Fleur Pellerin : les aides à la presse écrite seront réservées à la presse d’information politique et générale – sous condition éthique, paritaire, déontologique, etc…

Fleur Pellerin aides presse information
 
A la seconde conférence des Éditeurs de Presse, le 2 juin dernier, la ministre de la Culture Fleur Pellerin a annoncé les grands axes de la réforme concernant les aides d’état à la presse écrite – un « héritage républicain » dont le montant s’élève à 820 millions annuels… Elle redistribue le montant des aides postales qui étaient allouées à la presse de loisirs et de divertissement, à la presse d’information politique et générale non quotidienne et aux jeunes pousses des nouveaux médias. Mais il y a des conditions… elles sont dans le sens du vent.
 

Effet Charlie : les aides d’État pour toute la presse d’information politique et générale

 
« À un moment où nous devons réaffirmer les valeurs fondatrices de notre République, face à la violence de ceux qui souhaiteraient les remettre en cause, les aides à la presse doivent être au cœur du projet républicain ». L’esprit Charlie flottait assurément dans la salle. En effet, le « pauvre » hebdo satirique ne percevait pas les aides au pluralisme… Maintenant qu’il est riche à millions, il faut réfléchir à les lui verser.
 
Fleur Pellerin a donc décidé d’étendre ces aides directes, réservées jusqu’alors aux seuls quotidiens, « aux hebdomadaires, aux mensuels, voire aux trimestriels » d’information politique générale. Car « la démocratie n’a pas de périodicité »… Il faut nourrir « tous ces titres d’opinion qui font la richesse de notre débat national » ; un élargissement qui coûtera à l’État quelque 5 millions d’euros.
 

« Inventer la presse de demain » (Fleur Pellerin)

 
Pour ce faire, tout en maintenant pour tous le taux de TVA réduit à 2,1%, elle retire à la presse de loisirs et de divertissement les 130 millions d’aide postale dont elle bénéficiait jusqu’à maintenant. Ces tarifs postaux privilégiés avaient été mis en place « au lendemain de la Révolution pour encourager la libre circulation des pensées entre les citoyens ». Mais la Cour des Comptes le rappelle depuis plusieurs années : l’argent public n’a pas vocation à aider cette presse-là.
 
De Télé 7 Jours à Closer, quelques dents vont grincer. Pour calmer le jeu, Fleur Pellerin crée une nouvelle catégorie nommée « presse du savoir et de la connaissance » qui conservera son aide postale et qui ira des publications scientifiques à la presse enfant à visée pédagogique en passant par certains féminins à tendance informative. La Commission paritaire des publications et des agences de presse (CPPAP) fera le tri : on imagine les négociations…
 
D’autre part, la ministre veut favoriser l’innovation. Elle a décidé d’ouvrir le fonds stratégique de développement de la presse à des acteurs plus nombreux et surtout d’opérer la mise en place d’un fonds d’aide à la création de médias. Applaudissant au passage l’adoption de l’amendement Charb adopté début février, qui permet l’actionnariat citoyen dans des titres de presse avec réduction d’impôt.
 

Les conditions de la République

 
Un grand changement ? Pas tant que ça. Comme l’a souligné le syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), les aides étaient déjà plus que largement ciblées sur la presse d’information politique et générale. Le transvasement est plus idéologique que significatif. Le privilège est donné à l’information parce que la presse écrite perd de plus en plus ses lecteurs, que ce soit les quotidiens ou les hebdomadaires – depuis 2011, la baisse des ventes des quotidiens nationaux par exemple a atteint 9,65%. Et l’information (ou la désinformation) se doit de toucher tout citoyen.
 
Mais laquelle ? Reste à savoir si L’Homme Nouveau, Rivarol ou Minute vont pouvoir bénéficier de cette nouvelle manne financière… Rien n’est moins sûr. Car, « ces aides, je ne veux pas qu’elles soient sans conditions » a déclaré Fleur Pellerin. Nous y voilà. Elle a parlé de « dynamiques éthiques et déontologiques volontaristes », de « bonnes pratiques sociales » (pensez écologie et parité). Rien d’agressif… Mais le chantage pointe son nez. Et les récalcitrants n’auront que leurs pages pour pleurer. Ainsi, le paysage de la presse d’information politique et générale pourrait-il se trouver davantage nettoyé : les difficultés communes à tous en ces temps difficiles pour la presse écrite se concentreront sur les médias qui ne rentrent pas dans les cases de la République.
Et Fleur Pellerin qui dit vouloir « développer le pluralisme »…
 
Clémentine Jallais