Deux chrétiens évangéliques de Cognac à l’amende pour « homophobie »

Palais de Justice d'Angoulême
Palais de Justice d’Angoulême

 
Deux chrétiens de l’Eglise évangélique de Cognac, Alain Boutinon et Michel Oudot, ont respectivement été condamnés lundi par le tribunal correctionnel d’Angoulême à 2.000 et à 1.000 euros d’amende pénale pour « provocation à la discrimination » à l’égard des homosexuels. Ils étaient poursuivis pour homophobie à l’initiative de l’association ADHEOS qui leur reprochait d’avoir rédigé et diffusé un tract sous le titre « Délivré de l’homosexualité » où l’auteur, un jeune homme évangélique noir expliquait comment il a rompu avec le style de vie gay. ADHEOS, pour sa part, obtient 1.500 d’euros de dommages et intérêts.
 
Le tract présentait l’homosexualité comme une « maladie, un fléau, une entrave dont il faut se libérer », en s’appuyant sur des textes bibliques et sur la présentation de l’activité homosexuelle comme un péché qui entraîne la privation de la communion avec Dieu, et donc la mort éternelle.
 
Langage proprement religieux. Mais il n’a pas été du goût d’ADHEOS – ni du ministère public. L’association tout comme Mme le procureur, Stéphanie Veyssière, y ont vu une insupportable atteinte aux droits des homosexuels, bien qu’il se soit agi d’un témoignage de conversion très personnel.
 

Témoigner d’une délivrance de l’homosexualité, c’est de l’homophobie, dit le tribunal d’Angoulême

 
Liberté religieuse, ou tolérance à l’égard des homosexuels ? L’affaire tournait autour de ces deux pôles parmi lesquels la justice républicaine et la loi a déjà choisi, sans que le chrétien moyen soit toujours conscient de ce que cela peut entraîner dans la pratique.
 
Les deux prévenus ne l’avaient en tout cas pas imaginé et ils ont dit leur indignation de ne pas pouvoir exprimer librement leurs croyances, en se défendant d’avoir des sentiments de haine ou une volonté de discrimination à l’égard des homosexuels. « Je ne suis pas homophobe, j’ai même des amis homosexuels. J’aime tout le monde », s’est défendu l’un d’eux.
 
Mais ce n’est pas cela qu’on attendait d’eux. Il a eu un mot de trop : il voulait juste « aider des gens qui ont des problèmes ». Or dans la logique de l’homophobie, le simple fait d’assimiler la tendance homosexuelle à un « problème » est déjà une forme de délit. C’est bien pour cela qu’à terme, le Catéchisme de l’Eglise catholique qui définit cette tendance comme « intrinsèquement désordonnée » s’expose à la même opprobre. Il ne faut pas croire que les catholiques sont protégés parce que leur langage est un peu moins fleuri que celui de ces deux évangéliques qui ont pour eux la force de leur conviction.
 

Deux chrétiens évangéliques de Cognac mis à l’amende pour avoir dit que le style de vie gay est un péché

 
Au cours d’une audience de quatre heures et demi, en septembre, les débats avaient été marqués par l’intervention du procureur qui avait demandé une lourde condamnation : elle avait requis six mois de prison avec sursis et 20.000 euros d’amende, estimant que le délit de « provocation à la discrimination » et à « la haine » à l’égard des homosexuels étaient constitués. Elle a même lancé : « Dire à un homosexuel qu’il commet un péché et qu’il va mourir, c’est de l’amour, ça ? »
 
Eh bien, si l’on croit sincèrement que l’acte homosexuel est un péché qui prive de l’amitié de Dieu, oui… Ce que le rédacteur a exprimé ainsi à l’audience : « Pour la Bible, l’homosexualité est une mauvaise chose, un péché qui les prive de la communion avec Dieu. Selon le livre d’Ezéquiel, si j’avertis le “méchant” et qu’il ne change pas sa conduite, il mourra et moi, je sauverai ma vie. Mais si je ne l’avertis pas, je serais responsable. »
 
C’est un langage qui devient de plus en plus incompréhensible dans le monde où nous vivons…
 
Le pasteur de l’Eglise évangélique de Cognac, présent à l’audience, avait pour sa part tenu à se distancier des responsables du tract.
 

« Provocation à la discrimination » : l’homophobie, c’est plus vite qu’on ne pense

 
En définitive, le tribunal a écarté le délit de provocation à la haine et s’est contenté d’un dispositif plus modeste, qui n’en marque pas moins une restriction notable de la liberté d’expression dans le domaine du jugement moral du comportement homosexuel et du style de vie gay, directement visé par le tract.
 
Il n’a pas en fin de compte écouté l’argumentation d’ADHEOS qui annonçait vouloir faire condamner des « fous de Dieu » – dont les « dérives » les poussent à « passer à l’acte » : certains ont soutenu à l’audience « que certains groupements se croient autorisés et même encouragés à commettre les pires actions auxquelles ils se prétendent poussés de par la volonté d’une divinité », affirme le site de l’association.
 
Fous de Dieu ? Fous d’Allah ? Djihadistes ? Tout cela relève d’un même registre, d’un amalgame trop commode et inquiétant auquel les juges n’ont pas voulu souscrire. Cela n’a pas empêché ADHEOS de clamer victoire en écrivant : « ADHEOS fait condamner les “fous de Dieu” charentais. »
 
On aurait tort de penser que de telles procédures menacent seulement des chrétiens un peu exaltés.
 

Anne Dolhein