Législatives en Slovaquie : la vague anti migrants porte le socialiste national Fico

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Robert Fico à son arrivée au sommet européen sur la crise des migrants, le 7 mars à Bruxelles.

 
Bien que régressant par rapport à 2012, le premier ministre de Slovaquie Robert Fico a remporté les élections législatives sur un programme à la fois socialiste et national, opposé à l’accueil de migrants. En prime, trois partis populistes entrent au parlement slovaque. Cela agace Bruxelles, car la Slovaquie prendra la présidence tournante du conseil européen en juillet.
 
La Slovaquie, dont la capitale Bratislava fut chantée entre les deux guerres par l’académicien Emile Henriot, est un charmant petit pays agricole et catholique peuplé de cinq millions et demie d’habitants sur moins de cinquante mille kilomètres carrés, entouré par l’Autriche, la Tchéquie, la Pologne, l’Ukraine et la Hongrie. Elle n’est pas familière au lecteur français, et c’est pourquoi il est nécessaire de décrire brièvement les élections législatives de dimanche avant d’en tirer des enseignements.
 

Des législatives compliquées en Slovaquie

 
Huit partis ont atteint la barre des cinq pour cent des votants qui permet d’avoir des députés. Il s’agit dans l’ordre de Smer, dont le chef est Robert Fico, d’inspiration socialiste modérée : il a fait campagne sur des propositions d’Etat providence. Avec 28,3% des voix, il perd seize points sur 2012, mais n’est pas, comme les commentateurs anglo-saxons le prétendent, le seul ni même le grand perdant des législatives, puisqu’il retrouve, à peu de chose près, son niveau de 2010, sa victoire de 2012 étant surtout due à l’exaspération de l’électorat devant des scandales de corruption. Deux autres partis ont souffert, et carrément disparu du parlement : le KDH des démocrates chrétiens, arrivés seconds avec 9 % en 2012, et le SDKU-DS (6 %), deux partis démocrates chrétiens dits de « centre droit ». Le SIET centriste qui tentait de les concurrencer et que les instituts de sondage plaçaient en seconde position frise lui aussi l’élimination avec tout juste 5,6% des suffrages.
 
Continuons la description : les voix récupérées sur Fico et le centre ont profité à plusieurs formations. Au SaS, le parti solidaire de la liberté de Richard Sulik, résolument de droite en matière économique – mais résolument eurosceptique, arrivé second avec 12%. Puis aux conservateurs d’Olano-Nova, déjà troisièmes en 2012, mais qui gagnent deux points et demie à 11 %. Puis aux nationalistes radicaux du parti national slovaque (SNS, nationaliste radical), un ancien allié de Fico, qui avait disparu du parlement en 2012 et revient en force (8,7%). Puis, tout de suite derrière, au SNS, Notre Slovaquie, de Marian Kotleba, décrit comme « d’extrême droite » avec 8,1%. Si Most HID, qui recueille les voix de minorité hongroise, n’a pratiquement pas bougé depuis 2012 (6,5 %), un autre parti profite de l’affaiblissement des modérés, le SME de l’ultraconservateur Boris Kollar, très anti migrant et politiquement attaché à la famille bien qu’il ait eu neuf enfants de huit femmes différentes.
 

En Slovaquie même le parti socialiste s’oppose aux migrants

 
L’ensemble des résultats de ces législatives indique une poussée à droite, plus particulièrement en matière de société et d’immigration. Robert Fico, pour qui le multicuralisme est une « fiction », s’étant engagé à refuser les quotas de migrants imposés par Bruxelles, les politologues payés par les milieux d’affaires européistes lui imputent la progression de « l’extrême droite ». Ainsi par exemple, selon Dalibor Rohac, de l’American Enterprise Institute, « Parmi les politiciens de l’Union européenne, Robert Fico a pris une des positions les plus fermes  sur la crise des migrants, mais le résultat n’a pas été de maîtriser les extrémistes, mais au contraire de les faire entrer au parlement. »
 
Cette déclaration est caractéristique à plusieurs égards. D’abord, elle avoue que l’objectif, pour une certaine coterie, n’est pas de résoudre ce qu’ils appellent « la crise des migrants », et qui est en réalité l’invasion révolutionnaire de l’Europe, mais de « maîtriser l’extrême droite ». Surtout, elle reprend le vieux sophisme, récemment agité par un Estrosi, selon lequel plus on parle des migrants, plus « l’extrême droite » progresse. C’est une inversion manifeste de la réalité : c’est parce que les migrants envahissent l’Europe que les partis discrédités sous l’étiquette infâmante d’extrême droite progressent, et c’est pour tenter de faire un contrefeu que les partis au pouvoir reprennent leurs thèmes. Robert Fico n’avait d’autre choix, pour se maintenir au pouvoir, que de se dire opposé à l’accueil des migrants.
 

Notre Slovaquie, parti national ou fasciste ?

 
Quelques mots de Notre Slovaquie et de son chef Marian Kotleba. Cet ancien professeur de lycée, devenu gouverneur de la province de Banska Bystrica voilà deux ans à la faveur d’une régionale partielle, est accusé par les médias internationaux d’avoir « eu des liens avec les néonazis ». C’est aussi ce qu’on a reproché au Front National  à ses débuts. Comme faits concrets, on lui impute d’estimer que « un seul immigré est un immigré de trop », et d’avoir eu des paroles favorables (qu’on ne cite pas) à Jozef Tiso, chef de la Slovaquie sécessionniste pendant la seconde guerre mondiale. Plus grave, et plus concret, Marian Kotleba a traité l’OTAN « d’organisation criminelle », et s’est moqué des Etats-Unis, de l’Union européenne et des migrants. Voilà en effet qui est impardonnable aux yeux des politologues mondialistes.
 
Le plus préoccupant pour eux, c’est qu’en dehors même de Notre Slovaquie et parmi ceux qui le condamnent comme un homme d’un autre siècle ou un « fasciste » semeur de haine, on ne trouve pas de partisan de la politique préconisée par Bruxelles. Les voix qui se sont portées sur les nationalistes radicaux, sur Boris Kollar, sur Robert Fico, sur le SaS de Sulik, sur Olano Nova ne sont pas favorables à l’invasion des migrants, ni à l’Union européenne. Et le phénomène est général en Europe centrale. La Tchéquie a un président politiquement incorrect, la Hongrie a réélu Viktor Orban, dont les députés siègent au PPE mais qui s’est radicalisé sous la pression de ses électeurs, la Pologne a ramené au pouvoir le parti Loi et Justice : c’est l’insurrection populaire de tout l’Est de l’Europe envahie contre l’invasion des migrants que Bruxelles impose.
 

Fico et le système sous la menace de l’électorat national

 
Que peut faire Robert Fico ? Il estime que « constituer un gouvernement dans des circonstances aussi compliquées ne sera pas facile ». Certains pensent que cela lui prendra plusieurs semaines ou même plusieurs mois. Trois partis ont annoncé qu’ils refuseraient d’entrer dans toute combinaison avec lui. On ne voit pas quelle coalition reste à sa portée. La grande alliance des patriotes, de l’extrême gauche à l’extrême droite, genre front de gauche front national, lui est interdite par le tabou sur Kotleba. D’un autre côté, ses adversaires modérés n’ont nulle majorité possible. Alors ? Une dissolution suivie de nouvelles élections  est possible, c’est l’opinion d’Otilia Dhand, analyste chez Teneo Intelligence à Bruxelles. Mais Fico l’exclut. Et il finira sans doute par avoir gain de cause, car beaucoup craignent, et pas seulement à Bruxelles, que la colère populaire qui monte en Slovaquie ne ramène dans ce cas un bien plus grand nombre de députés « d’extrême droite ». Aussi le plus probable est que Robert Fico trouve un accord avec l’un ou l’autre de ses opposants modérés pour une politique modérément opposée aux migrants, et qu’il tienne à Bruxelles, en tant que président temporaire du prochain conseil européen des propos propres à rassurer les européistes mondialistes tandis qu’il en tiendra d’autres à Bratislava, propre à satisfaire l’électeur socialiste national opposé à l’invasion des migrants. C’est vieux comme les législatives, la Slovaquie, et la politique.
 

Pauline Mille