Dépendance au GPS : la nouvelle vulnérabilité… de tout

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Ou presque. La dépendance au système de positionnement global – le fameux GPS qui a déjà sauvé tant de ménages en déchargeant Madame de la pénible obligation de lire la carte routière – est aujourd’hui devenue quasi universelle, exposant l’humanité à des accidents inimaginables par le passé. La nouvelle vulnérabilité est liée au recours à un système qui repose entièrement sur les communications avec 31 satellites pour ce qui est du système américain, tandis que d’autres systèmes, russe, européen ou chinois, proposent ou proposeront bientôt des réseaux concurrents exposés eux aussi à la panne ou à l’interférence.
 
La technologie GPS ne sert pas seulement à remplacer les traditionnels plans en papier. Des systèmes entiers de transports publics, l’application Uber et même les déplacements d’ambulances au Royaume-Uni en dépendent – il y a ainsi des véhicules d’urgence qui n’ont même plus de carte physique à bord en cas de besoin.
 
Mais l’omniprésence du GPS dans nos vies va bien au-delà. De l’agriculteur qui s’en sert pour labourer son champ, au millimètre près, aux télécoms et aux réseaux d’électricité, les signaux satellites régulent tout, depuis l’heure affichée sur votre Smartphone jusqu’aux marchés financiers qui en dépendent pour la fluidité des échanges.
 

La dépendance au GPS s’étend à des domaines insoupçonnés

 
C’est à ce point que pour le seul Royaume-Uni, selon le rapport The London Economics, cinq jours d’interruption du service feraient perdre plus d’un milliard de livres par jour à l’économie. Les ports de fret cesseraient de fonctionner, faute de pouvoir « tracer » les conteneurs. Et puisqu’on parle de traçabilité, les délinquants menus de bracelet électronique disparaîtraient de la carte tout comme le cheptel des éleveurs qui ont pucé leurs bêtes.
 
Aujourd’hui gratuit et largement utilisable dans la vie civile, le GPS est né d’un besoin militaire : l’armée américaine, en pleine Guerre froide, avait besoin d’informations précises sur la localisation des sous-marins mais aussi d’outils de précision pour les missiles téléguidés. L’idée de mettre en place un réseau de satellites munis d’horloges synchronisées – il en faut au moins 24 pour que le système fonctionne bien – a apporté la réponse : les récepteurs GPS reçoivent des signaux horaires de plusieurs satellites et calculent leur position à partir d’une triangulation rendue possible par les différences des données.
 
Dépendre d’un système de ce type, toujours géré par l’armée américaine, est une chose. Dépendre d’un système en soi fragile en est un autre, un problème supplémentaire. Or il est bien fragile, non parce qu’il présenterait des défauts dans le calcul de position, mais parce que le signal GPS provenant de satellites naviguant à plus de 19.000 km au-dessus de nos têtes est faible : il équivaut à une ampoule de 20 W. Un signal qui s’affaiblit encore au cours de son voyage vers la Terre. Rien de plus simple que de le brouiller, voire de le manipuler.
 

Une vulnérabilité née de la fragilité du signal GPS

 
Les voleurs de voitures de luxe le savent, qui utilisent des brouilleurs pour rendre inutiles les dispositifs de sécurité antivol sur leur butin. Les chauffeurs de camions s’en servent pour éviter d’être suivis à la trace – et si c’est une opération illégale, la possession du brouilleur lui-même n’est pas interdite.
 
Mais ce n’est pas la seule vulnérabilité : moyennant une technologie plus avancée, on sait aujourd’hui non seulement brouiller le signal mais le remplacer ou le manipuler. Ce qui est à la portée des joueurs du jeu de positionnement PokemonGo ou des chauffeurs Uber qui trichent sur leur localisation pour remporter davantage de courses l’est encore bien plus aux entités militaires ou gouvernementales.
 
En juin dernier, une vingtaine de navires présents en mer Noire ont ainsi noté un dysfonctionnement bizarre de leur système de GPS : où qu’ils fussent, ils semblaient positionnés à l’intérieur des terres, à une trentaine de kilomètres de là, en plein aérodrome de Gelendzhik qui dessert la pittoresque ville côtière. Affichant une marge d’erreur nominale de quelques mètres, le GPS s’était spectaculairement « trompé ». La seule explication, c’est que le signal avait été manipulé à un niveau inédit jusque-là.
 

Manipuler le GPS pour « déplacer » des navires vers la terre ferme…

 
Sans se lancer dans des accusations spectaculaires, la communauté internationale avait toute raison de soupçonner la Russie, et ce d’autant que quelques mois plus tard, les avions norvégiens traversant le comté de Finnmark tout proche de la frontière russe devaient perdre leur signal GPS pendant une semaine.
 
Démonstration de force ? A ce jour, on en reste au stade de la conjecture alors que des perturbations ont été constatées à plusieurs reprises par la suite lors d’opérations occidentales, telles des manœuvres militaires. On pointe du doigt la Russie, la Chine, où la Corée du Nord. Vrai ou faux, ce qui ressort de tout cela, c’est qu’il est possible de semer la pagaille à peu de frais.
 

Anne Dolhein