Déclaration de Beyrouth sur les libertés religieuses : les sunnites du Liban se lancent dans la lutte contre l’extrémisme musulman

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Dans le sillage des appels du président égyptien Al-Sisi et de la récente conférence du Caire sur la fatwa, une organisation islamique libanaise vient de publier la « Déclaration de Beyrouth sur les libertés religieuses ». L’association caritative des Makassed islamiques, proches de Dar el-Fatwa, instance représentative officielle des sunnites au Liban, avait présidé à la signature du document de trois pages le 20 juin, lors du premier « Congrès islamique des Makassed ». En s’engageant ainsi contre l’extrémisme musulman, le monde sunnite libanais, qui a traditionnellement à souffrir de l’emprise chiite, que ce soit par le biais du Hezbollah ou de l’agressif voisin syrien, apporte sa pierre à la restructuration de l’islam.
 
L’Orient-le-Jour a interviewé à ce propos Mohammed Sammak, partie au document : « L’ennemi est désormais dans la place. La vague extrémiste est arrivée dans la place », explique-t-il. Son point de vue est celui d’une société « ouverte et libérale », « multiculturelle » qui aurait dû être protégé de la résurgence du « lien fort entre religion et politique ».
 

Promouvoir les libertés religieuses dans l’islam : la mission impossible des sunnites du Liban

 
Voilà donc un document qui prend le contre-pied de la théocratie qui est pourtant au cœur de l’islam, avec l’affirmation paradoxale, de la part de Sammak, que « la foi musulmane reste incomplète sans la croyance à la foi chrétienne, puisque les chrétiens croient, comme les musulmans, à un Dieu unique ! »
 
C’est faire peu de cas des traditionnelles condamnations musulmanes et coraniques des « associateurs » chrétiens qui méritent l’opprobre parce qu’ils croient en un Dieu Un et Trine… On comprend que trois cheikhs aient quitté la conférence, furieux. D’autant que la Déclaration affirme non seulement les libertés religieuses, mais la liberté de conscience. Du point de vue musulman, il s’agit de non-sens, de concessions majeures – en apparence au christianisme, en réalité au relativisme maçonnique du temps.
 

Combattre l’extrémisme musulman : la Déclaration de Beyrouth au service de la restructuration de l’islam

 
On comprend la démarche des sunnites libanais qui ont a souffrir à leur manière de l’islamisme radical et qui depuis longtemps, élites du pays aux côtés des chrétiens, ont tissé avec ces derniers de liens humains qui n’ont pas empêché toutefois au travers des siècles génocides et persécutions. Leur désir de paix et de stabilité se comprend. La volonté de Dar el-Fatwa de reprendre la main sur l’enseignement religieux dans le pays s’explique aussi dans ce contexte de forte rivalité au sein de l’islam lui-même – quitte à inventer une distinction entre spirituel et temporel que l’on cherche en vain dans le coran.
 
C’est tout l’intérêt de telles démarches, du point de vue du relativisme moderne : on peut se contenter de vider les religions traditionnelles de leur substance, pour n’en garder que l’enveloppe, sans le moindre souci de la liberté.
 
Reste qu’il n’est dit nulle part que la « liberté » prônée par les Makassed islamiques va jusqu’à admettre le droit à la conversion – vers le christianisme par exemple. Le texte de la Déclaration de Beyrouth ne semble pas avoir été publié en ligne, sinon peut-être en arabe. Si elle avait prévu cette vraie liberté de chercher la vérité, cela se serait sans doute su.
 

Anne Dolhein