G20 : La Chine cherche à imposer un nouveau modèle de mondialisation

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Il est décidément intéressant de lire la presse chinoise officielle, aux ordres du gouvernement communiste dont elle représente fidèlement le point de vue. Un récent éditorial publié par le Global Times sous la plume de Martin Jacques, chargé de recherche au département de la politique des études internationales à l’université de Cambridge, par ailleurs associé à une université chinoise, indique ainsi la volonté de la Chine de promouvoir lors du G20 un nouveau modèle pour la mondialisation. Logique, à l’heure où l’on voit de plus en plus dans la grande presse des mises en cause de la mondialisation sous sa forme actuelle, dont il faut bien reconnaître qu’elle appauvrit la population dans de nombreuses zones du globe.
 
La prochaine tenue du G20 à Hangzhou aura lieu à un « moment opportun dans le cadre de l’évolution de la relation de la Chine elle-même avec l’économie globale et sa gouvernance », écrit Martin Jacques. Acceptée comme membre de l’OMC en 2001, avec sa croissance d’environ 10 % par an depuis lors, la Chine est devenue la nation du monde la plus importante sur le plan des échanges commerciaux et ses investissements étrangers ont progressé rapidement, explique-t-il, notant que depuis lors, le pays s’est contenté d’un rôle passif pendant qu’il apprenait à gérer son nouveau statut. Jusqu’à être « fréquemment critiqué par les États-Unis dans son rôle de passager gratuit : elle profitait des avantages de la globalisation sans participer aux efforts ».
 

La mondialisation officiellement contestée, même au G20

 
« Au cours de ces deux dernières années, la Chine est passée d’un rôle passif à un rôle proactif », affirme Martin Jacques. A son tour elle « fabrique et façonne la mondialisation », notamment à travers le lancement de la Banque asiatique de financement des infrastructures, l’AIIB, et de la nouvelle Route de la soie.
 
Le G20 « chinois » intervient alors que les échanges mondiaux rétrécissent et que, « plus gravement, on voit de plus en plus de signes en Occident d’une révolte populaire contre la mondialisation » comme en témoignent la montée de Donald Trump et le vote du Brexit.
 
Témoin d’un profond sentiment populaire, cette nouvelle orientation est selon l’auteur liée non pas à un « problème de la mondialisation en soi mais au type de mondialisation qui a été mise en place : d’importants secteurs de la population aux Etats-Unis et en Europe n’en ont pas tiré profit, au contraire d’une riche minorité, ce qui a exacerbé l’inégalité et créer du ressentiment ».
 

Pourtant les effets de la mondialisation étaient prévus – et donc recherchés ?

 
D’où l’intérêt du thème choisi par la Chine pour son sommet du G20 : « Ouvrir un nouveau chemin pour la croissance ». Alors que l’Occident ne s’est jamais remis de la crise financière de 2008 rien n’indique qui le fera, étant donné que les politiques monétaire d’assouplissement quantitatif « ont échoué à faire repartir la croissance ». Au fond, note l’économiste, l’ère de la mondialisation a commencé en 1980 et elle a marqué le début d’une nouvelle période de très faible croissance occidentale.
 
Il va de soi qu’il ne note pas que la mondialisation, avec son ouverture aux pays « émergents » qui ont obtenu la possibilité d’entrer en concurrence déloyale avec les pays développés en captant l’industrie par une production à très bas coût, ne pouvait produire autre chose. A tel point qu’on peut voir dans la situation actuelle la réalisation d’un objectif…
 
Lorsque Martin Jacques souligne que la Chine, elle, continue d’afficher une croissance rapide, toujours attachée à l’importance de la mondialisation et de l’interdépendance, c’est pour proclamer qu’elle se trouve dans une « position de choix pour offrir un modèle différent pour l’avenir, fondé sur la croissance, la coopération et un nouveau type de mondialisation ».
 

La Chine profite de la colère pour proposer son « modèle » économique

 
Cela pourra se faire dans la mesure où le G20 s’est substitué au G7 et par le changement du système de vote au FMI et à la Banque mondiale, note l’universitaire  : changements qui ont été délibérément mis en œuvre en faveur de la Chine, ajouterons-nous.
 
Il tire argument du déplacement du « centre de gravité de l’économie globale » depuis les années 1970 : entre cette date et 2030 le monde développé aura perdu une belle part de son poids dans le PIB global, passant de deux tiers à – selon les projections actuelles – un tiers. Depuis 1970, souligne-t-il, la structure formelle de la gouvernance économique globale a relativement peu changé.
 
Mais ce sont ces changements, la création de l’AIIB et de la nouvelle Banque de développement, la montée du yuan et la nouvelle Route de la soie, qui préfigurent déjà de nouveaux modèles de gouvernance bilatérale et multilatérale : « Ces changements sont l’embryon d’une nouvelle structure de gouvernance économique globale », assure Martin Jacques – et c’est bien sûr la Chine qui est en leur centre.
 
« Évidemment, la gouvernance renvoie au pouvoir. Le problème de la structure actuelle est qu’elle ne reflète plus la distribution du pouvoir économique dans le monde. Une conséquence importante de cela est bien que le FMI et la Banque mondiale n’ont plus le niveau de ressources – vu qu’ils dépendent sur les pays occidentaux et le Japon – qui permettent de financer une économie globale beaucoup plus vaste et qui se concentrent de manière croissante dans le monde en développement. Il revenait évidemment à la Banque mondiale de financer le développement des infrastructures en Asie. Mais s’agissant d’une institution occidentale, elle n’en a pas les ressources, ni la volonté politique d’en faire une priorité », écrit le Global Times.
 

Un nouveau modèle de mondialisation : l’objectif de la Chine au G20

 
On a bien compris qu’il ne s’agit pas seulement d’investir, mais de dominer, puisque « la gouvernance renvoie au pouvoir ». Sans s’attendre à des « progrès décisifs » lors du prochain G20, Martin Jacques estime que, la Chine représentant « de loin le développement le plus positif au sein de l’économie globale et étant au cœur de l’avenir de l’économie globale et de sa gouvernance, le sommet de Hangzhou marque un moment historique ». « Si la Chine pouvait offrir de nouvelles propositions imaginatives lors de ce sommet, celui-ci pourrait se transformer en occasion décidément très mémorable », conclut-il.
 
On comprend que c’est cela qu’il appelle de ses vœux, à la grande satisfaction du pouvoir chinois. Vu les avantages dont celui-ci a bénéficié depuis le début des années 1980 et le lancement de la mondialisation frénétique, on peut supposer que ce ne sont pas des paroles en l’air.
 
On s’apprête à nous montrer, ou plutôt à prétendre nous démontrer, que le modèle communiste, fidèle à Mao mais en version économie de marché, est indépassable.
 
Il s’agit juste de renoncer à la liberté et d’accepter la domination chinoise, et tout ira bien !
 

Anne Dolhein