DRAME SOCIAL Lost River ♥


 
Lost River, soit la rivière perdue, désigne une vallée noyée par un lac de retenue d’intérêt local dans la banlieue d’une grande ville des Etats-Unis, peut-être inspiré de Newburgh Lake à Detroit. Detroit fournit le décor d’une métropole abandonnée massivement par ses habitants, ruinée, envahie par la végétation sur des surfaces considérables. Ce paysage particulier et désormais célèbre est fort employé au cinéma, et en particulier dans les films fantastiques, comme très récemment dans « It follows ». Il est ici filmé avec un talent particulier, un sens esthétique indéniable, qui rappelle de façon dynamique les paysages urbains ruinés d’Hubert Robert.
 

Ryan Gosling surprend dans Lost River

 
Ryan Gosling, célèbre acteur et réalisateur novice, surprend par son ambition pour cette première réalisation, son travail des plans et des lumières, l’usage des allégories. Il manifeste un talent certain. Lost River s’avère difficilement classable, tenant quelque peu du film expérimental, du film d’horreur, mais avant tout à notre sens du drame social. Dans un contexte catastrophique, une mère de famille, seule avec ces deux enfants, un grand adolescent et un garçonnet qui marche et parle à peine, tente de survivre, d’éviter l’expulsion de sa maison pour cause de surendettement. Elle serait confisquée au profit de sa banque, qui la raserait comme l’ensemble du quartier, spéculant sur la future et lointaine reconstruction. Le grand fils arrache les câbles de cuivre des nombreux immeubles voisins ruinés, essayant de sauver ainsi sa mère. Il est alors menacé par les délinquants locaux qui tendent à monopoliser ces trafics. La mère, encore jeune et belle, est soumise au chantage du banquier, qui promet plus ou moins de la sauver contre une forme particulière et singulièrement tordue de prostitution dans un établissement ignoble qu’il finance. Les scènes dans ce club abominable restreignent grandement le public du film à des adultes avertis, et au cœur solide.
 
Tout ceci tient donc fondamentalement du drame social. Mais tant le sadisme des pratiques du club que le comportement du chef des bandits, traité de manière irréaliste en tortionnaire démonique, tendent vers le film d’horreur particulièrement atroce. Dans un rôle secondaire, l’actrice Saoirse Ronnan fait enfin preuve de maturité dans son jeu et de capacité à instiller l’émotion. Lost River possède le grand mérite d’attirer l’attention sur le malheur des Blancs pauvres aux Etats-Unis.