L’État Islamique en Irak et en Syrie : les États-Unis pourraient-ils davantage compter sur la Russie dans leur lutte officielle contre cette faction armée devenue embarrassante ?

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Ramadi en Irak, Palmyre en Syrie… L’État Islamique amasse victoire sur victoire, l’emportant sur les forces gouvernementales, mais aussi, indirectement, sur la coalition dirigée par les États-Unis qui, officiellement, s’efforce de contrer ses avances, conjointement avec le pouvoir en Irak, façon cavalier seul en Syrie – la belle Palmyre est une défaite d’autant plus forte que son symbole culturel parle à tout l’Occident. Les États-Unis mènent un jeu compliqué dans un chaudron dont ils ne maîtrisent plus toutes les éclaboussures. La Russie, qui vient d’offrir son aide à l’Irak implorante, accentuera-t-elle son jeu autour de l’EI ?
 
« Je ne pense pas que nous perdons » a assuré, mardi, Barack Obama dans un entretien avec The  Atlantic, évoquant le cas irakien. « Il y a eu un revers tactique, c’est incontestable », mais « l’EI a été considérablement affaibli à travers le pays ».
  

Irak, Syrie… des prises stratégique pour l’État Islamique

 
Pourtant, dimanche 17 mai, en Irak, les djihadistes sunnites de l’État islamique ont pris le contrôle total de la ville de Ramadi, capitale de province, et infligé une grosse défaite aux forces irakiennes. Un demi-milliers de morts et les militaires dispersés. Une cible phare pour l’EI qui règne ainsi sur la quasi-totalité de la province, frontalière de la Syrie, de la Jordanie et de l’Arabie saoudite.
 
En Syrie, c’est Palmyre qui est tombée, mercredi, la magnifique cité antique doublement millénaire qui accueillait, il y a quelques années, 150 000 touristes par an. Aujourd’hui, c’est version djihad et ils ne respecteront pas les cordons de protection…  Les troupes du régime ont opposé une maigre résistance – 462 morts au total. L’EI contrôle désormais plus de 95.000 km2 en Syrie, soit 50% du territoire du pays, ainsi que la presque totalité de ses champs pétroliers et gaziers – le régime n’en détient plus qu’un seul dans la province de Homs, ville vers laquelle peuvent désormais résolument se tourner les djihadistes.
 

« L’impuissance de la coalition internationale » … vraiment ?

 
De François Hollande à la directrice générale de l’Unesco, en passant par Jack Lang, toute la communauté internationale s’est indignée, pleurant par avance sur la cité aux mains des barbares – ses colonnes à terre arracheraient plus d’émotion que les égorgés sur le même sol. Le président français a carrément appelé jeudi à agir « parce qu’il y a un péril pour des monuments qui sont inscrits au patrimoine de l’humanité ». Tout en appelant également à trouver « une solution politique en Syrie »…
 
Dans Le Figaro, on s’interroge sur « l’inaction de la coalition ». Préférerait-elle le sacrifice de la cité antique au parachèvement de sa politique anti Bachar al-Assad ? Il y a un choix délibéré de la part des États-Unis qui continuent de mener leurs bombardements, mais ailleurs. En déclarant une guerre « indirecte », en 2011, au régime de Bachar al-Assad, via le soutien aux rebelles, les États-Unis ont ouvert un boulevard à l’EI – ils n’étaient pas sans le savoir et s’en sont fort bien accommodés, ils s’en sont même servis, n’hésitant pas à lui apporter un soutien financier et logistique par l’intermédiaire des pays du Golfe, parce qu’ils servaient un pan de sa politique, celle de l’éviction de Bachar.
 
Alors, aujourd’hui, ils clament haut et fort le montant chiffré de leur investissement dans le combat contre les djihadistes en Irak et en Syrie, depuis l’été 2014 – 2,1 milliards de dollars selon le porte-parole du Pentagone Steve Warren. Mais l’éradication de l’EI est-elle leur véritable objectif ? Même Palmyre, à l’immense intérêt culturel, a été laissée pour compte ; c’est dire qu’un intérêt géopolitique prime, quel qu’il soit.
 

La Russie va aider l’Irak contre l’État Islamique

 
Le chef d’état-major français, le général Pierre de Villers, avait parlé de « l’état de décomposition » de l’Irak. C’est toute une partie du Moyen-Orient que les États-Unis ont plongée dans cet état, ménageant ses amis tout autant que les ennemis de ses amis… Cependant, il ne faudrait pas que le chaudron explose. Et les manipulations géopolitiques étasuniennes semblent, aujourd’hui, se trouver en difficulté – relative.
 
L’administration américaine parle d’accélérer la formation militaire de combattants issus des tribus sunnites, en Irak, en vue d’une contre-offensive sur Ramadi. Et même, de livrer un millier de systèmes de missiles antichars « pour lutter notamment contre les attentats suicides ».
 
Et sans doute voit-elle d’un bon œil la réponse que la Russie a faite jeudi au premier ministre irakien qui lui demandait son aide pour lutter contre l’organisation tentaculaire de l’EI :  à savoir qu’elle était prête à répondre à toutes les demandes de fourniture d’armements de Bagdad sans conditions préalables…
 

Moyen-Orient : une opposition États-Unis/Russie qui peut s’améliorer

 
Si Moscou est le soutien de Bachar depuis le début de la guerre, et l’est demeuré depuis l’entrée en lice de la coalition américaine, en août dernier, le Moyen-Orient n’en est pas pour autant le champ d’un bras de fer total avec les États-Unis. Des intérêts communs peuvent surgir. Et aujourd’hui, une implication renforcée de la Russie contre l’EI ne manquerait pas d’avantages pour les Américains, à qui il est de plus en plus difficile de combattre « réellement » celui qu’ils ont en partie financé.
 
De l’autre côté, il pourrait ainsi y avoir négociations sur l’Ukraine, sur la Crimée, sur les sanctions occidentales…sur ce nouvel ordre mondial dont la Russie fait pleinement partie. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères l’a confirmé jeudi là a sous-secrétaire d’État américaine, en visite à Moscou, « les relations entre Moscou et Washington peuvent s’améliorer ».
  
Clémentine Jallais