La France face à l’entrée des migrants clandestins

La France face à l’entrée des migrants clandestins
 
Près de 1.500 migrants en situation irrégulière, venus principalement d’Erythrée et du Soudan, ont été interpellés cette semaine dans les Alpes-Maritimes. Le préfet, Adolphe Colrat, a précisé que ceux qu’il appelle des migrants, et qui sont des clandestins, n’avaient pas, pour la plupart, été autorisés à pénétrer sur le territoire national et que, arrivant d’Italie, ils avaient été renvoyés de l’autre côté de cette frontière. Mais combien de temps la France pourra-t-elle faire face à cette entrée sur le territoire national de clandestins ?
 
Evoquant la situation, le préfet s’est retranché derrière la réglementation européenne. « Je fais appliquer la règle du jeu en vigueur au sein de l’Union européenne. Toute personne en situation irrégulière qui vient d’un pays voisin doit être réadmise dans ce pays, en l’occurrence ici l’Italie », a-t-il déclaré. Avant de préciser qu’il s’agissait aussi de « prévenir les troubles graves à l’ordre public ».
 

Face à l’entrée en France de migrants

 
Cela dit, alors que l’année dernière, à la même époque, les interpellations de clandestins avaient culminé autour de 1.100 personnes, Adolphe Colrat déclare aujourd’hui ne pas s’attendre à « une décélération dans les semaines qui viennent ».
 
La situation paraît d’autant plus simple qu’aucun de ces migrants n’a, semble-t-il, déposé de demande d’asile. Ce qu’ils souhaitent, dans leur majorité, – « We need to pass » (Nous avons besoin de passer), « We need freedom » (Nous avons besoin de liberté) – c’est d’avoir la possibilité de rejoindre le Royaume-Uni, en traversant la France vers Calais, selon le rêve que leur ont vendu les passeurs – dont une soixantaine ont été interpellés par les forces de l’ordre depuis le début de l’année.
 
Les chiffres prouvent l’accélération flagrante de ces passages durant les dernières semaines. En effet, si, au total, 9.891 clandestins ont été appréhendés dans les Alpes-Maritimes depuis le début de l’année, 1.097 l’ont été au cours de ces derniers jours. Sur le total, la préfecture admet que les deux tiers ont été renvoyés de l’autre côté de la frontière italienne. Ce qui signifie qu’un tiers de ces clandestins, pour des raisons qui ne semblent pas avoir été précisées, a été autorisé à poursuivre son voyage.
 
Il faut dire que la pression de Bruxelles s’est alourdie ces derniers temps, avec notamment la volonté affichée de la Commission européenne d’établir des quotas – même si le mot a été plus ou moins abandonné – de répartition des migrants arrivant dans l’Union européenne. Certes, les autorités européennes entendent officiellement, au départ de leur raisonnement du moins, ne parler que de migrants légaux. Mais à la frontière, cela se passe rarement comme sur le papier, et les Etats-membres, en définitive, se retrouvent face à la force d’un discours où l’idéologie humanitaire prime la plupart du temps la réalité – et même les simples possibilités pratiques.
 

Des clandestins dont on ne sait plus quoi faire…

 
Ce qui fait que le plan de la Commission européenne présenté mi-mai, et qui vise à régler, et peut-être améliorer, la question de l’immigration et de l’asile, a été accueilli avec réserve par un grand nombre de pays, y compris par la France.
 
De fait, un nombre grandissant de responsables français, et l’actualité vient donc encore de le confirmer, affirment que l’Italie, sans doute le principal pays d’entrée pour les migrants, agit peu pour les retenir sur son territoire.
 
Il n’y a là, à moins d’ignorer ce qu’est la réalité migratoire chez nos voisins du sud, rien de bien étonnant. Mais le débat politique, qui prétend encore distinguer entre migrants et clandestins, est faussé par ce qui peut se passer sur le terrain. Un clandestin ressemble comme un frère à un migrant légal, et, par dessus tout, l’humanité, lorsque quittant son bureau on se trouve face à ces pauvres hères, ne saurait régler ces tristes débats à coup de règlementations et de décisions juridiques. La preuve en est que, ces jours-ci, ce sont donc un tiers de ces pauvres hères qui sont admis à passer – dans quelles conditions ? – la frontière, les autres étant refoulés vers un pays (en l’occurrence l’Italie) qui n’en veut pas – mais qui n’a pas vraiment le choix, sauf à les renvoyer sur la mer recourir les dangers qu’ils ont déjà courus pour parvenir jusqu’ici.
 
Une fois de plus, en se défaussant sur l’humanitaire, le politique, s’il en avait la volonté, ne serait pas près de régler le problème…
 

François le Luc