Frontières : le super-Frontex européen priverait les Etats-membres d’un peu plus de souveraineté

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Après des semaines de discussions, et dans le cadre de la crise migratoire et des divers attentats terroristes qui ont émaillé les pays européens, la Commission européenne a proposé mardi de doter l’Union européenne d’une nouvelle agence de contrôle des frontières de l’espace Schengen. Un super-Frontex européen en quelque sorte, qui disposerait d’une force de réaction rapide de 1.500 hommes, mais priverait du même coup les Etats-membres d’un des derniers lambeaux de leur souveraineté.
 
En pratique, le budget alloué à la surveillance de ses frontières devrait tripler en l’espace de cinq ans, afin de permettre la concrétisation des propositions détaillées mardi par Bruxelles. Si, bien sûr, la création de cette nouvelle agence est entérinée par les Etats-membres. Un accord qui ne devrait être qu’une simple formalité, dans la mesure où, depuis des semaines, Paris et surtout Berlin font pression en ce sens…
 

Un super-Frontex européen pour défendre nos frontières ?

 
Ce point acquis, la nouvelle agence disposera de prérogatives élargies, parmi lesquelles l’entretien d’une force de réaction rapidement mobilisable, composée de 1.500 hommes. Son budget annuel, qui a atteint 143 millions d’euros pour 2015, augmentera jusqu’à atteindre 322 millions d’euros à l’horizon 2020.
 
Le nouvel organisme aurait également pour mission d’accélérer les expulsions des migrants qui ne remplissent pas les conditions nécessaires à l’obtention de l’asile.
 
On comprend que la Commission ait proposé ce projet à la veille du sommet des dirigeants européens qui se tiendra jeudi et vendredi à Bruxelles. Elle espère que sa volonté affichée de protéger les frontières européennes de la vague migratoire fournira à Donald Tusk, le président du Conseil européen, l’argument décisif contre le Brexit qui permettrait, comme ce dernier l’a annoncé, de parvenir à un accord avec le Premier ministre britannique David Cameron.
 

Bruxelles va priver les Etats-membres d’un peu plus de souveraineté

 
Mais il n’est pas sûr que cela marche : la ficelle est trop grosse. En effet, face à l’hypothèse de régler une crise en augmentant des moyens qui se sont révélés jusqu’ici inefficaces, il y a la réduction des pouvoirs souverains des Etats-membres qui sont justement ce que de plus en plus de Britanniques veulent éviter.
 
En présentant ce projet de super-Frontex, le commissaire européen aux Migrations et Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, a déclaré devant le Parlement européen : « Nous ne nous substituons pas à la responsabilité des Etats et surtout pas à leur souveraineté » ; avant d’ajouter : « Ce que nous créons aujourd’hui, c’est plus d’Europe. »
 
Croient-ils vraiment, tous ces technocrates, qu’ils peuvent associer deux affirmations aussi contradictoires sans que les Européens ne s’en rendent compte ? Nous prennent-ils vraiment pour des naïfs et des imbéciles ?
 
D’ailleurs, Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, l’a quasiment avoué en déclarant à son tour : « Dès lors que l’Europe constitue un espace de libre circulation sans frontière intérieure, la gestion de ses frontières extérieures doit être une responsabilité partagée. La crise a clairement mis en évidence les faiblesses et les lacunes des mécanismes actuels destinés à garantir le respect des normes de l’Union européenne (…) »
 
Des lacunes qui ne seront qu’augmentées par le nouveau système s’il vient à être adopté. Il y a fort à parier, en effet, que nos dirigeants vont accepter pour la plupart sans moufter d’augmenter la faiblesse de chacun de leur pays sous le fallacieux prétexte que l’union (européenne ?) fait la force.
 
L’union des forces, oui. Celle des faiblesses, non, nous le voyons chaque jour davantage…
 

François le Luc