Le futur ministre de la justice de Trump, Jeff Sessions, auditionné par le Sénat

Jeff Sessions audition Sénat ministre justice Trump
Le sénateur Jeff Sessions, lors de son audition devant le Sénat pour le poste de ministre de la Justice, le 10 janvier 2017 à Washington.

 
La nomination de l’Attorney general des Etats-Unis – autrement dit, le ministre de la justice – ne se fait pas d’un coup de plume : le candidat de Donald Trump, Jeff Sessions, vient d’être soumis à une séance proche de l’interrogatoire, devant le Sénat qui donnera son avis sur un homme que la presse se plaît à montrer comme « controversé ». Voire « raciste » et ennemi des droits de l’homme… Déjà auditionné de manière très critique mardi, au cours d’une séance perturbée par des protestations bruyantes du public, Sessions devait poursuivre l’exercice ce mercredi, attirant sur lui tous les reproches que la gauche américaine adresse au président-élu.
 
Il est intéressant de noter que ce sont les questions « sociétales » qui remuent le plus les sénateurs. Quoiqu’il en soit de la primauté de l’économie revendiquée dans notre monde matérialiste, le point de vue idéologique est en réalité très important et l’affaire démontre que pour accéder au pouvoir, il faut sacrifier aux idoles du politiquement correct.
 
Jeff Sessions part avec un handicap : en 1986, il s’était présenté devant le même comité judiciaire du Sénat pour faire accepter sa nomination en tant que juge fédéral désigné par Ronald Reagan. Des accusations de racisme émanant de collègues procureurs et d’employés de son cabinet avaient eu raison de son ambition : sa demande avait été rejetée.
 

L’audition de Jeff Sessions par le Sénat perturbée par des manifestants bruyants

 
Sa nomination comme Attorney general étant acquise, Sessions deviendrait responsable de la mise en application des lois « antiracistes », des éventuelles restrictions sur l’avortement, et plus largement d’une forme de surveillance du nouveau président, le ministre de la justice étend chargé de le rappeler à l’ordre en cas de transgression programmée de la Constitution américaine.
 
Sur ce dernier point, on peut dire que les précédents titulaires du poste ont mollement agi : il suffit de voir le nombre d’accusations d’activités anticonstitutionnelles adressées à Barack Obama, notamment à propos de décrets ne relevant pas de sa compétence, sans que l’Attorney general ne réagisse, pour comprendre que tout cela reste très politique.
 
Alors que des manifestants déguisés en membres du Ku Klux Klan – sur lequel Sessions a eu le malheur de plaisanter trop aimablement jadis – hurlaient des insultes pendant l’audition, les membres du comité judiciaire ont multiplié les attaques. La très radicale Dianne Feinstein, la Démocrate la plus importante des membres du comité, a fait savoir que celui-ci a reçu des lettres de mise en garde contre le candidat de la part de 400 groupes de défenses des droits civiques, 1.400 professeurs de droit, 1.000 étudiants en droit, un large éventail d’organisations qui luttent contre la violence domestique, et 70 organisations actives dans le domaine de la santé reproductive.
 

En tant que futur ministre de la justice, Jeff Sessions en première ligne sur les questions de société

 
Interrogé sur le KKK, à propos duquel il avait un jour plaisanté : « Ils m’allaient bien jusqu’au moment où j’ai découvert qu’ils fumaient du hasch », il a protesté vigoureusement. « J’abhorre le Klan et ce qu’il représente et son idéologie haïssable. » Il n’est pas sûr que cela suffise. Pourtant, c’est lui qui avait poursuivi le chef du KKK de l’Alabama accusé de meurtre. La condamnation de ce dernier, accompagné d’une amende en millions de dollars, a cassé les reins du mouvement raciste, comme devait le reconnaître le New York Post lui-même.
 
Sur d’autres points, Jeff Sessions a montré que la proximité du pouvoir conduit à diluer les promesses électorales : entre soumission au politiquement correct et retour au réel. Interrogé sur le fait de savoir s’il compte soutenir la fermeture totale des États-Unis aux musulmans annoncée par Donald Trump, Sessions a précisé, comme l’avait dit Trump lui-même pour calmer le tollé, que l’accent serait mis sur des individus en provenance de pays ayant une histoire de terrorisme. « J’espère que nous pourrons empêcher d’entrer dans le pays des gens qui veulent tuer tout le monde à cause de leur religion », a-t-il déclaré, tout en soulignant qu’à son avis la plupart des musulmans ne sont pas de cette espèce.
 

Comme Trump, Jeff Sessions lâche du lest

 
Pour ce qui est du « mariage » gay, le candidat de Trump est à peu près sur la même ligne que ce dernier : « La question a été réglée », a-t-il dit. Conservateur présenté comme extrémiste, Sessions n’entend visiblement pas irriter le lobby LGBT pour autant.
 
Il s’est montré plus ferme sur la question de l’immigration, assurant que les décisions anticonstitutionnelles prises par Obama pouvaient très bien être renversées.
 
On connaît également son rôle dans la dénonciation publique des négociations secrètes des traités transatlantique et transpacifique : TAFTA et TPP
 
Selon la presse conservatrice américaine, Sessions devrait cependant facilement obtenir sa confirmation. Il est vrai qu’il semble avoir lâché du lest…
 

Anne Dolhein