Dette de SNCF Réseau : le rail, grand sacrifié de la gabegie socialiste

Dette SNCF Réseau rail sacrifié gabegie socialiste
 
Le gouvernement socialiste s’apprête à faire machine arrière sur l’apurement de la colossale dette de SNCF Réseau, propriétaire des voies ferrées, qui s’élève à 44,1 milliards d’euros. Il dément ainsi la volonté exprimée par Manuel Valls, Premier ministre, devant l’Assemblée en juin, qui avait assuré, après avoir lâché la direction de la SNCF face aux grèves contre la réforme du statut des cheminots, qu’un rapport étudierait une reprise de « tout ou partie » de cette dette par l’Etat. Le rapport vient de paraître : il rejette toute requalification de cette dette en dette de l’Etat. Le texte est même plus clair : « Il exclut une reprise de dette, partielle ou total tout comme son cantonnement dans une structure ad hoc ». Et tant pis pour le rail, grand sacrifié de la gabegie socialiste.
 
La dette du réseau, qui avait été transférée en 1997 de la SNCF historique à RFF, nouvelle structure gérant séparément le réseau, devenue depuis cette année SNCF Réseau, coûte chaque année près de 2 milliards d’euros en intérêts. Presque l’équivalent du coût du Contournement de Nîmes et Montpellier, 70 km de voies nouvelles aptes à la très grande vitesse permettant d’éviter les deux agglomérations, et de leurs raccordements, qui sera mis en service fin 2017.
 

Statut exorbitant du cheminot, financement de la grande vitesse, centralisme : des handicaps rédhibitoires

 
La raison de ce renoncement invoquée par les rapporteurs est d’un parfait cynisme : « Une reprise de 10 milliards d’euros de dette aurait pour effet d’augmenter le déficit public d’environ 0,5 points de PIB. » Soit 2 points pour une reprise totale. Toute reprise, insistent les rapporteurs, « ferait peser une lourde contrainte sur le programme de financement de l’Etat, qui est déjà tendu. » Ils renvoient l’examen de la situation à 2019, après la signature du contrat de performance promis par le gouvernement à la SNCF, dont l’élaboration a déjà pris un sérieux retard. Hervé Maurey, sénateur (UDI) de l’Eure et spécialiste des questions d’aménagement du territoire, membre du conseil de surveillance de l’établissement de tête SNCF, qui chapeaute SNCF Réseau et SNCF Mobilités, estime dans Le Figaro que « C’est là un très mauvais coup porté à la SNCF, à qui on demande en plus de sauver Alstom ».
 
De fait, après avoir bloqué toute évolution d’un statut du cheminot SNCF représentant un poids financier rédhibitoire, le gouvernement socialiste refuse toute compensation à son veto politique. Cette attitude est d’autant plus choquante que la dette de SNC F Réseau est pour une part importante issue de l’investissement assuré par la seule SNCF pour construire la première génération des lignes à grande vitesse, dégageant alors l’Etat de tout engagement financier.
 

Dette de la SNCF Réseau : l’Etat maintient les charges exorbitantes

 
L’argument selon lequel une reprise la dette de la SNCF accroîtrait celle de l’Etat fera sourire les analystes financiers des banques qui achètent du « papier » SNCF. Ces emprunts, même s’ils ne bénéficient plus de la garantie publique, sont largement assimilés à des emprunts d’Etat, tant par leurs taux que par leur note de crédit. Cette dette est de facto une dette publique.
 
Rappelons que la SNCF est un ensemble de trois établissements publics industriels et commerciaux (Epic) dont le capital est propriété de l’Etat à 100 %. Le conseil de surveillance de l’Epic de tête est composé de douze administrateurs représentants les ministères, d’un député, d’un sénateur, d’un élu représentant du syndicat des transports l’Ile-de-France (autorité organisatrice) et d’un élu représentant les régions (autorités organisatrices des TER). Plus trois hauts fonctionnaires et un syndicaliste. On peut difficilement imaginer structure industrielle plus intégrée à l’Etat. Même La Poste est devenue voici quelques années une société anonyme (à capital public). Quant aux chemins de fer fédéraux allemands, grand modèle et concurrent de la SNCF, ils restent propriété publique mais sous statut de société anonyme.
 

La SNCF, bras armé de l’Etat, a saccagé le réseau classique dont elle a hérité

 
Ce nouvel épisode illustre une fois de plus l’inconséquence des politiques publiques en matière ferroviaire en France, alors que le chemin de fer est un outil capital dans la compétitivité des territoires et l’équité entre eux. Rappelons que sous la IIIe République et pour des raisons purement politiciennes, l’Etat français avait obligé les compagnies privées à développer inconsidérément leurs réseaux… comme il tente de le faire avec les société d’autoroutes aujourd’hui. Les compagnies, en difficulté, avaient été nationalisées par le Front populaire en 1938, devenant la « SNCF ». A partir de cette date, ce bras armé de l’Etat a opéré un véritable saccage du réseau, allant bien au-delà d’une simple rationalisation : 4.300 km de lignes fermées au service voyageurs en 1938, 4.200 en 1939, soit quatre fois la longueur cumulée des lignes à grande vitesse à ce jour. Depuis, des centaines de kilomètres ont été fermés chaque année. Une réduction du réseau de plus de moitié. Et ça continue. Depuis deux ans, le Massif Central a ainsi perdu la liaison (Bordeaux)-Brive-Clermont, Clermont-Saint-Etienne, Aurillac-Brive ; les Pyrénées, Montréjeau-Luchon ; la Champagne Reims-Verdun…
 
Les relations inter-régionales transversales ou radiales sur lignes classiques ont été systématiquement sabotées par la SNCF qui depuis des années oblige les voyageurs à se rabattre sur les lignes à grande vitesse via l’Ile-de-France. La liaison Nantes-Lyon, qui connut des trains via Tours nombreux et fréquentés, n’est plus parcourue de bout en bout par aucun des trains classiques directs qui assuraient en outre une fonction de cabotage. Seuls sont proposés des TGV transitant par la région parisienne, moyennant une distance tarifée supérieure pour des temps de parcours relativement peu réduits. Les trains de nuit sont sabordés. Sur Bordeaux-La Rochelle-Nantes, ligne laissée en déshérence où certaines sections sont réduites à 60km/h, les voyageurs se voient proposer de passer par Tours, voire Paris !
 

Des territoires délibérément sacrifiés ; la gabegie socialiste responsable

 
La fonction d’équité territoriale théoriquement propre à la puissance publique, dont se gargarise la république égalitariste, est ainsi foulée aux pieds depuis des décennies. Les syndicalistes quant à eux ont préféré que la SNCF ferme des lignes plutôt que d’accepter un allégement de la réglementation ou des efforts statutaires permettant de réduire les coûts. Seul le transfert par l’Etat de l’organisation et du financement des trains régionaux aux régions voici une vingtaine d’années a permis une relance de l’offre ferroviaire malgré des transferts sur route, démontrant la nécessité d’une approche subsidiariste et la contre-productivité du centralisme.
 
Plutôt que d’affronter les syndicats en ouvrant le réseau voyageurs à la concurrence, l’appareil d’Etat français préfère continuer sa politique de sabordage : plutôt fermer une ligne « secondaire » que d’en céder l’exploitation à un opérateur alternatif. Or Transdev, pourtant filiale de la Caisse des Dépôts, propose confidentiellement aux régions une baisse de 20 % à 30 % des coûts d’exploitation. Quant aux voies, leurs état de délabrement est tel que le programme de rénovation d’urgence, porté à 2,5 milliards d’euros l’an, ne peut pour l’instant concerner que le réseau classique principal. Les régions volontaires en sont réduites à devoir investir pour une infrastructure qui ne leur appartient pas pour éviter des fermetures.
 

A l’étranger, la SNCF profite de la concurrence du rail

 
Le gouvernement socialiste et prétendument écologiste a préféré fuir ses responsabilités. Plutôt que de favoriser le transfert modal du fret de la route vers le rail – que font ces milliers de camions espagnols en transit, ou ces poids-lourds reliant La Rochelle à Lyon ? – il a préféré tarir la source de financement du rail qu’aurait pu être l’écotaxe, sans la remplacer. En encore, le fret a-t-il été ouvert voici une décennie à la concurrence ferroviaire, les opérateurs alternatifs ayant conquis 30 % du trafic… et sauvé quelques lignes.
 
Plutôt que d’ouvrir le réseau voyageurs à la concurrence, le même gouvernement continue de bloquer l’entrée de nouveaux exploitants plus compétitifs, alors que la SNCF, via sa filiale Keolis, profite effrontément de l’ouverture des marchés ferroviaires de nos voisins : Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas, voire des Etats-Unis. Une situation qui relève du banditisme d’Etat.
 
Plutôt que d’investir dans la rénovation de lignes desservant des régions déshéritées, il préfère les fermer ou les assécher encore en dérégulant les transports par autocars, les fameux  « cars Macron ». « Mieux vaut un car qui passe qu’un train qui ne passe pas », a osé lancer François Hollande aux élus corréziens à l’été 2015. Ces autocars interrégionaux, au demeurant, restent déficitaires et constituent un gouffre pour leurs exploitants parmi lesquels… la SNCF qui a voulu se placer sur le marché avec ses Ouibus et qui les finance à fonds perdus. Pour mémoire : les cars Isilines proposent une liaison par route Dijon-Nîmes, le samedi uniquement, en… 8 heures (avec une correspondance) pour 37 euros. Le train propose 11 fréquences par jour en 3h30 environ et à partir de 38 euros avec une carte jeune, senior, week-end ou fréquence.
 

Matthieu Lenoir