Les limites de l’ère de l’information : internet ne fait pas de tort aux bons étudiants, mais rend les médiocres plus mauvais

internet bons etudiants rend mediocres plus mauvais
 
L’ère de l’information n’est pas forcément celle de la population bien informée. C’est le constat d’un bibliothécaire universitaire de la faculté de médecine de l’université d’Alabama, qui s’insurge contre la suggestion qu’il faudrait « faciliter » l’emploi des bibliothèques pour y attirer les foules. « Ce n’est pas la facilité qui assurera la survie de la bibliothèque (…), cela demande déjà trop d’efforts d’y aller pour en faire quelque chose de facile. » Autrement dit : ceux qui ne sont pas aujourd’hui disposés à fournir cet effort ne le seront jamais, tant l’accès à l’information semble aisé en ligne. Mais la facilité d’internet a des effets diamétralement opposés selon que les étudiants sont « bons » ou médiocres. Les meilleurs en profitent, les médiocres deviennent plus mauvais.
 

Internet et les bons étudiants

 
Ainsi les étudiants de bon niveau ont-ils tendance à bien utiliser leur bibliothèque sans même s’y rendre. Ils profitent des journaux accessibles en ligne, souligne Michael Flannery, bibliothécaire à l’université d’Alabama. Les ressources en ligne sont, pour eux, de vraies ressources : ils les consultent et organisent leurs recherches, qui peuvent certes être facilitées par une meilleure implication des bibliothécaires, mais qui n’en dépendent pas.
 

L’information facile, une aubaine pour les étudiants médiocres…

 
En revanche, les étudiants médiocres profitent des facilités d’internet sans même se soucier de l’existence des bibliothèques.
 
« Je pense que le problème est plus profond, et plus inquiétant. Il s’agit du déclin généralisé de la capacité des étudiants à lire, et même de leur intérêt pour la lecture. Avec Wikipedia (et vous et moi savons quel est son degré de fiabilité !) et des milliers d’autres sources sur internet, l’étudiant typique esquive le processus de recherche lui-même et se contente de quelques articles triés sur le volet glanés parmi des sources facilement accessibles. Ce sont les concepts de « facilité » et de « prêt à utiliser » qui gouvernent ce processus. Même l’e-book encourage cela, avec sa recherche par mots clefs prête à l’emploi. Ainsi l’étudiant ne lit pas le livre : il va y glaner ceci ou cela », résume Flannery.
 

…qui les rend plus mauvais

 
« Ce qui en ressort le plus souvent, c’est un essai à la construction médiocre, à l’écriture atroce sur un thème qui n’a fait l’objet d’aucune pensée sérieuse, ou très peu, de la part de l’étudiant. J’ai vu ce phénomène prendre de l’ampleur au fil des ans. Mais que je vous le dise : le bon étudiant est toujours aussi excellent. Voici mon constat : les médias électroniques ont rendu l’étudiant mauvais encore moins bon. Cela est moins lié à ce que sont les bibliothèques qu’à ce qu’on appelle “l’ère de l’information” », poursuit-il.
 

L’information dévaluée : internet diminue la culture

 
Face à ce fléau de l’information trop facilement accessible, les bibliothécaires peuvent jouer un rôle en créant des sites spécifiques pour mettre en valeur les meilleures ressources et les travaux les plus sérieux. Mais dans l’ensemble, observe le bibliothécaire, « la multiplicité des sites, des blogs et des réseaux sociaux pousse à une dévaluation généralisée ».
 
Et la moyenne des étudiants universitaires contribuent à cette dévaluation dans le cadre même de leurs études.
 
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la qualité de l’information vue par la population en général est donc à la baisse : trop d’information tue-t-il l’information ? Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, ajoute Denyse O’Leary de MercatorNet, promouvoir de bonnes bibliothèques pourrait bien se résumer à entretenir des espaces que plus personne n’utilisera – « c’est comme l’entretien de la pierre tombale de grand-mère ». On veut qu’elle soit en bon état mais ce n’est pas pour autant qu’on va s’y recueillir…
 
Voilà qui rejoint les craintes d’un autre critique de l’utilisation excessive d’internet dans un contexte d’immédiateté et de zapping incessant, aggravé par les fenêtres intempestives et les interruptions pour lire mails et autre tweets : Nicholas Carr (The Shallows – en français, Internet rend-il bête) est d’avis qu’en sollicitant sans cesse la mémoire courte, la navigation sur le Web provoque une véritable modification cérébrale qui aboutit à l’inhibition de la mémoire du texte lu à moyen et long terme.
 
En termes plus brutaux : c’est la mort de la culture.