Fillon, Le Pen, Macron, Mélenchon : qui attaque qui pourquoi, qui est le candidat antisystème ?

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L’écart entre Macron, Le Pen, Fillon et Mélenchon se réduit, disent les sondages. La campagne se durcit, chaque candidat attaque tous azimuts. En apparence. En réalité il s’agit d’un jeu de billard à bandes où chacun veut paraître le candidat antisystème.
 
Au commencement était François Hollande. Avec les médias et les sondages, c’était la chose la plus discréditée de la planète. L’incarnation d’un système que chacun affecte de mépriser et détester sans toujours le définir. Pour réussir dans cette campagne présidentielle et capter le vote des Français, il fallait donc se présenter en candidat antisystème. A ce jeu, par tradition familiale, Marine Le Pen avait l’avantage et cela se traduisit immédiatement dans les sondages. L’y rejoignit paradoxalement un Emmanuel Macron, pur produit du système, mais auquel son âge et les médias rendaient une sorte de virginité chirurgicale.
 

Candidat antisystème : l’avantage initial à Le Pen et Macron

 
Cependant les deux débats télévisés ont bouleversé ce tableau. Il est apparu clairement que Macron avait l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette de luxe et que Marine Le Pen, à force de se dédiaboliser, n’avait pas le poids d’un véritable meneur antisystème. Le rôle est donc passé à d’autres, qui piaffaient d’impatience en coulisse. En premier lieu, bien sûr, les petits candidats, Poutou, Asselineau, Cheminade, Lassalle, Dupont-Aignan. Mais ce ne sont que des utilités. Parmi les « grands » candidats, d’autres ont cherché à profiter du mouvement.
 
Fillon, par exemple. L’éternel premier de classe a profité que les médias le bousculaient avec l’affaire Penelope pour montrer ses genoux couronnés : on l’ignorait, mais c’est un bad boy qui refuse la repentance, dénonce le racisme antifrançais et en a marre de la dictature des juges rouges. Puisque Marine Le Pen lui offrait le boulevard ad hoc, il l’a dépassée sur sa droite.
 

La remontée de Fillon et Mélenchon

 
Dans un autre registre, Jean-Luc Mélenchon a fait oublier ses décennies blanchies sous son harnais d’apparatchik d’extrême gauche pour se déguiser en homme libre. Avec un talent certain de la formule, il s’est construit un personnage de tribun de la plèbe, de défenseur de la veuve et de l’orphelin, et, pour renouveler un peu le répertoire, de la veuve LGBT et de l’orphelin de GPA. Lui qui est depuis toujours le produit du système altermondialiste, il s’est présenté en adversaire antisystème irréductible du capitalisme. En se gardant bien d’attaquer trop durement Benoît Hamon, puisqu’il aspirait à lui piquer les électeurs socialistes. Fillon agit de manière analogue avec Marine Le Pen, pour recueillir la frange la plus modérée des électeurs nationaux. D’une manière générale, pour séduire les électeurs du concurrent, tous attaquent l’ennemi commun présumé.
 

Tout le monde se veut le meilleur candidat anti quelqu’un

 
A la question qui attaque qui pourquoi, la réponse n’est donc pas trop compliquée. Fillon a attaqué Macron et Mélenchon par priorité parce qu’il entendait se poser ainsi en premier adversaire de l’héritage de Hollande et cadenasser un électorat qui aurait pu être tenté de voter Marine Le Pen. Symétriquement Mélenchon s’en prenait à Marine Le Pen pour prouver à la gauche qu’il serait le meilleur rempart contre le fascisme, et grignoter ainsi Hamon.
 
Et quand Marine Le Pen reproche à Emmanuel Macron de souhaiter « une loi El Khomry puissance dix sans passer par les représentants du peuple » par ce que « c’est le candidat du système », elle se prémunit contre une fuite éventuelle d’une part de son électorat protestataire vers Mélenchon, en même temps qu’elle tente de reprendre à Fillon la bannière antisystème.
 

Macron attaque Mélenchon pour concurrencer Fillon

 
Macron, dont on dit l’électorat juppéisto-bayrouiste « fragile », craint, les sondages aidant, qu’il ne se carapate vers un Fillon requinqué (le centre aime voler au secours de la victoire) : aussi prend-il des accents giscardiens pour dénoncer en Mélenchon un homme prêt à « vendre des rêves avec votre argent » et « un communiste révolutionnaire ». On aurait cru entendre « socialo-communiste ». C’est un vibrant appel au portefeuille bourgeois, une déclaration d’amour à Lamassoure et Valls.
 
La cible de Fillon est double, il chasse sur les terres de Macron, mais aussi sur celles de Le Pen. Aussi a-t-il conjugué le réalisme au gaullisme pour séduire tout le monde en attaquant récemment la fille de JMLP : il dénonce à la fois son « quarteron d’amateurs » (clin d’œil au général) et son projet de « France albanaise cultivant son carré de salades ». Voilà qui touchera le cœur des Louis-Philippards européistes qui sommeillent en tout bon les républicains.
 
Mélenchon et Le Pen rêvent d’être celui qui affronte le mal
 
Mélenchon craint, lui, de pâtir de la trop bonne image que les médias donnent de lui, il s’évertue donc à maintenir l’image de candidat antisystème qu’il a eu tant de mal à établir. C’est pourquoi il attaque désormais en bloc tous ses concurrents : « si l’un de ces trois là est élu, vous allez cracher du sang ». La formule est agressive, elle rejette tous « les autres » dans le même sac, cela devrait suffire à maintenir en état de marche la pompe antisystème.
 
Quant à Marine Le Pen, en fin de campagne, elle se prend à rêver d’une finale présidentielle contre Mélenchon. Quelques songe-creux ultra-philipotistes de gauche ont peut être rêvé d’une belle alliance bolivarienne avec le Chavez de l’Essonne, mais même au néo FN on s’est rendu compte que la France insoumise, loin de combattre le mondialisme, en est une forme extrême.
 

Fillon, Macron, Le Pen, Mélenchon : on en la tête qui tourne

 
D’où le désir de l’avoir face à soi au deuxième tour pour l’estoquer grâce à ses positions immigrationnistes et à sa haine des institutions : ce sera alors le temps de prouver qu’il n’est nullement le candidat du peuple français mais celui des bobos mondialistes. D’où le devoir, dans l’immédiat, de l’attaquer un peu pour lui faire de la pub et le hisser à la deuxième place. Cela présente en prime l’avantage de rassurer l’aile droite du front qui lorgne vers Fillon. Elle aurait pu s’épargner ces détours, elle qui, par son programme, présente un socle antisystème assez sérieux, en dessinant plus nettement son image dès le départ.
 
L’observateur n’a qu’à regarder les balles qui passent, en attendant de mesurer l’effet de toutes ces stratégies dans moins de dix jours, car aucun de ces braves gens n’est sûr d’être au deuxième jour. On aurait du confier l’organisation de cette présidentielle à la Française des jeux.
 

Pauline Mille