Les effets pervers de la loi sur l’éthanol aux Etats-Unis

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En 2007, au nom de l’indépendance énergétique, le président Georges W. Bush signait une loi obligeant les raffineurs américains à ajouter de l’éthanol à chaque litre d’essence produit. A défaut, ils doivent payer une taxe correspondant à l’achat de « crédits éthanol ». L’objectif affiché était louable, du point de vue de l’intérêt des Etats-Unis ; tout en réduisant la dépendance par rapport aux importations énergétiques, il s’agissait aussi d’aider les fermiers américains, et on promettait même que cela permettrait d’obtenir des carburants moins polluants. Comme beaucoup de lois interventionnistes, celle-ci a produit ses effets pervers, et elle a aussi assuré aux grandes compagnies pétrolières américaines des revenus faramineux.
 
C’est par le biais des crédits éthanol, appelés « RINs » (Renewable Identification Numbers ou numéros d’identification des renouvelables) que les très grosses compagnies comme Chevron, Royal Dutch Shell et British Petroleum peuvent s’assurer plus d’un milliard de profits. Il suffit de les vendre aux raffineurs qui n’ont pas d’autre choix que d’en acquérir pour se mettre en conformité avec les règles de l’agence fédérale de protection de l’environnement (EPA), quand ils ne se voient pas contraints de réduire leur activité et de licencier des employés, voire de déposer le bilan.
 

Les Etats-Unis font payer des crédits éthanol

 
L’augmentation du coût que représente l’obligation d’acheter des RINs se répercute évidemment sur le consommateur, comme le souligne un raffineur du Midwest : « Le consommateur paie davantage et l’argent finit dans la poche des détaillants des grosses compagnies pétrolières ou des spéculateurs. Avec le temps, si on n’y apporte pas des corrections, bien des gens vont perdre leur gagne-pain. »
 
Cela fait pourtant des années que le gouvernement fédéral américain soutient les « biocarburants ». Comme pour les crédits carbone, les réglementations sont censées promouvoir des énergies renouvelables tout en assurant de meilleurs revenus aux agriculteurs, c’est en tout cas ce qu’on affirmait en 2007. En 2010, de nombreux hectares étaient utilisés pour la production d’éthanol, et les RINs s’échangeaient pour quelques centimes.
 

Effets pervers de la loi : les gros prospèrent, les petits meurent

 
Mais d’autres facteurs étaient en pleine évolution. La taille des voitures américaines diminuait, leur efficacité énergétique progressait. Le gaz de schiste prenait de l’importance.
 
Aujourd’hui, tout a changé. Les RINs se négocient 0,80 cents de dollar l’unité, pour les petites raffineries qui sont obligées de réduire leur taille ou de mettre la clé sous la porte, tandis que le prix des légumes et autres productions agricoles augmente à cause de l’utilisation de terres agricoles pour produite de l’éthanol.
 
Certains parmi ceux qui naguère s’étaient fortement opposés à la nouvelle obligation ils sont aujourd’hui très favorables, ayant fait les investissements lourds nécessaires à sa mise en œuvre. The New American cite l’exemple de Jack Gerard, qui fait du lobbying de haut niveau pour l’American Petroleum Institute, encourage désormais l’EPA à surtout ne rien changer. Geoff Morrell, vice-président de BP, est du même avis : « Ce n’est pas parce que quelques autres compagnies ont pris des décisions stratégiques différentes et en subissent maintenant les conséquences qu’il faut tout d’un coup changer les règles. » Les uns et les autres parlent de l’importance d’avoir une énergie plus « verte », mais pour eux la motivation est celle du profit : ils n’ont pas envie de renoncer aux revenus que leur assurent les ventes de RINs.
 

Anne Dolhein