“Le génocide arménien – 1915-2015”, par Bernard Antony

génocide arménien Bernard Antony
Bernard Antony, personnalité catholique conservatrice majeure, directeur du Centre Charlier, de Chrétienté-Solidarité, et de nombreuses autres associations, défend depuis des décennies l’identité chrétienne et française de la France. Il a écrit cette année un livre simple et clair sur le génocide arménien. En effet ce drame, qui débute en mars-avril 1915, a tout juste 100 ans. Si contrairement aux anniversaires précédents, il n’est plus occulté de facto en France, hors de la seule communauté arménienne, et fait l’objet en particulier d’une exposition à voir à l’Hôtel de Ville de Paris [lien à mettre avec l’article sur l’exposition svp], il reste trop peu connu. Il n’est guère au programme de la « déséducation inter-nationale », mentionné marginalement, et n’est en pratique pas étudié, ce qui n’étonnera que les naïfs.
 

L’excellente démarche pédagogique de Bernard Anthony

 
Aussi le livre de Bernard Antony répond-il à un réel besoin, balayer une ignorance trop courante, même chez les meilleures volontés. La concision de l’ouvrage, 129 pages, qui va à l’essentiel, sans simplification abusive, ne laisse aucune excuse à une possible fainéantise : l’ouvrage se lit en 3-4 heures et ne présente aucune difficulté. Il peut parfaitement être lu par tranches dans les transports en commun, d’autant plus facilement qu’il est d’un format pratique. Un glossaire en fin d’ouvrage définit sur quatre pages, de manière simple et juste, les quelques termes administratifs ou culturels de l’Empire ottoman indispensables à la compréhension du génocide arménien, de l’agha au vali.
 
L’auteur a su choisir un plan simple, très pédagogique, avec deux grandes parties : I Les faits ; II Les éclairages. Elles sont précédées d’un solide préambule, qui rappelle la définition fondamentale, le mot « génocide », massacre délibéré d’un peuple entier, ou d’une partie très significative d’icelui, et la terrible histoire des chrétiens d’Orient, dont les Arméniens qui, soumis à un pouvoir islamique depuis au plus tard le XIVème siècle, ont subi des persécutions régulières, ponctuées de massacres. Ces rappels sont salutaires, à l’heure d’une propagande philomusulmane délirante, louant une mythique « tolérance » musulmane.
 

Le génocide arménien, des faits indiscutables

 
La première partie traitant des faits se consacre donc au génocide arménien lui-même. Les récits de massacres, agrémentés de photographie d’époque, pénibles à lire et à voir, mais d’autant plus nécessaires, bien introduits dans son récit général par l’auteur, rétablissent des faits historiques indiscutables. Ils sont toujours plus ou moins niés dans le monde turc, voire musulman, et se heurtent à une scandaleuse indifférence à l’époque comme aujourd’hui dans l’Occident maçonnique. Bernard Antony rappelle à juste titre qu’il ne s’agit nullement de massacres spontanés, sans direction d’ensemble, attribuables à la sauvagerie, d’ailleurs bien réelles, des tribus nomades kurdes ou arabes, ou au contexte culturel islamique : il y a eu une volonté réelle de l’Etat des Jeunes Turcs, mouvement politique nationaliste d’origine maçonnique, d’exterminer tous les Arméniens, quitte à sous-traiter les massacres à des auxiliaires locaux zélés.
 
L’auteur parle à juste titre « d’Etat maçonnique Jeune-Turc », réalité trop occultée encore de nos jours. Sans perdre de vue son sujet majeur, le génocide des Arméniens, Bernard Antony n’oublie pas d’évoquer les expulsions massives, les massacres, voire génocides connexes, des autres chrétiens de Turquie, les Grecs des régions côtières du nord et de l’ouest, ou les Assyriens au sud-est.
 

Les motivations des acteurs, hier comme aujourd’hui

 
La seconde partie du livre propose des éclairages des plus pertinents, pour essayer d’expliquer, de comprendre ce génocide. Et ce bien évidemment sans chercher la moindre excuse à des génocidaires délibérés. Faire de la Turquie une terre peuplée uniquement de Turcs, de turcophones obligatoirement musulmans, le cœur du projet des Jeunes Turcs, conduit en une monstrueuse logique à la disparition des minorités chrétiennes. Ces chrétiens, Arméniens, Grecs, Assyriens, sont pourtant présents sur place depuis des millénaires, avant les Turcs, envahisseurs venus d’Asie centrale. Il y a comme un principe maçonnique de la table rase déjà présent dans la Révolution française, d’inspiration clairement maçonnique, et cause du génocide vendéen de 1793-1794, et de tant d’autres massacres d’adversaires réels ou imaginaires. Les principes maçonniques ont pu se combiner pour le pire avec un cadre musulman traditionnel, plutôt respecté, et mobilisé pour inciter efficacement Kurdes, Circassiens, Arabes, populations musulmanes non-turques, à massacrer les chrétiens, et ce avec une réussite totale.
 
Les populations musulmanes non-turques sont du reste considérées par les Jeunes Turcs comme assimilables sur le long terme, au contraire des chrétiens. D’où la survie jusqu’à nos jours d’une importante population kurde en Anatolie du sud-est, sommée par Ankara depuis 1920 de s’assimiler, sans succès jusqu’ici. Rappelons que ces Kurdes, pour lesquelles les bonnes consciences occidentales de gauche sont promptes depuis les années 1980 à s’émouvoir, sont largement les descendants de génocidaires d’Arméniens et d’Assyriens, dont ils occupent les terres.
 
Si l’essentiel du génocide arménien est accompli en 1915-1916, il est poursuivi sur les années postérieures, et parachevé en 1920-1923 par Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Nation turque moderne, et héritier direct des Jeunes Turcs. Cette vérité frôle l’indicible pour des raisons diplomatiques avec la Turquie, mais elle doit cependant être dite, ce que fait avec détermination et courage Bernard Antony.
 

Un livre à lire et à offrir

 
Ainsi, Bernard Antony met véritablement la connaissance du génocide arménien à la portée de tous. Son livre est donc à lire, et à offrir, aux jeunes en particulier, qui ne doivent pas ignorer les drames historiques et la menace permanente pesant sur les chrétiens en terre musulmane – et ailleurs. L’Etat islamique du Calife Abou Bakr II se situe dans une suite logique sur le temps long de la persécution des chrétiens, et dans les zones qu’il contrôle parachève leur disparition bien entamée lors du génocide des Arméniens et Assyriens il y a tout juste un siècle.
 

Octave Thibault

 
Bernard Antony, “Le génocide arménien – 1915-2015”, Godefroy de Bouillon, 2015, 17 €.