Islam, laïcité et formation des imams : la farce tranquille

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Bruno Le Roux, le nouveau ministre de l’intérieur et des cultes a réuni hier « l’instance de dialogue avec l’islam » avec pour objectif la soumission de celui-ci à la laïcité et pour moyen la formation des imams. Comme tous ses prédécesseurs depuis Sarkozy. Une farce tranquille qui dure, on peut s’en assurer sur la vidéo ci-jointe et le petit rappel historique ci-dessous.
 
Avant de lire cet article, exceptionnellement, prenez le temps d’écouter Nader Abou Anas parler du paradis de l’islam et de ses houris. Nader Abou Anas n’est pas n’importe qui, c’est le prédicateur vedette de Dourous.net, un site d’étude (talab el ‘ilm) et de propagande (da’wa) de l’islam qui a le vent en poupe et pour devise « une étincelle de science sur le net ». Le site se veut ouvert à la modernité et progressif dans son prosélytisme puisqu’il organise des rencontres où les « sœurs » peuvent venir « voilées ou non ». Nader Abou Anas, jeune imam tranquille de trente-trois ans, marié et père de trois enfants, a suivi une formation de six ans à la Madrasa de Cheikh Ayyoub au 50, rue de la Chapelle à Paris dans le dix-huitième arrondissement. Il tient des conférences à la mosquée du Bourget et il préside l’association D’CLIC, qui a pour ambition d’enseigner l’islam, tant pour le culte que pour la culture. Prendre connaissance de la science de ce prédicateur français formé en France et s’exprimant parfaitement en français permet de mesurer la farce que jouent les ministres de l’intérieur depuis plus de dix ans avec la formation des imams.
 

 

L’islam et la laïcité selon Sarkozy et Villepin

 
Cette farce commence au début des années 2000, Nicolas Sarkozy étant ministre de l’intérieur et des cultes, et professant que les « grandes religions », à savoir l’islam, le judaïsme, le christianisme, et le bouddhisme en prime, ont pour mission de « civiliser la globalisation » dans « le cadre de la république » et de la laïcité – définie par la maçonnerie. A cet effet, Sarkozy lance le CFCM, Conseil français du culte musulman, qui regroupe les fédérations musulmanes et aura pour fonction de régler l’islam de France, de le soustraire aux influences étrangères et de le convertir à la laïcité : le ministre, qui se prend pour Napoléon, a dans l’esprit le consistoire israélite que celui-ci fonda en 1808. A peine a-t-il quitté la place Beauvau cependant qu’en mai 2004 son successeur et ennemi Dominique de Villepin, jugeant le CFCM trop conservateur, installe un « comité d’experts » pour réorganiser la formation des imams en France. Ce comité d’experts considère que la mosquée de Paris et l’UOIF (Union des organisations islamiques en France, composante du CFCM) dispensent un enseignement « trop rigoriste ». Selon Le Monde, Villepin hésite entre le « recyclage » des imams et la création d’une « faculté de théologie musulmane » subventionnée par l’Etat « dans le cadre de la loi de 1905 ». Détail piquant, toujours selon Le Monde, le comité d’experts qui conseille Villepin travaille « dans les locaux de l’Institut international de la pensée islamique qui est issu de la mouvance des Frères musulmans ».
 

Les projets de formations universitaires des imams

 
Les mois passent et en décembre 2004 le Figaro annonce que l’intérieur et l’éducation nationale se sont mis d’accord avec la Sorbonne et Assas pour qu’elle propose aux futurs imams un diplôme universitaire. Le président de UOIF, Thami Breze, se dit enthousiaste et assure qu’il poussera ses étudiants à le briguer : « Un imam ne peut ignorer la laïcité et son histoire en France ». Le gouvernement espère ainsi « franciser » les imams majoritairement étrangers. Villepin entend passer par-dessus les grandes organisations musulmanes car il dispose d’un « recensement », dont le Figaro ne donne pas les sources, selon lequel « 40 % des lieux de culte musulman seraient totalement indépendants des fédérations et incarneraient un islam modéré ». Personne ne se demande si les 60 % restants n’incarneraient pas un islam nullement « modéré ».
 

L’islam enseigné à la catho

 
Trois ans après, Nicolas Sarkozy étant président de la république et Michèle Alliot-Marie ministre de l’intérieur, le projet de formation universitaire des imams finissait par déboucher… à l’Institut catholique de Paris. Didier Leschi, chef du bureau des cultes et futur enseignant révélait à Libération l’ambition du cursus prévu pour 2008, intitulé « Religion, laïcité, interculturalité » : former des imams et fournir aux non musulmans des éléments de compréhension de l’islam. Exemple de matières enseignées : l’histoire « des trois valeurs républicaines (liberté, égalité, fraternité), pratiques musulmanes au sein de la République française, pratiques de l’interculturalité ». Pour la rentrée 2009, Leschi préparait alors, avec Francis Messner, chercheur au CNRS, l’ouverture d’une faculté de théologie musulmane à Strasbourg.
 

La laïcité face à l’islam et au catholicisme en France

 
Quelques mois plus tard en mai 2008, Courrier international publie un reportage d’Anaïs Ginori. « Au deuxième étage de l’Institut catholique de Paris un groupe d’hommes agenouillés récite al-icha, la prière musulmane du soir ». Puis Didier Leschi commence son cours sur la laïcité, tranquille : « Vous devez savoir qu’au début du XXe siècle la France a connu une crise profonde dans ses rapports avec la religion catholique, semblable par certains aspects à celle que nous vivons aujourd’hui vis-à-vis de l’islam. » Texto. Voilà ce que le chef du bureau des cultes enseignait à une poignée de futurs imams dans les locaux de la catho, sous un président de droite et un ministre de l’intérieur gaulliste. Comme cela ne suffisait pas, deux ans après, Eric Besson, ministre de l’immigration et de l’intégration annonçait, le 11 mai 2010 que « des discussions étaient en cours » pour lancer des « formations destinées aux futurs imams dans des universités publiques. »
 

Valls, Erdogan, même combat pour la laïcité

 
Comme la farce est un peu longue, sautons tout de suite à Manuel Valls, l’avant dernier en date des promoteurs de la formation des imams en France. Le 3 mars 2015 il se déplaçait à Strasbourg où s’est ouvert en 2012, financé par la Turquie et placé sous l’autorité directe de Recep Erdogan, un institut de formation des imams qui en accueillait une trentaine par an et qui a suspendu ses cours en 2014. Le premier ministre venait y annoncer sa « réforme de l’islam » en France, « défi historique » selon lui, pour lequel il affirmait que « l’Etat veut y mettre les moyens ». Des moyens pour construire des mosquées « lieu de culte ou centre culturel ». Et des moyens pour la formation des imams « francophones » et qui « adhèrent aux valeurs » de la France. A quelles fins ces moyens ? Pour combattre le « populisme » et « l’extrémisme radical » (sic), « ces deux dangers qui se nourrissent l’un de l’autre ». Et Valls de clamer : « La seule réponse, c’est la laïcité, c’est l’éducation, c’est l’université, c’est le savoir, c’est l’intelligence (…). Bref, « la république ». On a pu constater où la laïcité, l’intelligence et la république ont mené l’excellent Nader Abou Anas.
 

Le Roux répète tranquille les mantras de la maçonnerie

 
Bruno Le Roux a réuni hier pour la troisième fois l’instance de dialogue fondée par Manuel Valls et Bernard Cazeneuve en 2015, et, lui aussi, jugeant la formation des imams « insuffisante » l’a placée « au cœur de son projet ». Le président actuel du CFCM, Anouar Kbibech, a promis de terminer en décembre une charte que les imams devront signer pour obtenir le label du CFCM. Ils devront s’engager à respecter les « valeurs de tolérance, d’ouverture et de modération » de « l’islam du juste milieu ». Détail : ce label ne sera pas nécessaire pour avoir le droit de prêcher dans les mosquées ou sur internet. Autre détail, selon le Figaro, sur les 1.400 imams qui exercent en France, 70 seulement aurait été touché par les tentatives de formation lancées depuis 12 ans par le gouvernement français. Dernier détail, selon le Parisien, 300 imams détachés venus de Turquie, d’Algérie et du Maroc ont été formés dans leur pays d’origine et sont payés par eux : ils sont logés gratis et touchent entre 2.200 et 2.600 euros par mois, à comparer avec les 975 euros du traitement mensuel des prêtres.
 

La France et le christianisme sont les dindons de la farce

 
Je me suis livrée aujourd’hui à une longue description pour me passer presque de commentaire et le laisser pour l’essentiel à la sagacité du lecteur. Mais voici quand même mon opinion d’un mot. Le pouvoir maçon, dont les représentants se succèdent sans discontinuité dans l’action ni la pensée sous les étiquettes de droite et de gauche, se sert de l’islam tant comme dissolvant de la société française et chrétienne, que comme épouvantail pour discréditer tout « intégrisme » religieux. En même temps il a créé le concept d’islam modéré auquel il entend soumettre la réalité en secrétant peu à peu un corps d’apostats, musulmans d’origine et d’habitude solubles dans la république. Il finance avec l’argent des Français la construction de mosquées, et la formation des imams. Avec pour objectif un « islam » qui, comme le catholicisme dilué d’une partie de l’église postconciliaire en France, aura pour mission, sous la houlette du Grand Orient, d’assurer la police morale de sa communauté et de concourir ainsi à « civiliser la globalisation ». Cependant, comme le montrent les statistiques et la vidéo ci-jointe, il n’est pas sûr du tout qu’il parvienne à ses fins. Cent ans après la conquête violente qu’elle a faite de la France, la laïcité reste très efficace pour chasser les crèches ou le petit Jésus du marché de Noël de Strasbourg, mais pour produire des imams présentables, c’est une autre histoire.
 

Pauline Mille

 

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(Affiche d’un documentaire franco-tunisien réalisé en 2011, d’abord intitulé Ni Allah ni maître avant d’être renommé à la suite de la polémique suscitée)