Aux Etats-Unis, un juge fédéral bloque l’expulsion de chrétiens irakiens

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L’affaire fait grand bruit outre-Atlantique. Un juge fédéral au Michigan a temporairement bloqué l’expulsion d’une centaine de chrétiens irakiens, arrêtés manu militari le 11 juin dernier. Les arguments de l’Immigration and Customs Enforcement (police de l’immigration ou ICE) évoquent des condamnations pénales ; mais la plupart sont bien anciennes et ressemblent davantage à des prétextes. Installés aux Etats-Unis, pour certains, depuis des décennies, le retour de ces Irakiens équivaudrait à un arrêt de mort.
 
Depuis le décret migratoire « deuxième version » de Trump, signé le 6 mars, les chrétiens ne sont effectivement plus une priorité, alors même qu’il s’était engagé à les protéger…
 

Expulsion d’un millier de chrétiens irakiens

 
Le juge fédéral Mark Goldsmith a suspendu, le 22 juin, les procédures d’expulsion pour deux semaines, le temps de décider de la compétence de son tribunal sur le fond – un tribunal d’immigration serait selon lui plus approprié. Il a déclaré que les dommages auxquels pourraient être confrontés les Irakiens « l’emportent sur tout intérêt éventuel que le gouvernement pourrait avoir dans l’exécution immédiate des ordonnances de renvoi ».
 
Le 12 juin, plus d’une centaine de personnes, principalement des chrétiens chaldéens et des convertis chrétiens (réunis à la messe!) mais aussi quelques musulmans chiites, ont été arrêtées lors d’un coup de filet de la police de l’immigration (ICE) mené dans la région de Detroit. Il s’agit en majorité d’hommes venus aux Etats-Unis en réfugiés, et résidant aux Etats-Unis depuis longtemps.
 
Deux jours après la suspension prononcée par le juge, des avocats engagés dans la protection légale des immigrés et liés à l’American Civil Liberties Union (ACLU) du Michigan déposaient un recours pour bloquer ces procédures d’expulsion qui concernent en tout 1.400 immigrés irakiens.
 

Le décret migratoire de Trump ne privilégie plus les réfugiés chrétiens

 
Des arrestations qui font suite aux nouvelles mesures de l’administration Trump visant à lutter contre les flux migratoires en provenance du Proche-Orient, considérés comme potentiellement porteurs d’infiltration terroriste.
 
Certes, si le premier décret migratoire de janvier, surnommé « muslim ban » interdisait l’accès au territoire américain aux ressortissants de sept pays musulmans, l’Irak a négocié pour être retiré de cette liste noire dans le décret migratoire « deuxième version » du mois de mars : en contrepartie, Bagdad accepte d’accueillir les immigrés expulsés.
 
Mais le fait est que cette nouvelle version édulcorée (qui vient d’ailleurs d’être en partie acceptée par la Cour suprême avant l’examen approfondi de l’automne prochain) supprime la faveur accordée aux réfugiés chrétiens à qui le texte initial donnait la priorité, pour ne pas prêter le flanc à l’accusation de discrimination anti-musulmans.
 
Les Etats-Unis se retrouvent donc à accepter de facto les ressortissants irakiens musulmans et renvoient tout de go des chrétiens réfugiés qui étaient chez eux. Le décret migratoire de Trump prend décidément une drôle de tournure…
 

Aux Etats-Unis depuis trente ans

 
Alors, devant l’indignation générée par l’affaire, l’ICE s’est justifiée en assurant que toutes les personnes concernées avaient fait l’objet de condamnations pénales – un motif d’expulsion du territoire américain – mais sans jamais en préciser l’objet. La fille de Moayad Barash, âgé de 47 ans, a confié que le seul reproche fait à son père était la possession de marijuana dans les années 1980… Dans la plupart des cas, il s’agit d’infractions mineures et sans récidive.
 
Ce sont des réfugiés qui ont fui la seconde guerre du Golfe en 2003 ou les persécutions de l’État islamique, en 2014. Certains sont même là depuis trente ans ! Ils n’ont plus rien dans ce pays où subsistent seulement quelque 300.000 chrétiens. Comme l’a rappelé récemment le nonce apostolique du pape en Irak, Mgr Alberto Ortega, l’EI alias Daesh ne laissait pas grand choix aux chrétiens : la conversion, la dhimmitude ou l’atteinte aux corps et aux biens…
 
Il s’agit donc bien, comme l’a dit l’ACLU, d’« une mesure vitale » dans la mesure où ces chrétiens risquent fort d’être confrontés, à leur retour, « à un grave danger de persécution, de torture ou de mort ». Le chef de file de la communauté chrétienne chaldéenne, Mark Arabo, a déclaré au Gospel Herald : « S’ils sont renvoyés en Irak, ils seront mutilés, ils seront forcés de se convertir à l’islam ou seront massacrés par Daech. Ils seront soumis aux crimes les plus odieux que vous pouvez imaginer ».
 
Le Patriarche de Babylone des Chaldéens, S.B. Louis Raphaël I Sako, s’en est justement inquiété dans une lettre envoyée à l’évêque de l’Eparchie chaldéenne de Saint Thomas Apôtre de Detroit. Et le 19 juin, un groupe de dirigeants évangéliques influents a envoyé une lettre ouverte à l’administration Trump au nom des chrétiens irakiens détenus « qui ne constituent pas une menace pour la sécurité publique des États-Unis ».
 

Clémentine Jallais