L’Italie réussit à mobiliser les tribus du sud de la Libye pour endiguer les trafics de migrants

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Comme il est évidemment hors de question de tirer à vue sur des bateaux de migrants, fussent-ils accompagnés de passeurs armés, le pouvoir italien doit négocier avec les chefs des multiples autorités libyennes pour les convaincre de bloquer les flux provenant d’Afrique noire ou orientale. Dimanche, Rome a publié un communiqué de victoire annonçant que des dizaines de tribus, pourtant rivales, avaient signé un accord de coopération pour sécuriser la frontière sud du pays. Pas moins d’une soixantaine de caciques, parmi lesquels ceux des puissants Touaregs du Sud-Ouest de la Libye, des Toubous du Sud-Est, de la tribu arabe d’Awad Souleiman, et un représentant du Gouvernement de coalition nationale basé à Tripoli et soutenu par l’ONU, ont paraphé un accord en douze points après 72 heures de négociations secrètes à Rome. Ce n’est pas l’Union européenne mais le gouvernement italien, fort de sa connaissance d’un territoire qu’il a administré, uni et développé jusqu’en 1945, qui a mené cette entreprise, laquelle, avec d’autres accords du même type déjà signés, pourrait se révéler vitale pour l’avenir des pays du nord de la Méditerranée.
 

L’Italie a utilisé sa connaissance des tribus de Libye pour discuter avec elles des clandestins

 
Si l’on ne connaît pas les détails d’un texte qui n’a pas encore été publié, le Corriere della Sera de Milan (conservateur libéral) écrit, avec toutes les prévenances linguistiques convenues, que son objectif « est de combattre une économie (par ailleurs) basée sur le commerce illicite des drogues, qui cause des centaines de morts en Méditerranée, pousse des milliers de personnes désespérées à rechercher une vie meilleure, favorise la poussée populiste (en Europe) et fait croître la menace djihadiste dans le désert ». L’accord prévoit des programmes de formation professionnelle pour éviter que les jeunes gens ne se livrent à des activités criminelles. Le ministre italien de l’Intérieur, Marco Minniti, a confié à La Stampa de Turin « qu’un corps de patrouille libyen sera créé pour contrôler la frontière méridionale, longue de 5.000 kilomètres ». Une paille. « Sécuriser cette frontière sud de la Libye, c’est sécuriser la frontière sud de l’Europe », a-t-il affirmé. Cette ligne, qui sépare le pays de l’Algérie (zone des Touareg), du Niger, du Tchad, du Soudan (zone des Toubous) et à l’est de l’Egypte, court dans une zone désertique qui laisse le champ libre aux transports de migrants, de drogues et d’armes.
 
Depuis la chute de Kadhafi en 2011, une quantité de clans tribaux et armés se disputent le contrôle de ces trafics, mais aussi des champs pétroliers de la région. Les tribus arabes soutiennent le gouvernement de Libye occidentale tout en conservant des relations avec l’administration rivale de l’Est, et s’affrontent régulièrement avec les Toubous. Ceci souligne la difficulté que les Italiens ont rencontrée pour mettre tout le monde d’accord. Et celle qu’ils rencontreront pour que l’accord soit effectivement appliqué.
 

Pour endiguer le trafic de migrants l’Italie s’entend avec les tribus de Libye

 
Depuis janvier, 24.200 migrants clandestins et illégaux ont été secourus en Méditerranée et enregistrés dans les ports italiens, a comptabilisé le ministère de l’Intérieur à Rome. Récemment, un accord entre les diverses autorités libyennes et l’Union européenne avait prévu la formation de 90 garde-côtes libyens. Par ailleurs, l’Italie a annoncé la restitution de dix navires aux gardes-côtes libyens, qu’elle leur avait saisis en 2011. Ils devraient être opérationnels fin avril ou début mai. En mars, les ministres de l’Intérieur de plusieurs pays de l’UE et ceux des pays nord-africains ont conclu un accord avec le Gouvernement de coalition nationale libyen pour endiguer les flux migratoires. Il comportait des financements, la formation d’agents garde-côtes et la fourniture d’équipements à la Libye.
 

Matthieu Lenoir