Le Conseil d’Etat instrument du pouvoir politique ?

Le Conseil d’Etat instrument du pouvoir politique ?

L’appel fait en urgence devant le Conseil d’Etat par Manuel Vals du jugement du tribunal administratif de Nantes autorisant le spectacle de Dieudonné est une première juridique. Côté du ministre de l’Intérieur, on mélange un peu les pouvoirs exécutifs et judiciaires, côté Conseil d’Etat, on a prouvé une fois de plus une politisation déjà ancienne.
Moins de quatre heures après avoir été saisie, la Cour suprême administrative rendait son arrêt, après avoir délibéré quelques minutes seulement.

Outre que cette décision risquait de provoquer un trouble à l’ordre public qu’elle prétendait éviter en mécontentant les quelques 6.000 spectateurs déjà rassemblés au Zénith de Nantes, les plus hautes autorités politiques et judiciaires du pays ont offert un spectacle inédit.

 
Le Conseil d’Etat n’en est pas à ses premières frasques. Il est accusé depuis longtemps, à raison, d’être trop politisé. La preuve la plus récente est la présence au Conseil d’Etat depuis 2010 d’Arno Klarsfeld. Or cet avocat médiatique avait appelé quelques jours plus tôt à aller manifester devant les salles de spectacles contre Dieudonné, et s’était largement engagé en faveur de Manuel Valls les jours précédents. Il s’est donc trouvé juge et partie.

 
Déjà en mai 2012, Camille Mialot, spécialiste du droit public, appelait François Hollande à réformer le recrutement du Conseil dans le cadre de la « réforme de la justice ». L’avocate écrivait ces lignes dans Le Monde : « Si les juges administratifs du premier degré et de l’appel sont des juges presque comme les autres, les membres du Conseil d’Etat, juridiction suprême de l’ordre administratif, sont recrutés pour partie par la voie de l’ENA et pour partie (la moitié) par nomination par le président de la République. Dans ce dernier cas, le président nomme qui bon lui semble au sommet de la juridiction administrative, sans recueillir d’autre avis que celui du vice-président du Conseil d’Etat qui est aussi un ex-secrétaire général du gouvernement ». Et de fait deux des membres nommés alors n’ont pas le moindre diplôme d’études de droit ! Inutile d’aller plus loin : les décisions du Conseil d’Etat suivent l’idéologie dominante au pouvoir.

 
Ce n’est donc pas la justice qui a tranché hier mais le ministre de l’Intérieur lui-même. Manuel Valls a défendu « la dignité de la personne » contre la liberté d’expression. Il y a quelques années, le même défendait l’exact opposé à propos de la pièce anti-chrétienne Golgota PicNic, puisqu’il s’était rendu devant le théâtre pour y défendre son auteur et « le monde de la culture ». C’est donc encore une fois le deux poids, deux mesures qui prime, au profit des caprices du ministre de l’Intérieur, qui en quelques heures réussit à convoquer deux fois la justice du pays quand tant de français attendent des années avant le jugement de leurs agresseurs.

 
A noter que le président de l’UMP, Jean-François Copé a salué cette décision, demandé à Manuel Valls et Christiane Taubira « d’agir vite et fort » contre Dieudonné, et d’aller plus loin encore. Les réactions des invités dans les débats télévisés qui ont suivi le confirment : on est en présence d’un lynchage politique d’un homme par un système politique, gauche et droite confondue, jusqu’au Front de gauche. Le Front National quant à lui a émis de vives critiques envers Dieudonné, mais également sur le comportement de Manuel Valls.
Le droit n’est utilisé que comme un instrument fort malmené·