François Hollande face aux harkis

François Hollande Harkis
 
Le président de la République a tenu à reconnaître, dimanche, la responsabilité de la France dans l’abandon des Harkis, qui avaient pourtant combattu aux côté de l’armée française durant la guerre d’Algérie. A l’occasion de la cérémonie officielle du 25 septembre, date devenue journée nationale par décision de Jacques Chirac en 2003, François Hollande a ainsi tenu à faire un pas supplémentaire dans l’histoire des Harkis, et a ajouté ainsi sa pierre à l’édifice de l’Histoire de France.
 
« Je reconnais les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des Harkis, les massacres de ceux restés en Algérie, et les conditions d’accueil inhumaines de ceux transférés en France. »
 
Les mots sont posés. Il marque, sans doute, dans l’esprit de ceux à qui ils ont été directement adressés, un soulagement, même si cette reconnaissance ne saurait effacer toutes les souffrances endurées. Souffrances physiques, ô combien ! Souffrances morales…
 

Le discours de François Hollande

 
On ne sait, à l’heure d’écrire, qui a rédigé ce discours présidentiel, mais les mots sonnent juste.
 
« Aujourd’hui, dans cette Cour des Invalides, dans ce lieu chargé d’histoire, de mémoire, je suis venu devant vous faire œuvre de vérité.
 
« La vérité, elle est implacable.
 
« La vérité, elle est cruelle. »
 
« Vous étiez de ceux-là, a encore affirmé François Hollande en s’adressant aux représentants de cette communauté harki. Vous vous étiez mis sous le drapeau tricolore. Ce choix a lié à jamais votre destin à celui de la France.
 
« Lorsque le cessez-le-feu a été signé le 19 mars 1962, à la suite des accords d’Evian, ces Harkis, c’est-à-dire vous, avaient confiance en la France, parce que vous vous étiez battus pour elle, et vous n’imaginiez pas qu’elle puisse vous abandonner.
 
« C’est pourtant ce qui s’est produit. Le gouvernement de l’époque a refusé d’organiser le rapatriement des Harkis vers la métropole. La France a alors manqué à sa promesse. Elle a tourné le dos à des familles qui étaient pourtant françaises. Beaucoup, désarmées, furent livrées à elles-mêmes et sacrifiées. »
 
Et le président s’offre même le luxe de quelques envolées lyriques : « La France n’est jamais vraiment à la hauteur de son histoire lorsqu’elle se détourne de la vérité. En revanche, elle est digne et fière lorsqu’elle est capable de la regarder en face. Et c’est en ayant cette lucidité sur ses pages les plus sombres, que nous pouvons éprouver une légitime fierté pour ses pages les plus glorieuses. C’est notre grandeur que de savoir reconnaître les souffrances, sans taire les fautes. »
 

Mots justes, idées fausses

 
On pourrait lire ce texte dans son entier, et chacun de nos lecteurs pourra à son gré s’y reporter, sans qu’il soit nécessaire de s’y attarder davantage ici.
 
Il convient cependant de noter ce qu’il y a de faux dans ce discours, ce qu’il y a même d’injuste dans cette reconnaissance. Ainsi François Hollande se hasarde-t-il à affirmer que, « pendant la Guerre d’Algérie, pour contrôler un territoire de plus de 2 millions de kilomètres carrés qu’elle ne pouvait pas soumettre, l’Armée française a recruté des supplétifs parmi la population. »
 
Cette expression, formulée l’air de rien, relativise pourtant grandement la reconnaissance exprimée par le président de la République. Elle prétend affirmer, en effet, que l’armée française ne put venir à bout des rebelles du FLN, et que, dans cette guerre qui mit tant d’années à dire son nom, dans cette guerre atroce, la France fut, en définitive, contrainte à l’abandon. De l’Algérie, bien sûr. Mais aussi de ceux qui, sur cette terre, se reconnaissaient comme ses fils, et, à ce titre, la servir fidèlement.
 
C’est – pour le moins – une contre-vérité. Notre armée, l’armée française, fut victorieuse sur ce terrain de guérilla. Elle remporta les succès que l’Histoire, même cachée comme si elle était honteuse, continue de rapporter à ceux qui veulent bien ouvrir les yeux.
 

Les Harkis face aux bourreaux

 
Mais l’admettre, c’est admettre aussi une vérité bien plus grave : celle de l’abandon politique décidé par Charles De Gaulle (et notamment mis en œuvre par le gaulliste Louis Joxe, père d’un certain Pierre Joxe), décision qui a balayé comme inopportune notre victoire militaire. Ceux que nous avons abandonnés aux supplices des bourreaux, aux couteaux des égorgeurs, n’ont pas été abandonnés parce que nous ne pouvions plus faire autrement, mais parce que nous l’avons voulu !
 
Le reconnaître serait délicat. Ce serait reconnaître que la Ve République est fondée, notamment, sur une forfaiture. Sur un crime dont le sang crie, aujourd’hui encore, vers cette patrie aveugle qui s’est détournée de ses fils…
 
Et il faudrait alors aussi préciser, pour être complet, que les massacres furent perpétrés par les seuls Algériens. Difficile si l’on veut bien se rappeler notamment que, il y a près de quatre ans, le même François Hollande tenait un discours de reconnaissance quasiment contradictoire à Alger !
 
Il est donc plus facile de rester dans le vague d’un abandon flou. Et inéluctable. Surtout lorsque l’on prétend, en fin de ce discours de reconnaissance, parler de l’Algérie d’aujourd’hui comme d’un « pays ami », alors qu’il est toujours gouverné par ceux qui, hier, assassinèrent, après des tortures dont le récit et les photos soulèvent le cœur, ces fils de France…
 

A la veille de voter…

 
Faut-il ajouter que cette reconnaissance, malgré ce qu’elle a de contraire à l’Histoire, était – déjà ! – une promesse du candidat Hollande, et qu’elle intervient aujourd’hui alors que se profile de plus en plus nettement sa candidature à sa propre succession. Et qui plus est devant un certain nombre d’autres candidats, de Nicolas Sarkozy à Marine Le Pen…
 
L’abandon fut une manœuvre politicienne ; il semble que sa reconnaissance le soit aussi.
 

Hubert Cordat