Etat islamique : les défections se multiplient

Etat islamique défections multiplient
 
Un récent rapport co-publié par l’Institute of Strategic Dialogue et par l’International Center for the Study of Radicalization and Political Violence de Londres rapporte le témoignage de 58 personnes qui ont choisi de quitter l’Etat islamique, alors que les défections se multiplient de manière notable, selon les chercheurs. Le rapport préconise une meilleure protection légale des transfuges afin d’encourager ce mouvement.
 
« Ce ne sont pas tous des saints, ou des partisans de la démocratie libérale, ni des citoyens modèles », reconnaît Peter Neumann, président de l’ICSR. « Mais ils parlent d’autorité, avec une expérience et une crédibilité que personne d’autre ne peut atteindre. »
 
Ces transfuges ne représentent que la pointe de l’iceberg, selon le rapport : pour la plupart, ils se sont « enfuis » tout simplement en partant « sur la pointe des pieds ». Les 58 récits – dont 7 émanent de femmes – évoquent qui la brutalité à l’égard des sunnites, qui la frustration créée par des disputes internes ou des comportements « non-islamiques ».
 

Des combattants de l’Etat islamique déchantent : ils voient des musulmans se battre contre des musulmans

 
« Des musulmans se battent contre des musulmans… Assad est oublié. Le Djihad marche sur la tête », dit un transfuge allemand.
 
D’autres invoquent des raisons moins « éthiques » : ils ont quitté les rangs de l’Etat islamiques par « ennui », faute d’avoir été appelés aux faits d’armes héroïques auxquels ils aspiraient sur le champ de bataille. C’est le cas d’un ressortissant indien qui s’est retrouvé préposé aux tâches les plus humbles : le nettoyage des toilettes par exemple.
 
Pour quelques-uns, c’est la vie quotidienne qui a eu raison de leur engagement : coupures d’électricité, les conditions de vie sous le califat n’étaient pas à la hauteur de leurs rêves de produits de luxe et de belles cylindrées.
 
A quoi s’ajoutent les rivalités. Il y a 21 Syriens parmi ceux qui sont partis : ils sont nombreux à dénoncer le « favoritisme » dont jouissent les étrangers « sans que cela ne soit justifié par l’islam ». D’autres informations font état de l’utilisation des étrangers comme « chair à canon ». Alors que des Saoudiens, des Tunisiens et des Indonésiens font partie du groupe interrogé par l’ICSR, il apparaît que les tensions vont croissant entre groupes nationaux sur le terrain. Le rythme des défections progresse en proportion.
 

Pour que les défections se multiplient, mieux protéger les transfuges

 
Leurs récits ont été pris avec précaution : les transfuges sont exposés aux représailles de l’Etat islamique en même temps qu’ils risquent des poursuites dans leurs pays d’origine, sans compter le risque de manipulation de la part de l’Etat islamique lui-même. Ainsi, sur les quelque 700 Britanniques qui ont rejoint la Syrie et le « Califat », on estime que la moitié sont aujourd’hui de retour au Royaume-Uni – mais en vue de quoi ?
 
Cela dit, les histoires se recoupent et rejoignant le témoignage recueilli en mars par The Independent ; « Hamza » racontait qu’il était parti au moment où il était sollicité pour participer à des exécutions et où on lui proposait 13 jeunes filles yazidies à violer.
 
Le seul moyen d’obtenir davantage de défections – et de témoignages qui peuvent dissuader les candidats à l’enrôlement dans l’Etat islamique – indique Peter Neumann, est bien d’offrir aux transfuges une meilleure protection : « Non pas une amnistie, nécessairement. Ce serait stupide, car certains ont commis des crimes. Mais [la défection] devrait être considérée comme une circonstance atténuante au moment de prononcer la peine. »
 

Anne Dolhein