Guo Wengui, le milliardaire qui demande l’asile aux Etats-Unis,
accusé et délateur, bon révélateur de la corruption en Chine

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Un milliardaire chinois en exil, Guo Wengui, qui accuse les dirigeants de son pays de corruption, a demandé l’asile politique aux Etats-Unis où son visa de touriste arrive à expiration cette annnée, a annoncé son avocat jeudi.

 
Milliardaire chinois ayant fait fortune dans l’immobilier, Guo Wengui a eu le malheur d’accuser de corruption massive les dirigeants du régime, y compris le directeur de l’office anti-corruption du parti communiste, Wang Qishan. Le gouvernement chinois lui retourne l’accusation, y ajoutant celle de viol, et a émis un mandat Interpol. Mais Guo Wengui est aujourd’hui aux Etats-Unis, muni d’un visa de touriste, et s’apprête à y demander l’asile politique. Accusé ou délateur ? Les deux peut-être. Mais surtout le cas Guo est le révélateur des mœurs corrompues du régime communiste chinois.
 
Guo Wengui, 50 ans, mène ses affaires depuis un luxueux penthouse à 78 millions de dollars à New York, et cela depuis deux ans. Il inondait Twitter et Youtube d’accusations contre les dignitaires communistes chinois, souvent sous le pseudonyme de Miles Kwok, avant que ses comptes ne fussent mystérieusement vidés de leurs contenus voici quelques mois. Après protestation, Guo a réussi à les faire restaurer, ses abonnés ayant lancé une campagne pour dénoncer la soumission des géants des réseaux sociaux d’internet aux censeurs chinois.
 

Guo Wengui accuse les dirigeants chinois de cacher leurs résidences en Californie et leurs comptes en banque

 
Ses vidéos et tweets comportent des allégations concernant aussi bien des résidences secrètes de dirigeants chinois en Californie que des comptes en banque et des participations occultes dans de grandes sociétés. Guo Wengui accuse aussi le régime communiste de détenir sa famille en otage. En juillet, Il n’a pu vendre son appartement, la transaction ayant été bloquée par un hedge fund de Hong Kong sous prétexte qu’il pourrait faire sortir des Etats-Unis le produit de la vente pour éviter d’honorer ses dettes. Selon le New York Times, « certaines preuves que Guo avance pour étayer ses accusations sont facilement récusables ou difficiles à croire ». Mais, ajoute le quotidien, « certaines de ses accusations, comme celles émises contre la famille du prédécesseur immédiat de Wang Qishan, peuvent être corroborées ».
 

Accusé de corruption par le milliardaire, Wang Qishan a été confirmé à son poste

 
La campagne lancée par M. Guo ne semble pas avoir affaibli la position du chef de la lutte anti-corruption du parti communiste chinois. Pékin a réaffirmé que Wang Qishan bénéficie du « ferme soutien de ses camarades », plusieurs d’entre eux ayant joué des coudes pour apparaître avec lui lors de la commémoration du 100e anniversaire de la naissance de son beau-père. Wang semble même assuré de demeurer en place après l’âge normal de la retraite.
 
Mais la violente contre-attaque du régime et de ses médias aux ordres signe un évident malaise. Guo Wengui est désormais poursuivi pour le viol de sa secrétaire, âgée de 28 ans, et pour 19 autres accusations criminelles, et notamment pour « corruption d’un haut fonctionnaire du renseignement chinois, kidnapping, fraude et blanchiment d’argent ». La secrétaire prétend avoir été abusée régulièrement au cours des voyages qu’elle a effectués avec lui pendant deux ans, affirmant qu’il l’avait séquestrée dans ses appartements de luxe, lui confisquant téléphone, ordinateur et passeport.
 

Guo Wengui évoque une vidéo pornographique du maire de Pékin utilisée dans le cadre de la corruption endémique

 
Les histoires de Guo « comportent des exemples très précis de la corruption contre laquelle il dit combattre », estime John Hayward, sur le site Breitbart.com, qui écrit qu’il « n’a pu que vivre ce qu’il dit connaître ». Exemple édifiant : Guo se serait rapproché d’un fonctionnaire bien noté du renseignement chinois, nommé Ma Jian, qui lui aurait fourni une vidéo pornographique du maire de Pékin lequel bloquait un projet majeur du magnat de l’immobilier. Ma Jian serait ultérieurement devenu chef du contre-espionnage, bien qu’accusé par Guo d’avoir empoché un pot-de-vin de 8,8 millions de dollars.
 
Le régime chinois est particulièrement préoccupé par le cas Guo et a demandé à de hauts fonctionnaires américains de lui retirer son visa, les Etats-Unis n’ayant pas signé d’accord d’extradition avec la Chine. Guo Wengui possède une impressionnante collection de passeports mais le seul pays dont il ne détient pas de papiers d’identité valables est précisément la Chine. Son avocat a fait savoir qu’il ne désirait se réfugier dans aucun des pays dont il est plus ou moins officiellement ressortissant car il estime que les Etats-Unis sont le seul qui le protège de la Chine. Il a dit sa crainte d’être enlevé ou assassiné par des agents chinois, hypothèse qui s’appuie sur plusieurs autres cas de disparition de milliardaires embarrassants.
 

Que Gao Wengui demande l’asile aux Etats-Unis embarrasse Trump qui a besoin de la Chine dans l’affaire nord-coréenne

 
Pour Washington, la question devient plus délicate depuis que l’administration Trump tente de s’attirer les bonnes grâces de Pékin dans l’affaire nord-coréenne. Le New York Times écrit : « A l’évidence, M. Guo est l’homme le plus recherché de Chine et lui accorder l’asile politique contrarierait Pékin qui pourrait interpréter le geste comme une approbation tacite de l’entreprise du milliardaire pour entraver la domination chinoise. » Dans un premier temps donc, le problème pourrait être éludé en maintenant le statu quo le temps que la demande d’asile soit étudiée. Et cela pourrait prendre des années.
 
La radio publique des Etats-Unis NPR rapporte que Guo Wengui a rencontré voici quelques mois Jeh Johnson, ancien secrétaire à la Sécurité intérieure d’Obama et discret émissaire de l’administration Trump. Des enregistrements de la rencontre, qui ont fuité, révèlent que Guo s’est vu assurer qu’il ne ferait l’objet d’aucun marchandage avec la Chine. « Je veux vous aider », dit Johnson. Ils indiquent aussi que Guo a insisté pour rappeler à Johnson qu’il était un vieux client du club privé Mar-a-Lago, à Palm-Beach en Floride, propriété du président Donald Trump.
 

Matthieu Lenoir