Jérusalem capitale d’Israël : les musulmans s’indignent contre Donald Trump, l’Union européenne leur emboîte le pas

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Le président américain Donald Trump devait annoncer ce mercredi que les Etats-Unis reconnaissent Jérusalem comme capitale d’Israël. Un événement historique puisque la « communauté internationale » n’a jusqu’ici pas entériné le transfert de la capitale politique de l’Etat hébreu de Tel Aviv à Jérusalem en 1980, les Nations unies n’ayant reconnu « aucune validité » à cette décision. Les Etats musulmans s’indignent et l’Union européenne leur emboîte le pas.
 
Les hauts fonctionnaires à Washington ont fait savoir que cette décision constituait la reconnaissance « d’une réalité », Jérusalem étant la capitale du peuple juif depuis l’Antiquité, et juridiquement celle de l’Etat d’Israël puisqu’elle abrite Parlement, Cour suprême et gouvernement. Le transfert prendra « non des mois mais des années », entre l’acquisition d’un terrain, la construction de bâtiments et le déplacement du millier d’employés de la légation.
 

Jérusalem capitale d’Israël : une loi votée en 1995 sous Clinton et sa majorité démocrate

 
Reste que Donald Trump par cette décision ne fait qu’appliquer une loi votée à Washington en 1995 sous la présidence de Bill Clinton, les deux chambres du Congrès étant alors à majorité démocrate, qui stipulait que « Jérusalem devait être reconnue comme capitale d’Etat d’Israël » avec déplacement de l’ambassade « dans les quatre ans ». Cette loi, confirmée sous dix Congrès successifs, a vu son application ajournée quelle que fût la couleur du président. Elle contenait une condition suspensive, impliquant un feu vert du commandant en chef lié à la sécurité. Trump réalise là une promesse majeure de sa campagne. La plupart de ses prédécesseurs avaient promis la même chose, sans jamais l’appliquer.
 
Evidemment l’application de cette décision suscite une levée de boucliers dans le monde islamique. Jérusalem est officiellement divisée depuis l’armistice de 1949 entre Est et Ouest, réunifiée unilatéralement par Israël après la guerre des Six-Jours en 1967.
 

Donald Trump soutient « une solution à deux Etats entre Israéliens et Palestiniens »

 
Mais à Washington, on souligne que « reporter la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël n’a rien à voir avec la recherche de la paix ». « Donald Trump est prêt à soutenir une solution à deux Etats entre Israéliens et Palestiniens, si elle est soutenue par les deux parties », ajoute-t-on, précisant que le président « reconnaît » que la question de la souveraineté d’Israël sur Jérusalem « est soumise à des négociations finales sur le statut » et qu’il « réaffirme son soutien au statu quo sur le Mont du Temple, Haram esh-Sharif ». Il dit « comprendre les aspirations palestiniennes ».
 
Il fallait cela, au vu des réactions, prévisibles. De source gouvernementale, on souligne que le président Trump « a eu des discussion très poussées » avec les dirigeants du Moyen-Orient au sujet de sa décision, et leur a réitéré son ferme engagement dans la recherche de la paix.
 

Pour l’Union européenne, Federica Mogherini dénonce une décision susceptible de « saper les efforts de paix »

 
Sans surprise, l’Union européenne par la voix de son haut représentant pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini, issue de la gauche multiculturaliste italienne, a vitupéré contre cette décision devant Rex Tillerson en personne, secrétaire d’Etat américain en visite à Bruxelles et sceptique sur le transfert, estimant que « toute action qui pourrait saper » les efforts de paix pour créer deux Etat séparés « doit absolument être évitée ». Elle exige que la ville puisse aussi devenir capitale palestinienne, se rangeant du côté musulman. L’Arabie saoudite, alliée des Etats-Unis, a réitéré son « ferme et perpétuel soutien » aux droits des Palestiniens à disposer d’un Etat indépendant avec pour capitale Jérusalem Est. Le roi Abdallah a dénoncé une décision qui « mine les efforts des Etats-Unis » pour un accord de paix.
 
Le statut de Jérusalem est l’un des points les plus sensibles du sempiternel feuilleton israélo-arabe. Les dirigeants palestiniens, qui peinent à faire cesser leurs sanglantes divisions, s’entendent au moins pour affirmer qu’il ne peut y avoir de paix tant qu’ils ne pourront établir leur propre capitale à Jérusalem (Est) alors qu’Israël insiste sur l’indivisibilité de sa propre et « éternelle » capitale.
 

Le transfert de l’ambassade américaine est aussi diplomatique que symbolique

 
Jérusalem, qui compte aujourd’hui 890.000 habitants, est à la fois la ville sainte du judaïsme – capitale du roi David -, site majeur du christianisme – avec le tombeau du Christ -, et troisième « lieu saint » des mahométans – à partir duquel leur prophète aurait effectué son « voyage nocturne ». Le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem est donc aussi diplomatique que symbolique : durant la campagne présidentielle, les donateurs évangéliques et juifs de Donald Trump espéraient que cet acte serait le premier réalisé après son installation.
 
Anticipant des protestations violentes de la part de musulmans, le consulat des Etats-Unis à Jérusalem a déjà demandé aux personnels américains et à leurs familles de ne pas visiter la vieille ville ou les Territoires palestiniens.
 

Al-Sissi met en garde contre le classique « embrasement de la rue arabe »

 
Husam Zomlot, représentant de la délégation palestinienne à Washington, a dénoncé un « coup de poignard dans le dos ». Le président Trump avait pris la précaution de converser aussi bien avec le Premier ministre israélien Netanyahou qu’avec le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Ce dernier a dénoncé une « action inacceptable » et appelé Vladimir Poutine, Emmanuel Macron et le pape François pour leur demander « d’intervenir ». Le président égyptien Abdul al-Sissi, comme le roi Abdallah, a mis en garde M. Trump contre « l’embrasement » de la rue arabe, monomanie récurrente de l’islam mondial. Quant au Turc Tayyip Recep Erdogan, il a déclaré que « Jérusalem est une ligne rouge pour les musulmans ». Qui ont pourtant bien dû s’accommoder de voir le gouvernement et le Parlement israéliens résider dans la ville depuis 1949 – 68 ans -, réunifiée avec statut juridique de capitale dès 1980. Voici 37 ans.
 

Matthieu Lenoir