L’Italie voudrait renvoyer 20.000 migrants de ses centres d’accueil, faute de moyens

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Des migrants dans un centre de la Croix-Rouge à Vintimille.

 
Le ministère de l’intérieur italien vient de faire savoir que, faute de fonds pour financer le très coûteux accueil des migrants dans le pays, il pourrait prochainement prendre la décision de renvoyer jusqu’à 20.000 « réfugiés » de ses centres d’accueil, arrivée à saturation depuis un bon moment. Le manque de moyens est important : on constate un trou dans le budget de quelque 60 millions d’euros. Dans le même temps, on devine une opération de chantage de la part du gouvernement en Italie : en menaçant ses citoyens mais aussi les pays voisins des conséquences d’une telle opération, il y a sûrement de la pression politique dans l’air.
 
Lâchés dans la nature, les 20.000 migrants pourraient « créer des problèmes d’ordre public en raison des tensions sociales que l’opération peut entraîner », a prévenu le ministre de l’intérieur. Les migrants, livrés à eux-mêmes, auraient en outre la possibilité de mener à bien leurs projets d’origine : tenter d’aller vers le nord pour rejoindre les pays les plus riches comme l’Allemagne, les pays scandinaves, le Royaume-Uni…
 

Les centres d’accueil de migrants d’Italie n’ont plus d’argent

 
Pour l’Italie, l’accueil et la prise en charge de quelque 160.000 migrants et demandeurs d’asile dans des centres gérés par le gouvernement le plus souvent, mais aussi dans des centres privés, représente une charge de plus en plus insupportable. Aux dizaines de milliers de réfugiés accueillis en 2015 et qui n’ont pas encore réussi à pousser vers le nord, se sont joints cette année 132.000 nouveaux arrivants, récupérés en Méditerranée après avoir quitté les côtes tunisiennes ou libyennes sur des embarcations de fortune. Pour eux, il faut tout payer : logement, nourriture, soins. Prix par jour et par tête : entre 25 et 45 euros.
 
Ils sont certes répartis dans l’ensemble de l’Italie, avec d’importants centres à Turin et à Milan, mais on les trouve aussi dans les petites villes de Toscane et les régions plus déshéritées de Sicile, de la Basilicate et de Calabre.
 
Aujourd’hui ce sont les employés des centres d’accueil qui manifestent leur ras-le-bol. « On n’a jamais vu de si grands retards de paiement » aux centres, souligne le responsable d’une fédération d’ONG d’assistance aux demandeurs d’asile, Confcooperative : « Au-delà du risque très important de ne plus pouvoir fournir une aide aux demandeurs d’asile, cela pose également des problèmes pour le personnel. Depuis plus de six mois, certains d’entre eux n’ont pas reçu de salaire. Nous sommes arrivés au point d’implosion. »
 

Renvoyer 20.000 migrants dans la nature : une menace ?

 
De son côté, le ministre de l’intérieur Angelino Alfano reconnaît les difficultés mais assure être lui-même pieds et poings liés du fait du retard du déblocage des fonds par le Trésor italien.
 
On peut prévoir des démarches nouvelles et encore plus insistantes de la part de l’Italie pour faire transiter les réfugiés vers le nord de l’Europe. Et ce d’autant que le flux de nouveaux arrivants est très loin d’être tari : au début du mois, le chef d’une mission de l’ONU en Libye, Martin Kobler, indiquait que 235.000 « migrants et réfugiés » se trouvaient alors sur les côtes libyennes, avec pour objectif la traversée de la Méditerranée pour rejoindre l’Italie, porte de l’Europe. « Nous avons sur nos listes 235.000 migrants qui n’attendent qu’une bonne occasion pour partir vers l’Italie, et ils le feront », a-t-il averti.
 
Pendant que l’Occident les regarde, impuissant.
 

Anne Dolhein