Pour Theresa May, ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni, l’immigration de masse rend impossible la « cohésion sociale »

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L’immigration n’est pas dans « l’intérêt national » du Royaume-Uni, « à l’échelle que nous avons connue ces dix dernières années » : Theresa May, Home Secretary (ministre de l’Intérieur), n’entend pas mâcher ses mots lors de la Conférence du parti conservateur britannique où elle doit exprimer sa critique de l’immigration de masse. L’ensemble de la presse britannique donnait mardi la teneur de la conférence de Theresa May– on suppose qu’elle a été distribuée à la presse – et en vérité elle est aujourd’hui dans la ligne du parti, puisque le Premier ministre David Cameron a déjà souligné devant les conservateurs que sans contrôle de l’immigration, il est « difficile » de créer la « cohésion sociale ».
 
Theresa May ose même affirmer que « l’effet économique et fiscal net d’une forte immigration est voisin de zéro », s’appuyant sur des travaux universitaires et des rapports de l’OCDE et de la Chambre des lords.
 

Theresa May reprend le discours de David Cameron sur la cohésion sociale et l’amplifie

 
Il est intéressant de noter que ce discours, aujourd’hui plus facile à tenir en se référant aux travaux d’une organisation internationale, vient alors que le mal est déjà fait et que la situation semble déjà inextricable : comme si l’on voulait jeter de l’huile sur un feu qu’on avait d’ailleurs contribué à attiser. Il n’y a pas si longtemps – et c’est toujours le cas en France – le simple fait de parler des dangers de l’immigration massive pour la « cohésion sociale », et de son coût réel, était tabou.
 
Il y a là certainement une volonté électorale… et peut-être même de la sincérité de la part d’un ministre confronté au réel. Mais il n’est pas interdit d’y voir aussi un nouvel épisode de l’exploitation dialectique d’une nouvelle forme de lutte des classes – voilà longtemps que Marx enseigne que le « progrès social » s’obtient par le conflit : thèse, antithèse et synthèse… Et tant pis si c’est sanglant.
 
Les conservateurs répondent dans le même temps à l’irritation des Britanniques et – certainement – d’une bonne part de leur électorat alors qu’ils ont accompagné depuis leur arrivée au pouvoir la poursuite de l’immigration de masse. David Cameron envisagerait même de remettre à plus tard le référendum sur l’Europe, selon The Independent, afin de se donner le temps d’obtenir davantage de concessions de l’UE – ou plus exactement, d’améliorer les chances d’un « oui » britannique.
 

Le ministre de l’Intérieur dénonce l’immigration de masse dont les records ont été battus sous le gouvernement conservateur

 
Le discours devient donc désormais plus musclé et n’a rien à envier à celui de bien des partis nationalistes du continent européen. Theresa May – pressentie pour remplacer Cameron à la tête des Tories, le temps venu – met en garde contre des niveaux d’immigration aujourd’hui « insoutenables », appelant de ses vœux un « système qui nous permette d’avoir le contrôle sur qui doit entrer dans notre pays » ou non…
 
Après plusieurs années au pouvoir de telles déclarations ont leur côté surréaliste… Son discours souligne ainsi le « coût élevé » de l’immigration : construction de logements, création de nouvelles places dans le système scolaire ne sont qu’un aspect des choses. « Il est difficile pour les écoles, les hôpitaux et les infrastructures de base comme le logement et le transport de faire face. Et nous savons que pour les gens qui occupent des emplois peu payés, les salaires sont poussés à la baisse tandis que certains sont carrément expulsés de leur travail », a-t-elle déclaré.
 

Impossible d’intégrer plus de 330.000 personnes par an au Royaume-Uni : cela coûte trop cher et fait perdre des emplois aux autochtones

 
L’an dernier, la balance nette de l’immigration – la différence entre les nouveaux arrivants et ceux qui sont partis – a dépassé le record établi sous le dernier gouvernement travailliste : le solde en 2014 aura été de 330.000 personnes, 94.000 de plus que l’année précédente.
 
Pour répondre à ce niveau d’arrivées, il faudrait construire 210.000 logements par an et créer 900.000 places nouvelles à l’école d’ici à 2024. « Des milliers de personnes ont été forcés à quitter le marché du travail, et qui n’ont toujours pas retrouvé d’emploi », affirme le discours du ministre : au Royaume-Uni, un tel discours n’est plus tabou.
 
Elle parle de la « crise des migrants qui engloutit l’Europe continentale » en déplorant « l’amalgame » qui se fait dans l’esprit du peuple « entre les réfugiés qui ont désespérément besoin d’aide et les migrants économiques qui veulent simplement vivre dans une société plus prospère ».
 
« Il y a des millions de gens dans des pays plus pauvres qui aimeraient tellement vivre au Royaume-Uni, et il y a des limites au nombre d’immigrés que n’importe quel pays peut et doit accueillir », a déclaré Theresa May.
 
A-t-on le droit de demander si ces limites ont déjà été franchies ?
 

Anne Dolhein