Fausses allergies : des enfants des classes moyennes victimes de malnutrition

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C’est dans les classes moyennes que se pose ce problème inédit : à force d’entendre parler d’allergies et de faire des « diagnostics » maison, de nombreux parents britanniques « dépistent » des allergies imaginaires chez leurs enfants. Et prennent des mesures qui peuvent se révéler dangereuses : une étude sur les fausses allergies réalisée par Sense about Science et par l’Association britannique d’immunologie au Royaume-Uni vient de constater que les enfants des classes moyennes peuvent se trouver victimes de malnutrition.
 
Moins attentifs que les Français à manger de manière équilibrée et variée, ces Britanniques n’hésitent pas à éliminer totalement certains groupes alimentaires de leur régime et de celui de leurs enfants. Il s’agit d’un phénomène lié à la classe sociale : ainsi les crèches et garderies de Dulwich, quartier aisé de Londres, font-elles état d’une bien plus forte prévalence des « allergies » et « intolérances alimentaires » parmi les enfants qui les fréquentent que celles de Macclesfield dans le Cheshire, grosse commune du centre du Royaume-Uni.
 

La malnutrition n’est plus une maladie de pauvres mais une conséquence des fausses allergies des classes moyennes

 
On pourrait rétorquer que la pollution de la capitale joue un rôle. Mais l’étude montre que dans les classes plus aisées, on a volontiers recours aux tests d’allergie en vente libre – mais qui ne sont pas validés sur le plan médical. Mais alors que 40% des Britanniques affirment avoir au moins une allergie alimentaire, seuls 5% en sont réellement affectés. Et alors qu’un tiers des parents estiment que leurs enfants ont une allergie alimentaire, pas plus de 5% des enfants se verraient diagnostiquer un tel problème au terme de tests sérieux.
 
« Je vois fréquemment des enfants qui ont été soumis à un régime inutilement restreint parce que leurs parents supposent, de bonne foi, qu’ils sont allergiques à de multiples aliments sur la base de “tests d’allergie” sans fondement scientifique », affirme le Dr Paul Seddon, spécialiste d’allergies pédiatriques à Brighton. « Il faut que cela cesse, et cela ne pourra se faire qu’en démontrant que ces tests ne valent rien », affirme-t-il. La malnutrition qui en résulte est cause, quant à elle, d’un véritable souci.
 
Un autre allergologue pédiatrique, Michael Perkin, affirme pour sa part que « la plupart » de ses consultations consistent à persuader les patients – ou plutôt leurs parents – que l’allergie dont ils se croient victimes n’existe pas.
 
Les enfants des classes moyennes victimes de fausses allergies : 40% sont déclarés allergiques, 5% le sont réellement
 
On estime, sur la base de projections obtenues à partir des déclarations recueillies parmi la population, que près de la moitié des adultes au Royaume-Uni, soit 21 millions de personnes, souffrent d’une allergie quelconque. Mais pour les experts, ce chiffre est très largement exagéré.
 
Il cache une propension à qualifier d’« allergies » des affections qui n’en sont pas. Ainsi, s’il est vrai que les diagnostics médicaux de rhinites allergiques et d’eczéma chez les enfants ont quasiment triplé en 30 ans, c’est notamment parce que les médecins ne connaissent pas les autres causes de ces affections.
 
On en est au point que ce problème – un gouffre pour la NHS, le système de santé britannique – devient une maladie à la mode : dans certaines écoles fréquentées par des enfants de familles aisées ce serait presque déroger que de ne pas afficher au moins une allergie.
 
« Des parents éliminent de grands groupes alimentaires du régime de leurs enfants ce qui provoque une malnutrition dans les plus hautes couches socio-économiques », constate à son tour Tracey Brown de Sense about Science. « Cette situation est réellement inquiétante. Il ne s’agit pas d’une préoccupation légère, excessive et à la marge. » A quoi s’ajoute le coût des traitements et des médicaments inutiles.
 
Ce que le commun des mortels perçoit également comme une forme d’hypochondrie a encore d’autres effets pervers. A force d’en entendre parler à longueur de temps, les restaurateurs britanniques finissent par prendre tout cela avec un grain de sel : « cyniques » à propos des allergies alimentaires, ils craignent moins de prendre des libertés avec le régime indiqué par leurs clients. Le nombre d’hospitalisations pour chocs anaphylactiques – potentiellement mortels – a été multiplié par plus de 6 au cours des 10 dernières années. Les vrais allergiques font les frais de la propension à crier au loup…
 
Anne Dolhein