent rebuter le non buveur de bière dans le client potentiel. La poire universelle de même est un pur objet de grand commerce, un nom et un numéro dans le codex alimentarius où les Américains et l’ONU consignent et orientent peu à peu nos obligations alimentaires. C’est un produit intraçable, inapproprié aux circuits courts où il se trouverait immédiatement dénoncé par le bon sens, c’est l’emblème même du mondialisme.
 

Marine Le Pen limitée par ses propres contradictions

 
Sa peau luisante et froide comme le papier glacé des magazine de luxe, s’offre, pur fantasme publicitaire à une sorte d’envie mécanique qui n’est qu’une sorte de cupidité de tout, vide de contenu. Une addiction à un autrement sans identité où flottent des prurits de luxe, d’exception, mis en musique par des marchands spécialisés dans la psycho-sociologie. Macron est cette pure idée de poire. Inutile d’aller jusqu’à son programme, ses mensonges ou sa filouterie, inutile de le secouer comme un prunier, ce qu’a tenté sans adresse une Marine Le Pen limitée par ses propres contradictions et ses trop faibles convictions : c’est son être qui rebute. Macron est la poire pour la soif du système, aucun être de chair et de sang ne saurait aimer la chose politique qu’il est, aucune âme née du Bon Dieu. Il faut barrer la route à tout prix à cet extrémiste du vide. Même si nous devons aussi le plaindre et prier pour lui, qui fut en son temps victime d’actes pédophiles, comme on dit communément, c’est-à-dire d’éphéborastie.
 

Pauline Mille